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Cancérologie et relationnel

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Par   •  17 Juin 2016  •  Analyse sectorielle  •  2 533 Mots (11 Pages)  •  1 363 Vues

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Lors de mon stage à l’Institut Bergonié en cours de deuxième année d’études en soins infirmiers, j’ai pu faire directement face à un type de maladie que je n’avais qu’entraperçu lors de mes précédents stages : le cancer.

Le cancer est un mal qui survient parfois subitement de manière inattendue et qui entraîne avec lui tout un calvaire de protocoles de soins, de nouvelles règles de vie à adopter et de tracas financiers et professionnels.

Mais il existe également un autre aspect à relever, et pas des moindres. Le cancer devient un intrus qui s’insère insidieusement dans la vie du patient et qui le ronge physiquement et psychiquement.

Vivre ainsi, en connaissance du mal qui nous ronge, avec une épée de Damoclès pendant au-dessus de nous se révèle être un calvaire parfois difficilement surmontable pour les patients sujets au cancer.

Certains l’acceptent plus que d’autres. Certains se montrent plus combattifs, d’autres se laissent mourir. L’optimisme se heurte incessamment avec le pessimisme, et il devient parfois compliqué de juger son état.

J’ai choisi d’évoquer le cas d’une patiente, Madame D., 48 ans, venue un jeudi matin à l’Hôpital de Jour de Bergonié pour une première ligne de chimiothérapie néo-adjuvante afin de traiter un cancer du sein droit avant d’opérer. Il s’agissait là de la première expérience de ce genre pour la patiente. On lui avait annoncé récemment suite à une mammographie la présence d’un cancer.

Elle avait été choquée par cette révélation, à laquelle elle ne s’attendait absolument pas, et vivait très mal le fait de devoir vivre une chimiothérapie. C’est une femme mariée, son époux l’accompagne d’ailleurs ce jour-ci.

Ce matin-là, alors que je récupère le dossier de Madame D. pour l’entrée, ma tutrice de la semaine s’éclipse du service pour assister à une formation sur les règles d’hygiène et les précautions standards. Il m’incombe donc de m’occuper de la patiente, seul. En lisant son dossier, je constate donc qu’il s’agit pour elle d’un traitement par FEC 100 en trois cycles, qui sera suivi par la suite de trois cycles de TAXOTERE. Le schéma typique, du moins le plus fréquent, du traitement du cancer du sein, auquel j’avais déjà eu à faire face durant les précédentes semaines de mon stage et donc auquel j’étais habitué. Je pars donc confiant et serein. Cependant, la difficulté à laquelle je suis alors exposé est qu’il s’agit d’un premier FEC. D’une première chimiothérapie. À une patiente qui n’a jamais eu affaire au cancer et à l’Hôpital pour quelque chose de sérieux. Cela signifie donc que je dois prendre en compte plusieurs facteurs auxquels je n’ai pas eu d’entraînement : je vais devoir tout lui expliquer (ce qu’elle a, comment on compte la guérir, comment fonctionne l’Hôpital de Jour, etc) tout en tenant compte de son état de probable malheur. Jusqu’ici, je n’ai eu qu’à prendre en charge des patients déjà habitués à la chimiothérapie, ou dont le premier cycle était déjà entamé. Il s’agissait donc de ma première expérience de premier accueil.

Je vais donc chercher Madame D. à la salle d’attente. Celle-ci se lève, suivie par son mari. Seul ce-dernier répond à mon bonjour. Sa femme, elle, demeure silencieuse. Je les emmène à l’entrée de l’infirmerie pour la pesée et la prise de température. Madame D. reste de marbre tout le long des vérifications. Puis, ils me suivent jusqu’à la chambre que j’ai réservé pour eux et y pénètrent. J’en fais de même et referme la porte derrière moi, quelque peu gêné par le climat lourd qui règne déjà dans la pièce. Madame D. pose son sac sur une table et sa veste au porte-manteau.

Je sors alors mon stylo et mon papier à notes et demande alors la première question que je pose à chaque patient, à savoir « Comment allez-vous, Madame D. ? ». Celle-ci répond très doucement, le regard fuyant. « Mi-figue, mi-raisin ». Triste euphémisme, me dis-je. Je demande alors comment s’est déroulée la consultation avec le cancérologue référent, si elle a bien compris ce qu’il allait advenir dans les semaines et les mois à venir. Elle répond, toujours en ouvrant à peine la bouche, d’une petite voix presque imperceptible « Oui, oui, il m’a expliqué ». Son mari ne semble vouloir rien rajouter ; bien qu’ayant l’air plus serein, il n’en demeure pas moins tout aussi muet, et je perçois alors la souffrance qu’il partage avec sa femme. Son regard se pose sur le lit, les murs, la vieille télé, ma blouse blanche. Je comprends très bien « Dire que ça arrive à nous, c’est nous qui sommes concernés. »

J’explique alors que je les laisse seuls quelques instants, qu’ils puissent finir de s’installer le temps que j’aille chercher le tensiomètre. Je m’exécute, quelque peu perturbé par l’ambiance froide et macabre, à laquelle je ne peux compatir. C’est d’ailleurs presque avec regret et gêne que je rentre de nouveau dans la chambre pour prendre la tension de Madame D.. Les constantes étant relevées, j’explique au couple que je vais préparer la prémédication avant d’administrer la chimiothérapie. Je détaille l’objectif de la prémédication, à savoir qu’il s’agit d’antinauséeux, chargés de prévenir des effets secondaires trop désagréables. Leur réponse est équivalente à un simple « ok ». Je les quitte, préférant leur laisser suffisamment de temps pour s’acclimater au lieu et communiquer entre eux.

Je prépare donc la perfusion d’antinauséeux et commande la chimiothérapie après vérification et validation de la chimiothérapie. Lors de la pause du cathéter intraveineux, je suis accompagné d’une infirmière qui m’observe. La patiente se laisse faire, et ne prononce pas le moindre mot de tout l’acte.

Quarante minutes plus tard, de nouveau seul et laissé à moi-même, la chimiothérapie est livrée. J’applique le protocole de vérification et m’assure qu’il s’agit du bon traitement pour la bonne patiente. Une fois cette tâche accomplie, je me rends dans la chambre de la patiente. Son mari s’est absenté, je me trouve seul avec elle. Je lui présente son traitement, comment et en combien temps celui-ci va être administré. Je commence par l’EPIRUBICINE, un traitement de chimiothérapie préparé dans deux seringues de 50 ml qui s’injecte directement au robinet de la perfusion en 20 minutes.

Je compte bien profiter de tout ce temps pour communiquer avec elle et lui parler de ce qui va suivre. Je branche la première seringue et commence à injecter. Voyant que le silence qui s’est posé n’est pas prêt d’être brisé, je prends l’initiative de la parole

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