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Commentaire de l'arrêt Blanco

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Par   •  20 Octobre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 624 Mots (7 Pages)  •  616 Vues

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Commentaire : Arrêt Blanco

« Le propre de la souveraineté est de s’imposer à tous sans qu’on puisse réclamer d’elle aucune compensation », c’est ce qu’affirmait E. Laferrière dans son Traité de 1887. Cependant, ce propos a été largement remis en cause. Aujourd’hui, la responsabilité de l’administration est unanimement reconnue, et cela depuis 1873 avec cet arrêt, l’arrêt Blanco.

Le 8 février 1873, le Tribunal des Conflits a rendu une décision affirmant que la responsabilité de l’État devait être appréciée selon des règles spéciales, et non pas selon les règles du droit civil. Il consacre ainsi la spécificité du droit administratif tout en remettant en cause l’irresponsabilité de l’État en affirmant que l’activité de l’État doit être régie selon un droit spécifique distinct du droit civil.

La fille du requérant, âgée de 5 ans et demi, a été renversée et grièvement blessée par un wagon poussé par 4 employés à la manufacture de tabac de Bordeaux, alors qu’elle passait sur la voie publique. Le requérant saisit donc la juridiction judiciaire d’une action en dommages-intérêts contre l’État estimé civilement responsable du fait de la faute de ses employés. Le Tribunal des Conflits est mandaté pour répondre à la question de savoir si les juridictions judiciaires sont-elles compétentes pour connaître des dommages causés par les services publics de l’État ou si au contraire ils relèvent de la compétence des juridictions administratives. Le Tribunal des Conflits considère que seule l’autorité administrative est compétente à connaître ce litige, en affirmant que la responsabilité qui peut incomber à l’État dans cette situation et dans d’autres similaires est régie par des règles spéciales qui ne peuvent donc pas être appliquées par les juridictions judiciaires mais uniquement par les juridictions administratives.

Mais pourquoi l’arrêt Blanco est-il considéré comme le climax de la création du droit administratif ?

L’arrêt Blanco repose sur une évolution récente du droit administratif allant vers son autonomisation et sa formalisation (I), mais il n’en demeure pas moins qu’il est considéré comme une consécration de la spécificité du droit administratif (II), l’ultime tome d’une série en trois actes.

I) Un développement récent du droit administratif

Bien que de tout temps il ait existé des règles limitant l’absolutisme royal, il n’en demeure pas moins que la formalisation moderne du droit administratif ne s’est faite que récemment, en débutant par une autonomisation de l’administration jusque là rattachée au corps judiciaire (A), puis par la création d’une juridiction administrative, par la naissance du rôle de juge administratif (B).

A) L’autonomisation de l’administration

Sous l’Ancien régime ou en tout cas à sa fin, le Roi est dans une situation délicate face aux parlements des provinces qui contestent les règles fixées par ce dernier et applicables de manière uniforme à l’ensemble du territoire (notamment les impôts et la nécessité de devoir fournir en hommes l’armée royale). Les parlements provinciaux éditent un certains nombres de décisions qui contestent le pouvoir royal : c’est la fronde des parlements. Lorsque la Révolution Française arrive, les révolutionnaires ont à l’esprit les difficultés que ces décisions contraires peuvent avoir. Ils affirment donc l’impossibilité de contester l’action de l’État devant ces parlements qui exercent également un dualisme juridictionnel.

La loi des 16 et 24 août 1790 est édictée en conséquence, et elle contient un article important, l’article 13 qui pose deux principes. Tout d’abord le principe de séparation des activités juridictionnelles et administratives : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ». Il est ainsi dit qu’il ne sera plus possible de cumuler l’exercice de ces deux fonctions : un même organe ne pourra donc pas juger et administrer. L’article 13 pose également le principe d’interdiction aux juges de se mêler d’administration : « Les juges ne pourront troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ». L’administration se trouve ainsi libérée de tout contrôle juridictionnel.

C’est en se basant sur ces lois que le Tribunal des Conflits a pu en premier lieu être mandaté, l’affaire impliquant l’État et ainsi l’administration, et ayant été présentée devant une juridiction judiciaire. Le Tribunal des Conflits décide ainsi que le litige doit être rendu devant un juge administratif, car ils sont seuls compétents à la faire d’après la loi des 16 et 24 août 1790.

B)  La création d’une juridiction administrative

Si seul le juge administratif est compétent à rendre un jugement sur l’affaire Blanco, il n’en demeure pas moins qu’avant la loi du 24 mai 1872, il n’existait pas encore de juge administratif. L’administration avait des supérieurs hiérarchiques auxquels il est possible de s’adresser pour pouvoir faire trancher un litige qui nous oppose à elle, mais ceux ci étaient uniquement les ministres (ministre-juge). Mais un ministre n’est pas un juge, ainsi il va donner toujours raison à l’administration. Entre 1790 et 1872 l’administration était délivrée de toute forme de contrôle juridictionnel puisque les juges existants ne pouvaient pas en contrôler l’action.

Pour palier à ce manquement, deux options furent envisagées avant la rédaction de la loi. Tout d’abord fut envisagé de créer de toute pièce une nouvelle juridiction, mais cette idée ne fut pas retenue. Alors, fut proposé d’attribuer une nouvelle fonction à un organe existant : le Conseil d’État. Il est désormais doté d’attributions juridictionnelles : il peut statuer sur les litiges administratifs et rendre la justice administrative.

C’est ainsi tout le propre du Tribunal des Conflits, qui va ainsi envoyer l’affaire Blanco devant le Conseil d’État, haute sommité de la juridiction administrative.

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