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L'arrêt Tarn et Garonne

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Par   •  3 Octobre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 097 Mots (9 Pages)  •  2 343 Vues

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  • Département du Tarn-et-Garonne, 4 avril 2014.

Pb : dans quelles mesures les tiers à un contrat pourront-ils recourir contre ce dernier devant le juge du plein contentieux?

I) Une jurisprudence contemporaine

                A) Une distinction entre les « tiers » supprimée

Jusqu’à présent, seule les parties à un contrat administratif avaient la possibilité d’en contester la validité ; ils pouvaient contester la validité de sa formation par voie d’action, et la validité de son exécution par voie d’exception.

Pour les tiers, alors que le principe est celui selon lequel le REP contre un contrat n’est pas possible (Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, 1997), le juge administration a admis, en 1905, la possibilité pour eux d’attaquer les actes détachables du contrat (Martin, 1905). La notion d’acte détachable désigne les actes qui se détachent formellement du contrat. Il s’agit d’acte antérieur à la conclusion du contrat (ex : délibération autorisant à signer) mais il peut aussi s’agir d’acte se détachant intellectuellement et juridiquement du contrat (ex : décision de signer le contrat). Par la suite, la jurisprudence s’est progressivement assouplie. En 1996, le CE a ouvert la possibilité pour les tiers de contester (via REP) les clauses réglementaires du contrat (Cayzeele, 1996), et même de contester par la voie du REP certains contrats tel que le contrat de recrutement d’un agent public par exemple (Ville de Lisieux, 1998). Toutefois, dans toute ces hypothèses, seul le REP est possible ; le recours en plein contentieux n’était ouvert qu’aux parties au contrat.

Ce n’est qu’en 2007 que le juge administratif a ouvert à certains tiers le contentieux contractuel devant le juge de pleine juridiction. Par l’arrêt Société Tropic Travaux, les tiers évincés peuvent contester la validité (publicité et mise en concurrence (droit de la concurrence ; bloc de légalité (Société Million et Marrais, 1997) du contrat, assorti, le cas échéant, de demande d’indemnisations. Tout d’abord, on entendait par tiers évincés tous les candidats qui ont effectivement participé à la procédure de passation, et les candidats potentiels qui justifient avoir été irrégulièrement empêchés d’y participer alors qu’ils en avaient clairement manifesté leur intention.

Récemment, cette qualité de concurrent évincé a été reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature, qu'il n'aurait pas été admis à présenter une offre ou qu'il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable. (Avis, 11 avril 2012)

Dans sa décision Département de Tarn-et-Garonne, le CE va encore plus loin puisqu'il considère cette fois que tout tiers intéressé peut contester la validité d'un contrat administratif. Dorénavant, "tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses règlementaires qui en sont divisibles".

Toutefois, il semblerait, et les conclusions du commissaire de gouvernement Dacosta vont en ce sens, qu’il faille désormais que les candidats évincés justifient aussi de la lésion d’un intérêt ; ca n’était pas exigé auparavant. Mais il ne faut pas s’y méprendre, ca n’est pas une « révolution » puisque le fait qu’une irrégularité n’ait pas lésé le requérant aboutissait déjà, la majeure partie du temps, à une absence de remise en cause du contrat.

Ainsi, parties au contrat, concurrents évincés et désormais tiers intéressés peuvent former un recours de pleine juridiction pour contester la validité d'un contrat et en obtenir le cas échéant l'annulation auprès du juge. Outre l’annulation, quels sont les pouvoirs du juge ?

                B) Un juge au pouvoir étendu

Les pouvoirs du juge s’inscrivent dans le prolongement de la jurisprudence antérieur et notamment dans le prolongement des arrêts Société Tropic Travaux (2007), Commune de Béziers (2009) et Commune de Bézier (2011).

Selon les cas, il peut tout d'abord décider de la poursuite de l'exécution du contrat en invitant ou non les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il aura fixé. Il peut ensuite décider de résilier le contrat en cas "d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat".

Enfin, le juge ne prononcera l'annulation totale ou partielle du contrat que s'il "a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit relever d'office". Pour ces deux dernières hypothèses, le juge prononce la résiliation ou l'annulation, le cas échéant avec un effet différé (possible depuis l’arrêt Association AC ! de 2004), "après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général".

En effet, la sanction par la résiliation ou par l’annulation est devenue l’exception ; le juge peut, depuis l’arrêt Commune de Bézier I et lorsque le recours est exercé par les contractants, moduler ses pouvoirs en appréciant l’influence de l’irrégularité sur le contrat, et il va notamment les moduler à l’aide de 3 principes ; à l’aide du principe de loyauté qui invite les parties à ne pas invoquer n’importe quel moyen tenant directement des irrégularités dont elles seraient responsables ou dont elles bénéficient pour s’exonérer de leurs obligations contractuelle, du principe de stabilité des relations juridiques, composante de la sécurité juridique (KPMG, 2006), et de l’intérêt général. Toutefois, le nouveau recours est ouvert aux tiers ; ainsi, les principes propres aux cocontractants ne sont pas applicables, et le juge ne modulera ses pouvoirs qu’en fonction de l’intérêt général et du principe de continuité du SP. Ainsi, il est envisageable que le juge aura tendance à laisser à l’administration un délai afin qu’elle puisse mettre en œuvre une nouvelle procédure.

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