1ère Chambre Civile Cour de Cassation, 28 janvier 2009
Commentaire d'arrêt : 1ère Chambre Civile Cour de Cassation, 28 janvier 2009. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sherleeyt • 29 Janvier 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 416 Mots (10 Pages) • 2 014 Vues
Arrêt de rejet - Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 28 janvier 2009
« On doit la tombe à ceux qui nous ont donné le berceau ». En effet, comme le montre le Doyen Beignier, l’obligation de supporter les frais d’obsèques de ses ascendants est un principe majeur découlant du devoir d’honorer et de respecter ses père et mère; un devoir doté d’une force morale mais également normative qui a été prôné dans l’arrêt de rejet de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 28 janvier 2009.
En l’espèce, Alberto Y est décédé accidentellement le 25 mai 2000, alors qu'en juin 2000, une enfant Maud est issue de sa relation avec Mme X; une enfant qui avait été reconnu par son père avant sa naissance, soit un mois avant le décès. La société Pompes Funèbres Générales, aux droits de laquelle se trouve la société OGF, avait alors réclamé à Mme Maria Y.A, soeur du défunt et signataire d'un devis, le paiement des frais d'obsèques de Alberto Y.
Alors, Mme Y.A a contesté la dette et a appelé en garantie Mme X en sa qualité de représentante légale de sa fille Maud Y. En effet, la soeur du défunt a demandé que la charge pèse sur l'unique enfant de son frère. Ainsi, après avoir assigné Mme X en justice, le juge fait droit à cette demande puisque le 1er décembre 2005, le tribunal d'instance de Péronne a condamné Mme Maria Y.A à payer à la société OGF la somme de 2 870, 40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2003, date de la mise en demeure, mais a aussi condamné Mme X en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille Maud Y, à garantir Mme Maria Y.A de cette condamnation avec intérêts à compter du 20 avril 2004, date de l'assignation qui lui avait été délivrée.
Alors Mme X fait grief au jugement de la condamner, et forme un pourvoi en cassation, estimant que d’une part, l'obligation alimentaire d'assurer la charge des frais d'obsèques de son ascendant, dans la proportion de ses ressources, naissait à la date du décès de celui-ci, et ne saurait peser sur l’enfant Maud qui n'est pas née à cette date, et d’autre part que le renoncement pour sa fille à la succession du défunt qui s'avérait déficitaire constituait une dispense à assumer les frais vu qu'elle n'avait aucun revenu.
Cependant le 28 janvier 2009, la 1ère Chambre Civil de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Il est alors intéressant de se demander si l’obligation pour un enfant de supporter les frais d’obsèques de son père, même en ne l’ayant pas connu, existe-t-elle dès sa naissance?
Ainsi, pour la Cour de cassation : « l'obligation pour l'enfant de supporter les frais d'obsèques de son père existe dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l'article 371 du code civil qui impose à l'enfant à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ; ensuite, que le fait que l'enfant n'ait pas connu son père, pour être née peu après son décès, n'exclut aucunement qu'elle ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l'existence d'un lien affectif direct n'en constituant pas une condition ; enfin, que si à l'évidence, l'enfant n'a aucun revenu, il est établi qu'elle a perçu un capital décès ».
Ainsi, il sera nécessaire d’étudier tout d’abord que l’obligation de supporter les frais d’obsèques de son ascendant constitue une représentation du devoir d’honorer ses père et mère (I), afin de voir ensuite que cette obligation est applicable dès la naissance et sans grande exception (II).
I) L’obligation de supporter les frais d’obsèques de son ascendant : une représentation du devoir d’honorer ses père et mère
L’obligation de supporter les frais funéraires de son ascendant représente principalement le devoir d’honorer ses père et mère, un devoir moral mais qui a également une portée normative puisqu’il est la source de l’obligation alimentaire (A), cependant cette obligation alimentaire peut tout de même être écartée dans certains cas (B).
A) Un devoir moral mais doté d’une portée normative de par l’obligation alimentaire
L’article 205 du code civil annonce que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin »; les aliments étant des sommes versées à une personne pour lui permettre d'assurer les besoins nécessaires à sa vie quotidienne.
