Droit constitutionnel : les 3e et 4e république
Cours : Droit constitutionnel : les 3e et 4e république. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jordana Ayito • 29 Septembre 2021 • Cours • 11 688 Mots (47 Pages) • 424 Vues
Droit constitutionnel, capacité 1ère année, 2020-2021
LES TROISIEME ET QUATRIEME REPUBLIQUES
TITRE I : LA TROISIEME REPUBLIQUE
La Troisième République proclamée en 1870 ne démarre pas vraiment en fanfare (Section I), est pourvue en 1875 d’une Constitution étique qui pouvait convenir à une monarchie constitutionnelle (Section II) et s’enracine dans les années qui suivent sa Constitution dans un terreau politique fertile en souveraineté parlementaire (section III).
CHAPITRE I : L’AVENEMENT DE LA TROISIEME REPUBLIQUE
En juillet 1870, la France entre en guerre contre une coalition d’Etats allemands dirigés par la Prusse. Suite à une défaite militaire et à la capitulation françaises à Sedan, les 1er et 2 septembre 1870, le Second Empire rend l’âme et, deux jours après, à l’initiative de députés parisiens, dont Léon Gambetta (qui est un républicain radical), est constitué un Gouvernement de Défense nationale, dont la présidence est confiée au gouverneur de Paris, le général Trochu.
Dans le même mouvement est proclamée la République, ce qui fait que d’ordinaire la naissance de la Troisième République est fixée à la date du 4 septembre 1870. Mais il ne faut pas croire pour autant que la République est alors solidement installée dans le paysage politique français.
Le Gouvernement n’était en effet qu’un gouvernement de fait, aux membres divisés entre eux et à la légitimité contestable. Aussi, pour faire en sorte qu’il y ait à la tête de la France un pouvoir reconnu et du coup légitime, susceptible le cas échéant de traiter avec l’Allemagne (et surtout avec Bismarck, qui était l’homme fort chez l’ennemi), fut envisagée assez rapidement l’élection d’une Assemblée. Les circonstances deviendront favorables à la tenue de cette élection grâce à la signature d’un armistice, le 28 janvier 1871.
Selon la convention d’armistice « une Assemblée sera librement élue qui se prononcera sur la question de savoir si la guerre doit être continuée ou dans quelles conditions la paix doit être faite ». Par conséquent élire les membres de cette Assemblée revenait à faire un choix entre des candidats partisans de la paix ou des candidats favorables à la continuité des hostilités ; bref, à faire un choix entre la paix ou la guerre.
Au nombre des candidats en mesure de remporter l’élection il y avait surtout les républicains et les monarchistes. Les uns et les autres étaient divisés entre eux et ne formaient donc pas des blocs homogènes. Parmi les monarchistes se trouvaient notamment les légitimistes, qui étaient partisans du comte de Chambord (Henri V ; petit-fils de Charles X, roi de France et de Navarre de 1824, année de la mort de son frère Louis XVIII, jusqu’à son abdication en 1830), et les orléanistes, qui soutenaient le comte de Paris (petit-fils de Louis-Philippe, roi de France de 1830 jusqu’à la naissance de la deuxième République en 1848). La division entre ces deux camps monarchistes contribuera largement à l’impossibilité de restaurer la monarchie à l’époque.
Quoi qu’il en soit les monarchistes étaient plutôt favorables à la paix et une partie des républicains à la poursuite de la guerre. L’électorat aspirant davantage à la paix votera bien évidemment surtout pour les candidats la souhaitant, ce qui favorisera les monarchistes. Ceux-ci obtiennent donc la majorité des sièges dans la nouvelle Assemblée.
La première réunion de celle-ci a lieu le 12 février à Bordeaux. Il est attendu d’elle qu’elle organise le gouvernement de la France et qu’elle propose une nouvelle Constitution. Mais comme l’urgence était de conclure la paix, elle décide de repousser à plus tard la confection d’une nouvelle Constitution et de mettre en place un gouvernement provisoire.
Par une résolution du 17 février 1871, elle nomme Thiers, personnage politique prestigieux et orateur hors pair, « chef du pouvoir exécutif de la République française » et le charge d’exercer ses fonctions sous son autorité à elle « avec le concours des ministres qu’il aura choisis et qu’il présidera ».
Le 26 février 1871 Thiers signe avec Jules Favre les préliminaires de paix qui déboucheront le 10 mai suivant sur la signature du traité de Francfort officialisant la paix avec les allemands. Le 10 mars 1871 il s’engage vis-à-vis de l’Assemblée à ne pas prendre position sur ce que pourrait être le futur régime politique de la France, dans le cadre de ce qui a été appelé le Pacte de Bordeaux, et l’Assemblée décide de transférer son siège non pas dans la capitale, par crainte des troubles qui y règnent (commence à l’époque à Paris l’insurrection de la Commune, qui sera matée par une forte répression et s’achèvera par ce qui a été appelé « la semaine sanglante », du 21 au 28 mai 1871), mais à Versailles (pour y tenir sa première réunion le 20 mars).
Grâce à son action Thiers acquiert un poids politique d’importance. Par une loi du 31 août 1871, dite « loi Rivet » ou « Constitution Rivet », lui est donné le titre de Président de la République. Il devient ainsi le deuxième Président de la République de la France (le premier ayant été Louis-Napoléon Bonaparte, élu en 1848 au suffrage universel masculin et seul président de la Deuxième République jusqu’à 1851, année de la fin de celle-ci). Mais, en vérité, l’Assemblée adopte la loi Rivet afin de se donner les moyens de dominer Thiers, qui était devenu moins indispensable aux yeux de certains.
Puis, en se montrant favorable à une République conservatrice, Thiers rompt carrément le Pacte de Bordeaux et fâche ainsi la majorité monarchiste de l’Assemblée qui, en conséquence, décide de réduire l’influence politique qu’il avait conservé. Pour ce faire elle vote une loi, la loi du 13 mars 1873 d’ordinaire appelée « Loi de Broglie » ou « Constitution de Broglie » et parfois dénommée « loi des Trente » parce qu’elle a été préparée par un comité de trente membres. Cette loi instaure, entre autres, une procédure destinée à limiter les droits d’accès et de parole de Thiers à l’Assemblée afin qu’il ne puisse plus trop peser sur les membres de celle-ci. Cette procédure rendait tellement complexe l’entrée et la prise de parole de Thiers dans l’Assemblée que celui-ci dira qu’elle instituait un « cérémonial chinois ». Il y a là l’origine de la tradition républicaine interdisant jusqu’en 2008 aux Présidents de la République de s’exprimer devant les parlementaires autrement que par des messages lus par d’autres qu’eux.
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