Liberté et devoir s'opposent-ils ?
Cours : Liberté et devoir s'opposent-ils ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar roulio789 • 25 Novembre 2023 • Cours • 6 233 Mots (25 Pages) • 190 Vues
Liberté et devoir s'opposent-ils ?
Introduction.
1. Distinctions conceptuelles des notions.
Présupposé : la morale se manifeste essentiellement sous deux aspects qui apparaissent en premier lieu comme contradictoire : la liberté et le devoir.
A/ Morale :
– un ensemble de règles de conduites et de valeurs qui ont pour objectifs de réguler les comportements des individus. La contrainte exercée n'est pas réelle comme au niveau du droit, mais indirecte (se manifeste par un pouvoir normatif, la mauvaise conscience, une menace divine, …).
- Elle s'accompagne d'une conception du bien et du mal, donc d'un jugement moral.
- L'origine de la représentation morale est généralement indéterminée. On peut ainsi estimer que la conscience morale est soit innée soit dépendante d'une construction libre.
- Elle permet à l'individu de juger ses propres actions mais aussi celles d'autrui.
B/ Liberté :
- Définition générale : est libre la chose qui ne rencontre aucune opposition extérieure à son mouvement. Être libre ici pour un individu, c’est faire ce qu’il veut sans en être empêché. Mais ainsi, si l’on en reste à ce sens du mot liberté, empêcher un criminel de tuer c’est aller contre sa liberté. La liberté prise en ce sens (liberté physique) ne peut donc être envisagée comme le bien suprême.
- Elle se définit d'abord par le fait de n'avoir aucune entrave, de n'être limité par aucun pouvoir (liberté physique).
- Mais la liberté dépend aussi de mon rapport à autrui, la liberté humaine se traduit pas le fait de composer sa liberté avec celle des autres ; ma liberté peut s'étendre seulement jusqu'au stade où elle nuit à la liberté d'autrui : liberté collective ou politique. Différence entre ce qu'il m'est possible de faire et ce qu'il m'est permis de faire.
- Mais aussi le fait d'être libre comme étant maître de soi, c'est à dire comme se déterminant de l'intérieur de soi et non par des contraintes extérieures : la liberté intérieure qui suppose l’existence du libre-arbitre.
Finalement, qu’est-ce qu’être libre ?
■▪ Faire tout ce que l’on veut ?
■▪ Être indépendant des lois de la nature ?
■▪ Agir au hasard ou conformément à la raison ?
■▪ Être indépendant des lois de l’Etat ou s’y soumettre ?
C/ Devoir :
- Il désigne d'abord les règles et ordres à respecter, on parle ainsi du devoir du soldat, du devoir du citoyen.
- Dans un sens plus approfondi, le devoir s'oppose à la contrainte et à la nécessité. Il se présente alors comme une obligation qui repose sur la liberté de l'individu.
- En effet, un devoir ne peut concerner qu'un sujet libre, c'est-à-dire d'abord libre de suivre ou non une règle ou un ordre.
- On comprend que si le devoir se présente généralement sous la forme d'un « tu dois », d'un rapport extérieur entre une personne qui commande et une personne qui obéit (l'homme en face de Dieu, face à la société ou la justice), ce « tu dois » peut aussi être intériorisé par l'individu qui oppose alors en lui-même sa raison à ses passions, ou encore l'intérêt général à l'intérêt particulier.
- Cet aspect du devoir permet de passer de l'idée d'ordre et de commandement à celui de responsabilité et d'engagement.
2. Proposition de problématisation.
-- La liberté est envisagée généralement comme le fait de n'avoir aucune entrave, de n'être limité par aucune borne, de n'être contraint par aucun pouvoir.
-- Le devoir lui se présente d'abord comme une règle, un commandement à respecter. En ce sens, liberté et devoir s'opposent. Le devoir limite la liberté individuelle en lui imposant des règles de comportement qui circonscrivent ses possibilités d'action.
- Pourtant, une analyse plus minutieuse du sens du devoir remet en cause cette première évidence. En effet, un devoir n'est pas un simple commandement qui aurait vocation à être inconditionnellement suivit d'un acte de soumission.
- Ainsi par exemple, le maître ne va pas exiger à ses esclaves une obéissance par devoir mais bien, puisqu'ils sont privés de liberté, une soumission totale à ses ordres.
- Le devoir suppose une conscience morale qui repose elle-même sur la liberté individuelle. Plus simplement, un devoir n'a de sens que si l'individu est libre de s'opposer à cet ordre moral.
- Ainsi, doit-on privilégier l'opposition évidente entre le sens premier du devoir et celui de la liberté, auquel cas le devoir se présente comme une entrave essentielle à la liberté individuelle, ou bien au contraire doit-on avancer l'hypothèse qu'un devoir ne s'adresse qu'à un sujet libre en cherchant paradoxalement à renforcer sa liberté en l'obligeant ?
I/ Le devoir s'oppose à la liberté humaine : le devoir est une contrainte sociale qui s'oppose à la liberté individuelle.
- En première analyse l'idée de devoir s'oppose à la conception commune de la liberté.
- Un devoir, en effet, semble tout d'abord se présenter comme un effort pour s'opposer aux manifestations de notre liberté naturelle et spontanée : nos penchants, nos désirs, nos tendances, ...
