Arrêt du 19 juillet 2017, Conseil d'Etat, Association citoyenne pour Occitanie pays catalan
Commentaire d'arrêt : Arrêt du 19 juillet 2017, Conseil d'Etat, Association citoyenne pour Occitanie pays catalan. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jean-Baptiste COULONNIER • 8 Avril 2020 • Commentaire d'arrêt • 4 016 Mots (17 Pages) • 1 613 Vues
TD Droit administratif n°13: La notion et la qualification des actes administratifs
Selon Maurice Hauriou « l’administration elle-même s’est pliée à ce que toutes ses opérations fussent décomposées en des actes produisant des effets juridiques qui puissent être attaqués dans certains délais » ; l’acte administratif et sa possible contestation sont donc des notions centrales dans l’action de la puissance publique qui y recourt en permanence. Le présent arrêt du 19 juillet 2017 rendu par le Conseil d’Etat en est un bon exemple.
En l’espèce, une consultation publique a été organisée par le conseil régional de la nouvelle région regroupement les anciennes régions de Languedoc-Roussillon et du Midi-Pyrénées après une délibération du 15 avril 2016. Le nom d’une nouvelle région issue d’un regroupement et son chef-lieu doivent, selon la loi être fixé en Conseil d’Etat après consultation du conseil régional en vertu d’une loi du 16 janvier 2015. Ce dernier a voulu prendre en compte l’avis de la population en vue de rendre son propre avis. Le Premier ministre a rendu un décret dans ce sens le 28 septembre 2016, en nommant la région « Occitanie ».
Par une requête du 30 septembre 2016 et deux mémoires des 12 octobre 2016 et 28 mars 2017, l'association citoyenne « Pour E... Pays Catalan » demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 septembre 2016 portant sur la fixation du nom et du chef-lieu de la région E.... L'association « Comité pour l'autodétermination de la Catalogne Nord » fait de même par une requête du 3 octobre 2016 et deux mémoires des 8 et le 10 février 2017. Le Conseil d’Etat y répond par le présent arrêt du 19 juillet 2017.
En l’occurrence, les requérants soutiennent que le conseil régional a méconnu sa compétence en s'estimant à tort lié par les résultats de la procédure de consultation publique et que le décret est entaché d'irrégularité car a été pris sur ce même avis du conseil régional émis donc selon eux dans des conditions irrégulières. Ils soutiennent aussi que le choix du nom de la région, méconnaît les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, celui qui fait du français la langue de la République et le principe d'égalité, car évoquent la culture et la langue d'oc. De son côté, l’autorité administrative, que ce soit le Premier ministre ou le conseil régional, dit avoir respecté l’ordre juridique.
Le conseil régional et le Gouvernement ont-ils méconnus leurs prérogatives ? Le choix du nom de la région porte t’il atteinte à la Constitution ?
Le Conseil d’État, répondra par la négative à tous ces problèmes de droits en rejetant les requêtes demandant l’annulation du présent décret.
Les requêtes des associations « Pour E... Pays Catalan » et « Comité pour l'autodétermination de la Catalogne Nord » mettent en avant des moyens de droit en parlant de la méconnaissance par l’autorité publique des prérogatives qu’elles auraient du utiliser dans la procédure de fixation du nom et du chef-lieu (I) ; mais aussi des arguments touchant plus au fond et à l’espèce (II).
I) Des requêtes mettant en avant la méconnaissance de ses prérogatives par l’autorité publique
Les requêtes formulées par les associations « Pour E... Pays Catalan » et « Comité pour l'autodétermination de la Catalogne Nord » comportent dans leurs moyens que le Premier ministre (A) et le conseil régional (B) auraient méconnus l’étendue de leurs pouvoirs dans le choix du nom et du chef-lieu de la nouvelle région.
A) La méconnaissance par le Conseil des ministres de l’étendue de ses pouvoirs
Cet arrêt traite de la légalité et de la régularité d’un acte administratif unilatéral. Il s’impose à tous (son exécution est obligatoire) et est un moyen exorbitant de droit commun. Les actes administratifs unilatéraux sont de deux types : les actes administratifs règlementaires, qui sont des règles générales et impersonnelles et les décisions individuelles qui ne concernent que des personnes désignées nominativement. On est ici dans la première configuration ; le Premier ministre est aussi la principale autorité administrative, la plus importante. Un tel acte peut faire grief car présentant une solution juridique s’imposant à tous. Les seuls moyens pour la rendre inapplicable sont que l’administration décide de la modifier ou de la supprimer (par exemple après un recours gracieux) ou que le juge administratif l’annule (recours contentieux), elle est présumé légal jusqu’à cela. L’administré qui dépose une recours pour excès de pouvoir, en vue d’une annulation, doit justifier cette dernière par irrégularité dans la forme (dans procédure) ou au fond (une illégalité). Elle doit aussi lui faire grief personnellement.
La première chose que fait donc le Conseil d’Etat est d’étudier la recevabilité de la requête. Dans l’arrêt du 3 février 1989, « Compagnie Aliatlia » le Conseil d’Etat permet à tout administré de demander, n’importe quand, à l'administration d'abroger les actes réglementaires illégaux dès l'origine ou devenus illégaux à cause d'un changement de droit ou de fait. La requête est donc recevable et cohérent avec cette jurisprudence. Les deux associations accusent le Premier ministre d’avoir méconnu l’étendue de ses pouvoirs en utilisant pas pleinement ses prérogatives en reprenant simplement la décision du conseil régional sans faire usage de sa capacité d’appréciation. L’arrêt dit dans son 8ème point que : « L'association citoyenne « Pour E...Pays Catalan » soutient que le Premier ministre s'en est remis purement et simplement à l'avis émis par le conseil régional dans sa délibération du 24 juin 2016 pour retenir le nom « E... », sans exercer son pouvoir d'appréciation. Toutefois, si dans une lettre en date du 9 août 2016 adressée à un parlementaire, le Premier ministre a indiqué que le Gouvernement s'en remettait à l'avis du conseil régional, cette prise de position, au demeurant postérieure à l'émission de l'avis en cause, n'impliquait pas, par elle-même, que le Premier ministre qui, après avoir consulté le Conseil d'Etat, n'a signé le décret litigieux que plusieurs semaines après, ait renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation ou se soit estimé lié par cet avis et ait ainsi méconnu l'étendue de ses pouvoirs. » Le Conseil d’Etat devant le manque de preuve dit que rien ne montre que le pouvoir réglementaire aurait méconnu sa compétence et que ce moyen de recourt n’est pas valable. Rien n’indiquant que le Premier ministre se serait senti tenu de suivre l’avis du conseil régional et qu'il aurait par ce fait méconnu sa compétence qu’il aurait dû exercer. En décrétant le nom « Occitanie », le Premier ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. Une décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quand l’autorité administrative s'est trompée de manière grossière dans l'appréciation des faits d’espèce qui ont motivé sa décision. Il pouvait très bien tenir compte de cet avis, sinon le législateur n’aurait pas demandé à qu’il y en ait un. Rien n’indique que le pouvoir réglementaire se pensait lié par cet avis, il y a une différence entre se sentir lié et tenir compte de quelque chose, ce qui est d’ailleurs le principal objectif d’un avis consultatif.
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