Arrêt du 14 février 2006
Dissertation : Arrêt du 14 février 2006. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar maellise • 11 Novembre 2015 • Dissertation • 2 374 Mots (10 Pages) • 2 039 Vues
TD N° 4 : ARRÊT DU 14 FEVRIER 2006 |
Dans un arrêt du 14 février 2006, la chambre commerciale de la cour de cassation a précisé que dès lors qu’une délégation imparfaite a été acceptée par le délégataire, la créance désignée ne peut plus faire l’objet d’une saisie par de potentiels créanciers concurrents.
En l’occurrence, la société Elisa avait acquis un local commercial auprès de la ville de Nice (SIVN), au moyen d'un prêt bancaire de la banque BNP. Suite à l'acte d'achat de la propriété, la société Elisa y installera la société Antopolis comme locataire. Elle lui demandera ensuite, par le biais d'une « délégation de locataire », de s’acquitter directement des loyers entre les mains de la banque qui avait financé l’acquisition. La banque, délégataire des loyers, a accepté la délégation proposée sans renoncer pour autant à sa créance contre le délégant : la société Elisa.
Cependant, la commune de Nice, ne recevant pas l'intégralité du prix de vente que lui devait la société Elisa, obtiendra, suite à une condamnation du 1er juin 1999, la saisie-attribution des loyers entre les mains du locataire du local, le délégué, donc, de la convention.
Dans un arrêt du 28 mai 2003, la CA d’Aix-en-Provence ordonnera finalement la mainlevée de la saisie-attribution.
Mécontente, la commune de Nice formera un pourvoi en cassation au motif que la créance de loyer, ayant fait l’objet d’une délégation imparfaite, n’était pas sortie du patrimoine du délégant. Étant créancière de la société Elisa, elle s’estimait être en droit de rechercher le paiement de la créance du délégant entre les mains du délégué par le biais d’une saisie-attribution. Selon elle, la CA aurait ainsi violé l’article 1275 du code civil.
Les magistrats de la cour de cassation devaient alors répondre à la question de droit suivante : Dans le cadre d’une délégation imparfaite, les créanciers du délégant ont-ils la possibilité de rechercher le paiement de la créance en effectuant une saisie-attribution à l’encontre du délégué ?
La cour de cassation répondra par la négative dans un arrêt rendu par la chambre commercial datant du 14 février 2006. Bien que reconnaissant le maintien de la créance dans le patrimoine du délégant, elle estime que celle-ci est devenue indisponible dès le moment de l’acceptation de l’engagement par le délégataire. Par ailleurs, la créance du délégant sur le délégué s’éteint, non pas en raison de cette simple acceptation, mais bien par l’exécution de la délégation.
Les juges du fond en concluront que ni le délégant ni ses créanciers ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement de la créance.
Cette solution, très attendue par la doctrine, entraîne un revirement de jurisprudence clarifiant ainsi le sort de la créance lors d’une délégation imparfaite. La créance du délégant deviendrait ainsi indisponible et insaisissable aussitôt que le délégataire accepte l’engagement du délégué (I), ce qui aura pour effet de rendre impossible la saisie-attribution sauf en cas de défaillance du délégué (II)
- La consécration de l’indisponibilité et de l’incessibilité de la créance du délégant sur le délégué
Dans cet arrêt, la cour de cassation reconnaît le fait que la délégation imparfaite laisse substituer la créance du délégant envers le délégué dans son patrimoine (A) ce qui aura pour conséquence de la rendre indisponible auprès du délégant et de ses créanciers dès le moment de l'acceptation de la délégation par le délégataire (B).
- A) Le maintien de la créance dans le patrimoine du délégant lors d'une délégation imparfaite...
Par définition, la délégation est l'action en vertu de laquelle un débiteur (le délégant) demande à un tiers (le délégué) de s'engager envers son créancier (le délégataire).
Dans le cadre d'une délégation parfaite, l'obligation entre le délégant et le délégataire fera l'objet d'une novation. Ainsi, le lien d'obligation initiale entre eux deux disparaîtra de part la création d'une nouvelle obligation engageant exclusivement le délégué envers le délégataire.
La délégation sera dite imparfaite lorsque le délégataire refuse de libérer le délégant initial de son obligation. Le délégataire se retrouvera alors en présence de deux débiteurs : le délégant et le délégué.
En l'espèce, nous sommes en présence d'une délégation imparfaite. La créance de loyer a été déléguée à la société Antopolis. Cependant, la banque (délégataire), bien qu'ayant expressément accepté la délégation, ne renoncera pas pour autant à sa créance envers la société Elisa (délégant).
En principe, le délégataire devra actionner une demande de paiement en priorité envers le délégué avant de pouvoir poursuivre le délégant. Il conservera sa créance contre le délégant jusqu'à l’exécution de son obligation par le délégué.
La société Elisa reste donc obligée envers le la banque BNP. Cependant, nous pouvons nous poser la question : quelles sont les conséquences de la création de ce nouveau lien d'obligation entre le délégataire et le délégué sur le droit de créance que possédait le délégant envers le délégué ?
Entraîne-t-elle une novation qui supprimerais le droit de créance du délégant envers le délégué, comme c'est le cas lors d'une délégation parfaite ?
Dans les moyens invoqués par la partie adverse, il est mentionné que : « la délégation imparfaite laisse substituer la créance du délégant […] qui n’est pas sortie de son patrimoine »
La ville de Nice s’appuiera en effet sur l'Article 1275 code civil qui dispose : « La délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation. »
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