- Le devoir s'oppose ainsi à notre tendance naturelle et spontanée en se présentant comme un impératif adressé de l'extérieur : « tu dois, tu ne dois pas ». En premier lieu, la spontanéité qui caractérise notre liberté s'oppose aux commandements discursifs imposés par l'idée de devoir.
- Ainsi, il nous arrive fréquemment d'opposer en nous-mêmes un impératif moral à notre désir par exemple.
- L'impératif moral semble alors nous dire comment nous devrions agir (pour le bien de la communauté, pour être en conformité avec les lois de la société, ...) alors que la formulation de notre désir paraît manifester notre moi intime. La liberté consiste-t-elle alors à suivre nos désirs, ce que nous estimons être au fondement de notre particularité, ou bien consiste-t-elle plutôt à reconnaître la possibilité de ne pas les satisfaire, d'avoir le choix ?
- En effet, être libre vis-à-vis des contraintes extérieures ne peut pas signifier s'opposer nécessairement à ces contraintes, mais bien plutôt prendre conscience de la possibilité de s'opposer ou non à ces contraintes.
- La liberté en ce sens exige un critère permettant de déterminer la direction de mon choix.
- Ainsi, pour saisir la réelle nature du devoir, on ne peut en rester à une compréhension d'une liberté consistant à suivre aveuglement ses passions, désirs, envies.
- Envisageons un individu estimant que la liberté consiste à suivre tous ses désirs, à mettre tout en œuvre pour satisfaire chacun de ses désirs, cet homme doit-il être proclamé libre ou au contraire esclave de ses désirs ?
- Référence : Platon Gorgias, 491e-492c.
- Cette interrogation nous renvoie au texte de Platon dans le Gorgias : si la doxa s'oppose à Calliclès (un homme cherchant à suivre inconditionnellement ses désirs ne peut être proclamé libre mais au contraire esclave de ses désirs), lui Calliclès estime que cette condamnation repose sur une convention sociale : la masse des individus les plus faibles, ne pouvant satisfaire la plupart de leurs désirs, proclament à l'unisson que le bien consiste en une maîtrise sur ses désirs.
- La position de Calliclès permet de présenter un argument soutenant l'opposition entre devoir et liberté. L'idée d'une liberté intérieure comme maîtrise de l'individu sur lui-même, comme tempérance vis-à-vis de sa volonté première, c'est-à-dire sur ses propres passions, désirs est une construction historique visant seulement à rendre l'individu plus docile, plus obéissant par rapport à la société civile.
- Ainsi, le devoir de même que l'obligation morale qui la soutient seraient finalement le résultat d'une contrainte réelle exercé par la société et intériorisée par l'individu. L’individu estime agir librement, choisir lui-même de se conformer aux devoirs, alors qu’il est en réalité déterminé à s’y soumettre.
- Problème du texte : si le plus grand nombre estime que la clé du bonheur réside dans une maîtrise raisonnée de ses désirs, ces derniers étant alors envisagés comme l'origine première de la souffrance et du malheur de l'individu, ne peut-on pas néanmoins formuler l'hypothèse que cette conception ne soit qu'une morale par défaut, uniquement dérivée de l'incapacité du plus grand nombre à acquérir l'ensemble des objets de ses désirs. Donc, la bonne conduite à adopter face à ses désirs dépend-elle de la tempérance et de la justice ou bien de l'effort constant à satisfaire l'ensemble des objets de ses désirs ?
- Thèse du texte : Calliclès affirme que la justice et le Bien consiste tout simplement à satisfaire l'ensemble de ses désirs, que le bonheur consiste finalement en une succession infinie de plaisirs. Celui qui est assez puissant et intelligent pour satisfaire tous ses désirs comprend que la justice réelle, la justice selon la nature s'oppose à la tempérance et à cette justice de la multitude (justice légale). Il comprend que pour être heureux il n'a qu'à écouter et suivre ses désirs.
- Schéma explicatif du texte : extrait de A.Lemétayer, La philosophie en schéma, p7.
- Transition : en première analyse il apparaît donc que faire son devoir consiste à renoncer à sa liberté, le devoir apparaissant ici comme une contrainte extérieure limitant la liberté de l'individu.
- Néanmoins, si la réalisation d'un devoir peut nuire à la liberté « physique » de l'individu (faire ce que l'on veut), elle lui permet aussi en même temps d'accéder à une nouvelle forme de liberté : la liberté intérieure où l'individu se détermine lui-même. Par elle, l'individu peut dépasser le déterminisme de ses appétits.
- Ainsi, la possibilité de s’opposer à nos penchants immédiats, de s’opposer donc à cette liberté « physique » ne constitue-t-elle pas la preuve la plus manifeste de l’existence du libre-arbitre ?
II/ Loin de s’opposer à la liberté, la possibilité d’agir par devoir atteste de l’existence de la liberté.
A/ Le problème du libre-arbitre : l’homme est-il réellement maître de ses choix ou est-il déterminé par des relations de causes à effets comme toutes choses dans la nature ?
Libre-arbitre : désigne le pouvoir de la volonté d’agir à sa guise, le pouvoir de la volonté d’agir comme cause première. Un concept forgé par Augustin afin d’expliquer que l’homme est seul responsable du pêché et ainsi que Dieu n’est pas cause du mal.
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