Commentaire d’arrêt du Conseil d’État en date du 27 février 2004, Mme Popin
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt du Conseil d’État en date du 27 février 2004, Mme Popin. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nassima68 • 11 Octobre 2019 • Commentaire d'arrêt • 2 093 Mots (9 Pages) • 2 325 Vues
Commentaire d’arrêt du Conseil d’État en date du 27 février 2004, Mme Popin
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Introduction
« La justice est rendue de façon indivisible au nom de l'État. Il n'appartient dès lors qu'à celui-ci de répondre, à l'égard des justiciables, des dommages pouvant résulter pour eux de l'exercice de la fonction juridictionnelle assurée, sous le contrôle du Conseil d'État, par les juridictions administratives. Il en va ainsi alors même que la loi a conféré à des instances relevant d'autres personnes morales compétence pour connaître, en premier ressort ou en appel, de certains litiges. »
La réparation des conséquences dommageables pouvant résulter de l'exercice de la fonction juridictionnelle incombe à l'État, y compris lorsque la loi a conféré à d'autres personnes morales que l'État la compétence pour connaître, en premier ressort ou en appel, de certains litiges.
En l’espèce, une requérante, Mme Popin, alors professeur d’Universités, a fait l’objet d’une sanction infligée par la section disciplinaire de l’Université de Strasbourg. Cette sanction a été annulée en appel par le Conseil national de l’enseignement supérieur
[pic 2]Mme Popin, met en cause la responsabilité d'une juridiction spécialisée, la section disciplinaune université, relevant d'une personne morale distincte de l'État, en l’occurrence, un établissement public d'enseignement supérieur. Elle estime que la sanction qui lui a été infligée par cette instance juridictionnelle engage sa responsabilité pour faute, et par En l’espèce, une requérante, Mme Popin, alors professeur d’Universités, a fait l’objet d’une sanction infligée par la section disciplinaire de l’Université de Strasbourg. Cette sanction a été annulée en appel par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Popin, met en cause la responsabilité d'une juridiction spécialisée, la section disciplinaire d'une université, relevant d'une personne morale distincte de l'État, en l’occurrence, un établissement public d'enseignement supérieur. Elle estime que la sanction qui lui a été infligée par cette instance juridictionnelle engage sa responsabilité pour faute, et par conséquent celle de l'université dont elle n'est qu'un organe.
Dès, lors, une question de pur droit est posée par le biais de l'examen de la recevabilité de la requête. La justice est-elle toujours rendue en France sous la responsabilité
exclusive de l'État ?
Par l'arrêt commenté, la Haute juridiction de l’ordre administratif apporte une réponse à l'interrogation générale en décidant que seule la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée à l'occasion de l'exercice de la fonction juridictionnelle.
Le juge administratif a permis de trancher une question de principe qui ne l'avait jamais été explicitement jusque-là et dont la réponse, traduite en termes généraux, peut s'énoncer comme suit : l'État doit lui-même réparer le préjudice né de l'action de juger, y compris lorsque la justice a été rendue par un autre que lui.
La réponse du Conseil d’État traduit, en effet, une consolidation du principe de la responsabilité exclusive de l’État du fait des dommage résultant de la fonction juridictionnelle (I), à laquelle, il est nécessaire de tirer certaines conséquences (II).
I/ La consolidation du principe de la responsabilité exclusive de l’État du fait des dommages résultant de la fonction juridictionnelle
La Haute juridiction affirme que seul l’État est responsable du fait des dommages causés par la fonction juridictionnelle. Une affirmation qui trouve son fondement dans le principe de l’indivisibilité de la République (A), mais aussi dans son caractère erégalien qui ne peut faire l’objet d’une délégation (B).
A/ Une affirmation tirée du principe de l’indivisibilité de la République
En vertu de la Constitution de 1958, dans son article 1er qui dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Dès lors, la justice paraît relever indubitablement de cette
indivisibilité. Elle est une et s'exprime au nom de l'État.
Cette conception unitaire de la justice n'est pas née avec la République. L'Ancien Régime n'a eu de cesse d'unifier la justice en la personne du roi. Nonobstant la multitude de juridictions sous l'Ancien Régime, la justice s'est exercée au nom du roi, sous son contrôle. Les affaires judiciaires pouvaient remonter au Conseil du roi, dont Louis XV a pu dire en 1767 « mon Conseil n'est ni un corps, ni un tribunal séparé de moi ». La justice royale était donc complexe et multiple mais s'exerçait au nom du roi, par et pour le roi, dans une logique unitaire.
Par la suite, la Révolution et la République ont balayé les institutions juridictionnelles d'Ancien régime. À partir des lois des 16 et 24 août 1790 et du 16 fructidor an III, a été instauré un dualisme juridictionnel. Deux cours souveraines, le Conseil d'État et la Cour de cassation, sont au sommet chacune d'un ordre juridictionnel. Aucune juridiction administrative n'échappe au contrôle d'appel ou de cassation du Conseil d'État. Aucune juridiction civile ou pénale n'échappe au contrôle de cassation de la Cour de cassation. Ces deux cours souveraines, organes de l'État, contrôlent au nom du peuple français tout l'édifice juridictionnel.
Les règles sont fixées par ces cours suprêmes et les juridictions spécialisées n'ont de marge de liberté que dans la mise en œuvre de ces règles. Elles doivent respecter la norme fixée. Elles sont subordonnées en droit à une autorité hiérarchiquement supérieure. Elles ne sont que des organes intégrés à un ordre juridictionnel d'État jugeant au nom du peuple français.
Ce concept juridique de peuple français, unitaire, a valeur constitutionnelle. La consécration de cette évidence a encore été donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 mai 1998 portant sur la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile : les juridictions, tant judiciaires qu'administratives, statuent au nom du peuple français. Le peuple est un et la justice s'exprime exclusivement en son nom. Et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 mai 1991, a logiquement conclu que l'exercice de ces fonctions juridictionnelles, au nom du peuple français, est inséparable de l'exercice de la souveraineté nationale.
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