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Echange de lettres entre J. Chaban-Delmas et Charles de Gaulle les 17 et 19 Mars 1960

Commentaire de texte : Echange de lettres entre J. Chaban-Delmas et Charles de Gaulle les 17 et 19 Mars 1960. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Mars 2018  •  Commentaire de texte  •  1 852 Mots (8 Pages)  •  750 Vues

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SIENG YOU
ROSA
L1 DROIT GROUPE 16
Droit constitutionnel

Commentaire : Echange de lettres entre J. Chaban-Delmas et Charles de Gaulle les 17 et 19 Mars 1960



        La rédaction de la Constitution de 1958 avait suscité de vifs débats. Déjà en 1946 le projet mené par De Gaulle avait été écarté car trop présidentialiste compte tenu de la volonté de redonner du pouvoir au Parlement, représentants du peuple, après l’autoritarisme subit pendant la Guerre. Aussi il était indispensable lors du deuxième essai en 1958 de proposer dans la norme fondamentales une organisation des pouvoirs publics et des institutions qui offrirait quelques garanties pour les parlementaires, et ce malgré la tendance majoritaire du texte à installer un exécutif puissant comme en attestent le titre se référant au Président de la République deux fois plus important dans la Constitution que celui du Parlement.
             Aussi, l’article 28, qui dispose que le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d'octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin en le premier exemple de ce contrepoids parlementaire car il permet aux chambres d’avoir une large autonomie dans la discussion des textes et une maîtrise de leur ordre du jour. Cette prérogative est confortée par l’article 29 de la constitution qui permet aux représentants de pouvoir traiter des questions les plus importantes, par la possibilité de se réunir en session extraordinaire.
            Toutefois, il nous intéresse de constater que cet arsenal allégué aux mains du Parlement n’est pas tout à fait exempt d’une pression de l’exécutif. En effet la logique qui guide la cinquième République, si elle garantit l’équilibre des pouvoirs, ne se détourne pas dans son ambition, celle d’un parlementarisme rationnalisé. C’est ce qu’il ressort de l’article 30 de la constitution selon lequel « Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du 
Président de la République. »
            C’est sur le fondement de cet article que le 17 mars 1960 le président de l’Assemblée Nationale, Jacques Chaban-Delmas, allié de longue date de De Gaulle, lui adresse alors une lettre pour lui demander de valider la demande de convocation du Parlement en session extraordinaire, demande qui sera refusée par le président de la République, dans un courrier du 19 mars 1960 que nous avons ici à traiter. Il ressort de ce refus que l’action parlementaire s’est vue bridée par l’exécutif.
           Pourtant, en 1958, la confiance des chambres pour De Gaulle est acquise. Bénéficiant des prémices de ce qui sera plus tard appelé le fait majoritaire, les politiques de De Gaulle sont appuyées fidèlement par une majorité construite de 58 à 62 sur deux partis politiques, les « indépendants et paysans d’action sociale » et  l’ « Union pour la nouvelle République », tous deux gaullistes. Aussi cette preuve d’amputation parlementaire nous intéresse dans la mesure où elle s’inscrit dans une logique de court-circuit d’une majorité pourtant fidèle. 
           Derrière cette réalité politique se trouvent aussi des enjeux institutionnels fondamentaux. En construisant une analyse de cet échange de courrier il nous importe de recueillir la mesure de la rationalisation parlementaire dans la constitution de la cinquième République, en d’autres termes, en quoi ces lettres reflètent la réalité d’un régime semi-présidentialiste.


I – La Procédure constitutionnelle de la session extraordinaire, un atout parlementaire réduit

A/ Un prérogative parlementaire peu efficace

              L’article 29  de la constitution énonce dans son premier alinéa que : « Le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé. » Il ressort de cette disposition que si elle semble proposer un caractère démocratique, il s’agit avant tout d’un trompe l’œil dans le décor dans la cinquième République. En effet, son intérêt est limité dans la mesure où la condition de majorité implique une certaine cohésion politique des représentants, chose qui soit n’arrive pas à raison des disparités partisanes en cas d’hégémonie, soit qui n’a que peu de de sens dans la mesure où une forte majorité implique une fidélité au gouvernement et de ce fait, un suivi de l’ordre du jour établi.
            En effet, la réalité de l’utilité de cette prérogative réside dans un gain de temps, le créneau de neufs mois de sessions ordinaires n’étant parfois pas suffisant pour traiter de tous les projets de lois des députés ou des propositions de lois du gouvernement
, les députés sont donc parfois convoqués pour siéger quelques jours supplémentaires en session extraordinaire, convocation qui sert avant tout le gouvernement car commandée par le Premier ministre.


