Droit des sociétés et droit commun des contrats
TD : Droit des sociétés et droit commun des contrats. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lucinda Caquelard • 19 Octobre 2021 • TD • 2 647 Mots (11 Pages) • 696 Vues
Licence 2016/2017 :
Droit des sociétés
SEANCE n° 2
Droit des sociétés et droit commun des contrats
Le consentement
4. - ARRÊT A COMMENTER : Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-13.744 : le protocole
d’accord supérieur aux statuts
V.Revue des sociétés 2016 p.99 Les statuts de SARL tiennent-ils encore lieu de loi à
ceux qui les ont faits ?
Note sous Cour de cassation (com.), 12 mai 2015, n° 14-13.744 (F-D), S té Codif c/ S té
Chronotec Arnaud Lecourt, Maître de conférences à l'université de Pau et des Pays de
l'Adour, Directeur de l'Institut d'études judiciaires, Directeur de l'Unité de droit des
affaires (UDA / CRAJ, EA 1929)
Note 1. Certains arrêts, bien que n'ayant pas les honneurs du Bulletin, méritent une
attention parfois plus soutenue que ceux-là même qui y figurent. Et si l'on veut bien
comprendre que les ressorts qui les animent puissent être d'analyse délicate, que ces
mêmes ressorts puissent constituer un frein, du moins une interrogation à l'heure de
leur insertion dans le Bulletin et par-delà de leur large diffusion, il n'en demeure pas
moins que les solutions qu'ils dégagent sont parfois de nature à bouleverser
profondément la vision que l'on pouvait avoir de telle ou telle donnée. Tel nous
semble être le cas de l'arrêt de la Chambre commerciale du 12 mai 2015 par lequel la
Cour considère - tel un principe évident - que les associés de la SARL peuvent
déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes
postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent.
2. Les faits sont relativement classiques. Un gérant démissionnaire de SARL est
autorisé par un protocole d'accord signé entre tous les associés à créer une autre
société exerçant une activité concurrente de celle de la SARL, en dépit d'une clause
des statuts imposant une obligation de non-concurrence. Postérieurement à la
création de cette nouvelle société, la SARL et ses associés agissent en justice afin
que la clause de non-concurrence soit respectée et que le gérant démissionnaire soit
condamné à cesser son activité. Les juges du fond ont fait droit à cette demande,
annulant de ce fait le protocole d'accord considéré comme contraire aux dispositions
statutaires. Arguant d'un raisonnement classique, les juges considèrent que
l'autorisation donnée au gérant démissionnaire d'exercer une activité concurrente de
celle de la SARL devait résulter d'une modification des statuts aux conditions de
majorité légales, ce qui n'avait pas été le cas. La Cour casse et annule cette décision
au double visa des articles 1134 du code civil et L. 235-1 du code de commerce,
posant par là même, en vertu de la généralité des visas employés, un principe qui
semble de portée générale : les associés de SARL peuvent parfaitement déroger par
contrat et pour une opération donnée à une clause des statuts, sans que cette
convention ait à faire l'objet d'une quelconque ratification en assemblée (« les
associés de la SARL peuvent déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par
l'établissement d'actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y
consentent »). En ce sens, le protocole d'accord par lequel les associés avaient
accordé le droit au gérant démissionnaire d'exercer une activité concurrente de celle
de la SARL au mépris d'une clause de non-concurrence statutaire, devait recevoir
pleine application.
3. S'il faut sans doute se garder de tirer des conclusions audacieuses de cette
décision - délicate à interpréter en raison précisément des fondements visés - il n'en
reste pas moins que son analyse recèle des trésors pour l'amateur de droit des
sociétés, tant en pratique qu'en théorie. En autorisant les associés de la SARL à
adopter une décision dérogeant aux statuts par leur consentement unanime exprimé
dans un acte, alors même que cette modalité ne figure pas dans les statuts, le juge
crée du droit et ouvre aux associés comme aux praticiens de nouvelles voies
d'adoption des décisions dans la SARL non prévues par les textes. Au-delà, la
décision rapportée amène à s'interroger sur un concept inconnu du droit des
sociétés, que l'arrêt introduit : l'acte qui déroge aux statuts, lui qui ne connaît que les
actes modifiant ou ne modifiant pas les statuts.
4. Alors qu'un raisonnement orthodoxe eut permis de résoudre aisément la difficulté
(I), la Cour de cassation a choisi d'entreprendre un autre chemin, prometteur mais
semé d'interrogations (II).
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