Dans l’arrêt du 28 janvier 2009, la Cour de cassation admet alors que les frais funéraires s’incorporent dans les obligations alimentaires; cette obligation alimentaire portant limitativement sur les descendants directs (enfants et petits-enfants, ainsi que leurs conjoints). Ainsi, un héritier doit participer au paiement des frais funéraires, qu’il s’agisse d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint survivant, dans les conditions prévues aux articles 203, 205 et 206, mais aussi l’article 371 du Code Civil qui fait obligation aux enfants d’honorer et de respecter leurs père et mère. L’article 371 du code civil a une valeur symbolique incontestable, avec un caractère se rapprochant de la morale, en effet il dispose que « l’enfant à tout âge doit honneur et respect à ses parents ». Il est possible de croire que cet article ne connait pas d'application particulière et sert simplement d'introduction au chapitre du Code civil sur l'autorité parentale. Mais malgré sa formulation générale et abstraite, ce texte qui forme des rapports entre le droit et la morale n’est cependant pas dénué d’incidences pratiques, comme le montre l’arrêt de rejet du 28 janvier 2009. Puisque dans cette arrêt, la Cour de cassation considère que l’enfant est tenu même quand son père est mort, à son égard, d’un devoir de respect et d’honneur en vertu de l’art 371. Cet enfant est donc tenu en cas de décès au paiement des frais funéraires.
Le paiement de frais d’obsèques fait donc parti des obligations alimentaires auxquelles les descendants directs sont contraints. Cependant le terme d’« obligations » est cependant à relativiser car l’obligation alimentaire peut être écartée dans certains cas.
B) L’obligation alimentaire, une obligation écartée dans certaines situations
Comme il l’a été vu étudié précédemment, l’article 205 du Code Civil dit que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». Or ce texte connait tout de même certaines limites, l’obligation alimentaire des enfants envers leurs ascendants est à relativiser. En effet, par exemple, l’article 379 du Code civil qu’il est possible d’être dispensé des obligations alimentaires puisqu’il dit que « le retrait total de l'autorité parentale, prononcé pour crime ou délit sur la personne de l'enfant, ou pour mise de l'enfant en danger par de mauvais traitements, emporte pour l'enfant dispense des obligations alimentaires, sauf disposition contraire dans le jugement de retrait ». De plus, la limite de l’article 205 est également visée par l'article 207 du code civil qui annonce que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques. Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire », c’est l’exception d’indignité. Par exemple, dans un arrêt rendu le 4 juillet 2013, la cour d'appel d'Agen a accueilli l'exception d'indignité opposée par deux filles à leur père au titre de l'obligation alimentaire puisque celles- ci déclaraient avoir subi pendant leur enfance des violences morales, des privations de nourriture, ainsi que des maltraitances de la part de leur père et de leur belle-mère mais notamment un manquement cruel d'affection.
D’un autre côté, c’est le juge qui tranche lorsque la valeur des biens de la succession est insuffisante, les frais d'obsèques sont assimilés à une dette alimentaire. Ainsi, au sein de la famille du défunt, et même si elles ont renoncé à la succession, les personnes tenues au paiement des frais d'obsèques doivent assumer la charge de ces frais dans la proportion de leurs ressources, et sous la réserve que la dépense ne soit pas excessive. En effet l’arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation du 14 mai 1992 précise que si le caractère des obsèques dépasse un certain niveau (ce qu'il faut pour des obsèques décentes et sans fioritures), on ne peut pas obliger les enfants à payer des frais dits « somptuaires », comme par exemple un cercueil en acajou massif.
Ainsi, l’obligation de supporter les frais funéraires de son ascendant tire alors sa force et ses limites du devoir d’honorer ses père et mère. Or, ce devoir est applicable à tout âge, c’est pour cela que le paiement de frais d’obsèques est imposé dès la naissance et généralement sans exception.
II) L’obligation de supporter les frais d’obsèques de son ascendant : son application dès la naissance et sans grande exception
L'obligation de supporter les frais d’obsèques de son ascendant est la plupart du temps inévitable puisque renoncer à la succession du défunt ne constitue pas une dispense à ce devoir (A), et l’absence de lien affectif particulier n’est également pas admis pour s’opposer à cette obligation (B).
