Droit constitutionnel : Le Sénat, une assemblée à conserver, modifier ou supprimer
Dissertation : Droit constitutionnel : Le Sénat, une assemblée à conserver, modifier ou supprimer. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Raphaël De Villèle • 11 Février 2018 • Dissertation • 2 491 Mots (10 Pages) • 745 Vues
Droit Constitutionnel
Dissertation
Le Sénat : une assemblée à conserver, modifier ou supprimer
« Il faut vraiment que le Sénat ait conscience que son avenir est en jeu, que le Sénat est menacé de disparition s’il n’est pas capable de réaffirmer son efficacité » disait Jean-Pierre Raffarin, mettant en garde la Chambre Haute du Parlement contre sa faiblesse dans l’élaboration de la loi.
La République Française se présente sous la forme d’un régime parlementaire, régime à la séparation des pouvoirs souple. En effet chacun des pouvoirs exécutifs et législatifs dispose de moyens d’actions sur l’autre, afin de le limiter. Le Parlement peut ainsi renverser le Gouvernement, le Président de la République pouvant quant à lui dissoudre l’Assemblée Nationale. En France, le Parlement est composé de deux chambres législatives, l’Assemblée Nationale et le Sénat, n’ayant pas les mêmes pouvoirs, il s’agit donc d’un bicamérisme inégalitaire. Cette différence s’explique par le mode d’élection, l’Assemblée Nationale étant élue au suffrage universel direct quand le Sénat est élu au suffrage universel indirect. Consacré à l’article 24 de la Constitution de 1958, le Sénat représente les collectivités territoriales, soit la vie locale et les communes. Ce Sénat dispose de moins de pouvoirs que l’Assemblée Nationale, ne pouvant, contrairement à l’Assemblée Nationale, proposer de loi mais uniquement délibérer et voter d’une loi qui lui est proposée, toutefois si les deux Chambres votent la loi, en cas de désaccord s’étalant dans le temps, le Sénat n’a pas le dernier mot, et c’est l’Assemblée qui peut choisir d’adopter la loi ainsi votée. Parmi ces pouvoirs inégaux on peut également noter l’absence de responsabilité du Gouvernement devant lui, là où l’Assemblée peut renverser le Gouvernement.
L’idée d’une chambre haute en France naît en 1795 avec la Constitution de l’an III, sous la forme du Conseil des Anciens. Pour les auteurs de cette Constitution, créer cette seconde chambre, c'est faire barrage à la dictature d'une assemblée unique, une idée rappelée par Boissy d’Anglas disant à ce sujet "Je m'arrêterai peu de temps à retracer les dangers inséparables de l'existence d'une seule assemblée, j'ai pour moi votre propre histoire et le sentiment de vos consciences, prônant la division du Parlement en deux assemblées pour « opposer une digue puissante à l'impétuosité du corps législatif », ce Conseil s’avérant malgré tout impuissant et s’achevant sur le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte. Toutefois l’idée d’un Sénat sera conservé par Bonaparte qui le fera revivre sous le nom de « Sénat Conservateur », un Sénat à l’antique, accumulant faste et honneurs, mais restant sous la coupe de Bonaparte, celui-ci pouvant nommer les Sénateurs ou convoquer le Sénat.
C’est avec la restauration de 1814 que cette chambre haute, alors appelées Chambre des Pairs, prend réellement le rôle d’une chambre haute, inspiré par le régime parlementaire anglais.
Il faudra cependant attendre 1875 et l’avènement de la IIIème République pour voir apparaître un Sénat Républicain, disposant des mêmes pouvoirs que la Chambre des députés. Conçu pour faire contrepoids à une Chambre des députés élue au suffrage universel direct, le Sénat est élu par les députés, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux, favorisant les petites communes et le conservatisme. Toutefois les pouvoirs disproportionnés des Assemblées de l’époque amènent rapidement une instabilité politique, et l’histoire de ce Sénat s’achève en 1940 avec le gouvernement de Vichy.
C’est après la libération que cette chambre haute refait surface, appelée Conseil de la République, voyant ses pouvoirs drastiquement réduits, mais les récupérant au fil des ans.
Promulguée le 4 octobre 1958, la constitution de la Ve République confère au Sénat un rôle éminent dans les institutions. L'universitaire et sénateur Marcel Prélot n'hésite d'ailleurs pas à parler de "République sénatoriale". Le président du Sénat devient le deuxième personnage de l'État et assure l'intérim de la présidence de la République. Conçu comme un élément de régulation, le Sénat va en fait voir son rôle évoluer, à partir de 1958, en fonction du contexte politique et institutionnel français.
Cependant alors que les élections sénatoriales ont eu lieu récemment, le Sénat est toujours aussi régulièrement décrié et au vu des polémiques dont il fait régulièrement l’objet, que ce soit au sujet de sa suppression ou de sa modification, il peut être bon de s’intéresser à cette assemblée afin de comprendre son importance au sein de l’appareil institutionnel français.
On peut donc s’interroger sur l’importance du Sénat et l’intérêt de sa préservation, quitte à le modifier, plutôt que de sa suppression.
On verra donc que le rôle du Sénat, assemblée politique formant chambre haute du Parlement et les prérogatives s’y rattachant justifient son maintien (I), mais que les polémiques concernant son manque de légitimité ne sont pas infondée et que cette institution nécessite malgré tout quelques modifications (II).
I/ Le Sénat, une chambre parlementaire au rôle institutionnel justifiant sa conservation
La chambre haute française a une importance particulière en ce qu’il s’agit de la représentation des communautés territoriales (A). Le Sénat dispose de vrais contrepouvoirs afin de limiter l’Assemblée Nationale et le gouvernement (B).
- Une assemblée politique au rôle de représentante des communautés territoriales
Le Sénat, comme toutes les chambres hautes, représente le territoire. L’article 24 de la Constitution de 1958 dispose que : « Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. » ; en effet le territoire français est divisé en plusieurs collectivités territoriales qui ont toute la personnalité morale et dispose d’une certaine autonomie en matière administrative. Si bien que le Sénateur Jean-Pierre Bel décrivait le Sénat comme étant « la république des territoires ». Certes est-il composé à 80% de représentants des zones rurales mais c’est d’abord car il est élu par un collège de grands électeurs ; « le Sénat est élu par un collège assurant la représentation des collectivités territoriales » comme Michel Debré avait proposé d’inscrire dans l’esquisse de l’article 24 de la Constitution. Ainsi sa fonction première était surtout d’être « une chambre de réflexion », une chambre destinée à améliorer la qualité de la loi. Cependant, le Sénat prend à cœur son rôle de porte-parole de la vie locale, notamment à partir des années 80 où la décentralisation est en route. En effet, les lois Deferre de 1982 et 1983 prônent ce mode de transfert des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales afin que ces dernières disposent d’une autonomie juridique ainsi que financière. Si bien que quand la loi constitutionnelle du 28 mai 2003 est votée, le Sénat en sort renforcé. Effectivement l’article 1 de la Constitution dispose bien : « l’organisation de la République est décentralisée. », la loi reconnait l’autonomie financière des collectivités territoriales, de plus le nouvel article 39 dispose désormais : « Les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat. ». Cette loi constitutionnelle renforce bien le Sénat en faisant de lui une institution clef dans son rôle de représentant des collectivités territoriales.
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