B/ une prérogative nuancée par un pouvoir discrétionnaire du Président de la République

                  L’article 30 de la constitution dispose en une seule phrase que « Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du Président de la République » Cette possibilité qui témoigne de l’emprise forte dont dispose l’exécutif pour contenir le Parlement a pourtant été historiquement peu utilisée. Premièrement, il n’est en effet nul besoin de restreindre des chambres en accord avec le gouvernement à raison du fait majoritaire. Cependant, celui-ci s’est surtout concrétisé à la suite de la révision constitutionnelle de 1962 qui a introduit le suffrage universel direct. Toutefois, en 1960 cette révision originale que l’on connait n’est pas encore intervenue. Aussi il convient de remarquer que la convocation des sessions extraordinaire est relativement rare et que le refus du Président de l’accepter est alors anecdotique et ne semble pas traduire dans les faits une réelle possibilité de contrôle, les chambres disposant du loisir de leurs sessions ordinaires. Ainsi, en faisant un saut dans l’histoire on remarque que celle-ci n’a surtout effectivement servi qu’en 1988, dans le cas particulier de cohabitation lorsque François Mitterrand qui avait été approché par son Premier-ministre Jacques Chirac  précisait que cette convocation « relevait de la seule compétence et de la seule appréciation du président » gardant ainsi une main sur le jeu du chef de l’exécutif, le premier ministre dans cette situation.

II – Le refus de l’ouverture de la session extraordinaire : la lecture de De Gaulle.

A/ Un ralentissement des ambitions parlementaires justifiée par le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et l’esprit des institutions

         C’est à raison de la fréquence de cet usage de la session extraordinaire que De Gaulle justifie l’émission de ses réserves.  Comme il le mentionne dans sa lettre au président de l’Assemblée nationale : « Sans doute depuis le troisième vendredi de décembre, qui a marqué la fin de la dernière session ordinaire, y a-t-il eu déjà deux sessions extraordinaire. Mais les décrets qui les ont convoqués ont été pris sur proposition du Gouvernement pour des raisons qui se tenaient, soit à l’œuvre législative, soit à la nécessité urgente d’attribuer nommément au Président de la République le pouvoir de prendre par ordonnance les mesures imposée par la sûreté de l’état ». Ainsi, on constate que les dernières sessions extraordinaires qui ont pu accroitre l’importance de l’Assemblée nationale, ont été commandées par l’exécutif, pour assortir le Président de la République de nouvelles prérogatives, notamment celle du gouvernement par ordonnances, permettant de contourner le Parlement. Aussi il nous est alors permis de croire que l’appétit des chambres pour s’inquiéter extraordinairement de certaines questions en dehors de ses sessions ordinaires, d’une manière tout à fait autonome, sans avoir été commandées par le pouvoir exécutif a été reçu par De Gaulle comme une volonté d’émancipation malvenue.  
         En outre, en justifiant sa décision sur « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et l’esprit des institutions » comme le déclare De Gaulle, ce dernier entend surtout rappeler la place et le rôle du Parlement. Ainsi il écrit ainsi que « la raison d’être essentielle du Parlement consiste évidemment à légiférer » et que la question qui amenait l’assemblée nationale à convoquer une session extraordinaire, en l’espère la question de la place de l’agriculture en France, était en préparation dans des projets de lois gouvernementaux qui allaient être déposés devant le Parlement à la prochaine session ordinaire et ne commandait alors pas de session anticipée. Aussi on constate ici que ce refus, aux moyens de l’article 30, est justifié par la volonté de rapprocher le Parlement de sa fonction première, légiférer sur les projets du gouvernements et non de proposer des projets autonomes sur les mêmes questions.

B/ l’hypothèse politique : une démonstration de force de De Gaulle envers son allié

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