A) Une obligation non limitée par le renoncement à la succession du défunt
La conséquence juridique principale de la mort est la perte de la personnalité juridique, et l’ouverture de la succession du défunt. Les frais d'obsèques sont en principe imputés sur l'actif de la succession du défunt. Mais dans l’arrêt du 28 janvier 2009, l’enfant se trouve poursuivie en remboursement des frais d’obsèques, alors qu’elle a par son représentant légal, soit sa mère, renoncé à la succession de son père dont l’actif était insuffisant pour couvrir les dits frais. La Cour de cassation était donc amenée à se questionner sur l’étendue de l’obligation d’assurer la charge des fais d’obsèques qui pèse sur le descendant; question où la puissance normative de l’article 371 du code civil se manifeste pleinement. En effet, dans un arrêt de 1992, la Cour de cassation a donné une puissance normative à l'article 371 puisqu’elle a décidé que : « l'enfant tenu de l'obligation alimentaire à l'égard de ses ascendants doit, même s'il a renoncé à leur succession, assumer la charge des frais d'obsèques dans la mesure de ses ressources, lorsque l'actif successoral est insuffisant ». De plus, dans un arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 21 septembre 2005, la haute juridiction a choisit une solution de droit similaire en ajoutant que « ces frais constituent une dette alimentaire que les enfants doivent supporter à proportion de leurs ressources si les biens du parent décédé n'y suffisent pas ». En effet, les frais funéraires sont inclus dans les charges de succession, alors en acceptant la succession, l’héritier doit les payer. De plus, ils s’incorporent dans les obligations alimentaires, alors l’enfant ayant renoncé à la succession, est tenu à l’obligation alimentaire et doit payer les frais funéraires dans la proportion de ses ressources. En 2009, la Cour de cassation a alors confirmé au visa de l’article 371 et 205 du Code civil sa jurisprudence habituelle selon laquelle l’enfant doit payer les frais d’obsèques de ses parents, même s’il a renoncé à la succession déficitaire. Elle donne alors une portée normative réelle à un texte dont on aurait pu penser qu’il avait seulement une valeur morale. Ainsi, l’article 806 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, a repris cette solution puisqu’il énonce qu’« il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce ».
D’une part, renoncer à la succession du défunt ne constitue donc pas une condition admissible pour éviter de payer les frais funéraires de son ascendant. Mais d’autre part, une absence de lien affectif, ou le fait de ne pas avoir connu son ascendant n’en constitue pas une non plus.
B) Une obligation ne nécessitant pas de lien affectif particulier
D’après l’article 371 du Code civil, « l’enfant doit, à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ». Un enfant est alors légalement contraint de supporter les frais d’obsèques de ses parents, et ceci dès sa naissance. Alors, s’il s'agit d'un enfant mineur qui n'a aucun revenu, le fait d'avoir perçu un capital décès dont le montant est nettement supérieur à celui de la facture de la société de pompes funèbres, l'oblige à régler cette dernière; comme le montre l’arrêt de 2009 puisque la Cour dit que « si l’enfant n’a aucun revenu, il est établi qu’elle a perçu un capital décès dont le montant est nettement supérieur à celui de la facture de la société OGF ». Cependant, dans ce dit arrêt, l’enfant Maud n’était pas encore née quand son père est décédé. La Cour de cassation s’est alors demandée si la solution de principe valait-elle aussi lorsque l’ascendant décède avant la naissance de l’enfant. La Cour de cassation a alors répondu par l’affirmative en annonçant que le fait que « l'enfant n'ait pas connu son père, pour être né peu après son décès, n'exclut aucunement qu'il ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l'existence d'un lien affectif direct n'en constituant pas une condition ». En effet, l’obligation pour l'enfant de supporter les frais d'obsèques de son père existe dès sa naissance, peu importe qu'il n'ait pas connu son père et qu'il ait refusé la succession. D’ailleurs, l’arrêt précise que l’existence d’un lien affectif direct ne constitue pas une condition de mise en œuvre de cette obligation. Le paiement des frais d’obsèques ne dépend que du seul lien de filiation et de l’honneur qui doit gouverner les relations entre parents. Plus clairement, seul le lien biologique compte, peu importe que l'enfant et son père n'aient pas eu le temps de tisser un lien affectif, le seul fait d'avoir conçu un enfant suffit pour que ce dernier soit tenu de régler les frais d'obsèques et cela même si le père décède avant la naissance de l’enfant. Il s’agit d’une obligation personnelle, indépendante des liens affectifs existant réellement entre l’enfant et le parent.
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