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Le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit, en raison de l’état d’urgence sanitaire, peut-il demander la résolution ou la suspension du contrat en invoquant la force majeure ?

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Par   •  3 Avril 2023  •  Dissertation  •  1 744 Mots (7 Pages)  •  326 Vues

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Le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit, en raison de l’état d’urgence sanitaire, peut-il demander la résolution ou la suspension du contrat en invoquant la force majeure ?

I. Une délimitation formelle nécessaire de la force majeure

     Une délimitation formelle de la force majeure apparaît nécessaire au moment où la cour de cassation rappelle implicitement, d’une part, que la force majeure est un outil strictement réservé aux seuls débiteurs (A), tout en excluant la jouissance de l’obligation comme fondement de la force majeure (B).

  1. La force majeure comme un outil strictement réservé aux seuls débiteurs.

     La cour de cassation dans son arrêt du 30 Juin 2022, fonde sa solution sur l’article 1218 du code civil qui dispose qu’ “Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.”.

Si la cour régulatrice affirme que “le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution ou la suspension du contrat en invoquant la force majeur”, c’est avant tout parce que cette dernière à opérer une lecture stricte et littérale de l’article 1218. En effet, on remarque d’abord l’absence du “créancier” dans les dispositions législatives concernant la force majeure, mais plutôt l’omniprésence du “débiteur” seulement. En d’autre terme, l’article 1218 du code civil consacre la force majeur comme un outil strictement réservé aux seuls débiteurs, dont les créanciers ne peuvent se prévaloir.

La cour de cassation va en quelque sorte opérer une inversion en attribuant la qualité de créancier au locataire et la qualité de débiteur au bailleur, ce qui facilite l’application stricte de l’article 1218 qui exclut les créanciers de l'invocabilité de la force majeur.

Si la doctrine à choisi de militer en faveur de la reconnaissance du droit d’invoquer la force majeur pour le créancier, la cour de cassation, quant à elle, en a décidé autrement. Cette solution conforte également la jurisprudence de la cour de cassation du 16 Septembre 2014 qui considérait que “le débiteur d’une obligation contractuelle inexécutée de payer une somme d’argent ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure”. Cette position de la cour de cassation semble toutefois présenter certaines ambiguïtés, dans la mesure où la cour régulatrice avait pu admettre autrefois dans un arrêt du 10 Février 1998 qu’un élève malade ne paye pas ses frais de scolarité sur le fondement de la force majeur. En somme, cette solution que nous propose la cour de cassation semble créer un déséquilibre remarquable au détriment du créancier et au profit du débiteur.

     Si la force majeure est un outil réservé aux seuls débiteurs, c’est également pour un but bien précis.

  1. L’exclusion justifiée de la jouissance comme fondement à la force majeure.

     La cour de cassation rappelle dans sa solution que “le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.” Il est nécessaire ici de rappeler la fonction exclusive de la force majeure que l’on retrouve à l’article 1218 du code civil. Outre le caractère imprévisible, extérieure et irrésistible, l'événement invoqué sur le fondement de la force majeure doit empêcher l'exécution du contrat. Cependant, la question de notre arrêt soumis à notre étude n’est pas l’impossibilité d'exécuter mais plutôt celle de l’impossibilité de profiter de la prestation due. Encore une fois on assiste à une fidélité certaine de l’article 1218 de la part de la cour de cassation qui exclut l’impossibilité de profiter comme fondement de la force majeure. La force majeure est un mécanisme de protection du débiteur placé dans l’impossibilité d'exécuter sa prestation. René Demogue disait autrefois que “si la qualité de la personne rend l'exécution du contrat impossible, en ce sens que le créancier ne peut en profiter, il n’y a pas de force majeur”, si au niveau de la doctrine, l’impossibilité de profiter ou d’exploiter ne permet pas d’invoquer la force majeur, la cour de cassation dans son arrêt du 30 Juin 2022 semble aller dans la même position. La cour régulatrice refuse en effet d’opérer une sorte de bilatéralisation de la force majeure dans la mesure où seule l’impossibilité d'exécuter l’obligation permet d’invoquer la force majeure, on retrouve ici en reprenant les mots de Bruno Sturlese avocat général “sous un habillage juridique habile” un résultat similaire que celui recherché par la mise en oeuvre de l’exception d'inexécution. En revanche, par un arrêt antérieur du 10 Février 1998 la cour de cassation avait admis la possibilité de résilier le contrat pour le bénéficiaire d’un enseignement à distance sur le fondement de la force majeure. Ne relève t-on pas encore ici une forme de contradiction, dans la mesure où la cour de cassation adopte une position différente dans son arrêt du 30 juin 2022 en admettant que “le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.”

II. Le rejet justifié de l’invocabilité de la force majeur par le créancier.

     Si les prétentions du locataire-créancier sont écartées surtout en raison de l’absence de caractérisation de la force majeure (A), c’est aussi en raison de l’absence de manquement contractuel de la part du débiteur-bailleur (B).

  1. L’absence de caractérisation de la force majeur

     Si la cour de cassation dans son arrêt du 30 Juin 2022 retient que “la locataire, débitrice des loyers, n'était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure.”, c’est avant tout parce que la force majeure, non seulement, comme évoqué précédemment doit être l’objet des seuls débiteurs qui souhaite s'exonérer de l’impossibilité d'exécution de ses obligations, mais doit aussi revêtir certains caractères nécessaires à sa constatation disposés à l’article 1218 du code civil. Les locataires des baux commerciaux se sont fondés sur l’article 1218 du code civil pour considérer que l’état d’urgence sanitaire est un cas de force majeur, qui permet de les écarter du paiement des loyers dont ils sont débiteurs. Le présent article dispose en effet que “Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.” La question est de savoir si, en l’espèce, l’état d’urgence sanitaire est un cas de force majeur ? Dans sa conception classique l'événement doit être extérieur, irrésistible et imprévisible. L’extériorité signifie que l'événement dépasse la volonté des contractants, en l’espèce, les mesures d’interdiction de recevoir du public en raison de l’état d’urgence est bel et bien un événement extérieur puisqu’il est indépendant de la volonté des contractants. L’imprévisibilité impose ensuite que l’évènement n’aie pas pu être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, qui aurait pu prévoir qu’en 2017, date à laquelle le contrat de bail commercial à été conclu, qu’une crise sanitaire entraînant l’interdiction de recevoir du public allait se produire ?

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