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La notion d’imprévisibilité de la force majeure dans le droit de la responsabilité contractuelle

Dissertation : La notion d’imprévisibilité de la force majeure dans le droit de la responsabilité contractuelle. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Mars 2023  •  Dissertation  •  3 087 Mots (13 Pages)  •  271 Vues

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Dissertation : La notion d’imprévisibilité de la force majeure dans le droit de la responsabilité contractuelle

L’extrait d’un rapport de la Cour de cassation de 2006 est clair : « La notion de force majeure exonératoire de responsabilité donnait lieu, au sein même de la Cour de cassation, à de regrettables incertitudes ». En effet, le cas de la force majeure avait une application complexe liée aux interprétations différentes que pouvaient faire les magistrats.

La force majeure n’était pas définie dans le Code Civil de 1804, mais contenait tout de même la notion encore appelée cas fortuit. En effet, l’ancien article 1148 du Code Civil disposait qu’« Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. ». On en déduit que la force majeure est un évènement étranger à l’activité du débiteur. La doctrine et la jurisprudence ont précisé la définition de la force majeure, ainsi que ses caractères (Cour de cassation, assemblée plénière, 14 avril 2006, n° 02-11-168). Enfin, les rédacteurs de l’ordonnance du 10 février 2016 ont introduit l’article 1218 du Code Civil qui donne une définition précise de la force majeure en matière contractuelle.

La force majeure est un évènement composé de trois caractères ; il s’agit d’un élément extérieur au débiteur, irrésistible, et imprévisible au moment de la conclusion du contrat. L’imprévisibilité est le caractère inattendu d’une circonstance dont la survenance contrarie l’exécution d’une obligation. Ce caractère imprévisible entraîne automatiquement une inexécution contractuelle. L’imprévisibilité va être étudiée sous l’angle du droit de la responsabilité contractuelle, qui est un des deux pans de la responsabilité civile, avec la responsabilité délictuelle. La responsabilité civile contractuelle vise à réparer le préjudice subi par le créancier en raison de l’inexécution du contrat par le débiteur ; il peut s’agir d’une réparation en nature, ou d’une réparation pécuniaire par le paiement de dommages-intérêts.

La force majeure est un cas d’exonération totale de la responsabilité contractuelle lorsqu’elle présente les trois caractères. L’importance de ces éléments n’est pas égale ; l’imprévisibilité présente, dans une certaine mesure, une dimension particulière.

C’est pourquoi, il convient de se demander en quoi l’imprévisibilité revêt-elle une importance particulière par rapport aux deux autres conditions de la force majeure en matière de responsabilité contractuelle ?

Dans la perspective de répondre à cette question, il convient tout d’abord de constater que de nombreux débats ont eu lieu au sein des différentes chambres de la Cour de cassation a propos du critère imprévisible de la force majeure ; l’imprévisibilité est une notion qui a été remise en cause à de nombreuses reprises avant d’avoir été consacrée jurisprudentiellement en tant que critère de la force majeure (I). Les rédacteurs de l’ordonnance de réforme du droit des contrats ont consacré une série d’articles à la force majeure, en indiquant les conditions d’application de celle-ci et ses effets. Malgré cela, le champ d’application du critère d’imprévisibilité reste limité, et ce critère a pu être remis en cause dans une certaine mesure (II).

  1. L’imprévisibilité, une consécration semée de remises en causes

L’utilité de la notion d’imprévisibilité a été une question longuement débattue au sein des chambres de la Cour de cassation (A) ; en effet les chambres n’ont pas réussi à trouver un accord, ce qui a nécessité l’intervention de l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Lors de cette dernière, cette notion d’imprévisibilité a été consacrée comme un caractère essentiel de la force majeure, avant que le législateur n’intervienne à son égard (B).

  1. Le questionnement sur l’utilité de la notion d’imprévisibilité  

La Cour de cassation, lors de différentes décisions de ses chambres, a montré des difficultés à déterminer l’utilité de la notion d’imprévisibilité pour invoquer la force majeure en matière contractuelle. Les chambres n’ont pas réussi à trouver d’accord.

Tout d’abord, la première chambre civile, dans un arrêt du 9 mars 1994 (n°91-17.459 ; 91-17.464) énonce que si l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets, il n'en est plus ainsi lorsque n'ont pas été prises toutes les précautions possibles que la prévisibilité de l'événement rendait nécessaires. Il s'ensuit qu'une cour d'appel a pu estimer qu'un vol à main armée commis dans un hôtel dont le coffre a été dévalisé ne constituait pas un cas de force majeure, dès lors que l'hôtelier ou ses préposés n'avaient pas effectué un contrôle strict des entrées (dalloz.fr). Cette position selon laquelle seule l’irrésistibilité était suffisante pour caractériser la force majeure a été confirmée par un arrêt de la chambre commerciale du 1er octobre 1997 (n°95-12.435) qui énonce que « l’irrésistibilité de l’évènement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l’évènement. ». Dans ces deux arrêts, le critère d’imprévisibilité de la force majeure n’est pas évoqué, il est relégué en deuxième position. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 février 2003 (n°99-42.985), va également suivre cette position.

Il ressort de ces différents arrêts que la première chambre civile, ainsi que les chambres commerciale et sociale retiennent que l’irrésistibilité est le critère principal de la force majeure ; ces chambres ont renoncé au critère d’imprévisibilité.

Cependant, les deuxième et troisième chambres civiles de la Cour de cassation restaient fidèles à la conception traditionnelle de la force majeure ; elles exigeaient le cumul du critère d’irrésistibilité et d’imprévisibilité, dans une moindre mesure le critère d’extériorité de l’évènement. C’est ce qu’illustre l’arrêt de la deuxième chambre civile du 13 juillet 2000 (n°98-21.530) qui énonce que « l’imprévisibilité de l’évènement invoqué comme cause exonératoire de la présomption de responsabilité est exigée au titre des éléments constitutifs de la force majeure. ». De même, dans un arrêt de la troisième chambre civile du 15 novembre 2005 (n°04-17.213), l’irrésistibilité et l’imprévisibilité sont les deux éléments permettant de caractériser la force majeure.

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