Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils trop liés au pouvoir politique ?
TD : Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils trop liés au pouvoir politique ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar clnhrd • 29 Novembre 2021 • TD • 2 132 Mots (9 Pages) • 760 Vues
Sujet : « Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils trop liés au pouvoir politique ? »
Le Conseil constitutionnel est une institution récente dans le paysage juridictionnel et institutionnel français, et sa création lors de l’élaboration de la Constitution de la Vème République a fait l’objet de nombreux et vifs débats comme en ont suscité les précédentes tentatives d’instaurer une juridiction constitutionnelle. Conçu à l’origine comme l’instrument du parlementarisme rationalisé, le Conseil constitutionnel n’a donc pas été pensé comme une juridiction à part entière, mais bel et bien comme un organe appartenant aux institutions politiques et participant à l’exercice de la fonction législative – comme en témoigne, d’ailleurs, sa dénomination elle-même. De ce fait, les règles régissant sa composition et le statut de ses membres n’ont pas fait l’objet d’un débat aussi approfondi que dans la plupart des autres Etats européens qui ont, quant à eux, rigoureusement encadré les modes de désignation et le statut de leurs juges constitutionnels. En effet, en France, a longtemps subsisté l’idée qu’exerçant des fonctions éminemment politiques, cette institution devait être majoritairement composée de membres ayant exercé de telles
fonctions ou connaissant d’expérience les rouages de la vie politique. Sa juridictionnalisation progressive, amorcée par la création du « bloc de constitutionnalité » en 1971 et prolongée par l’ouverture de sa saisine aux parlementaires en 1974, a désormais été pleinement actée avec l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elle pose dès lors avec une prégnance renouvelée la question du lien existant entre cet organe, désormais chargé d’une fonction éminemment juridique, avec la vie politique qu’il est censé encadrer en assurant la sanction des dispositions constitutionnelles. Ce renouvellement majeur de ses fonctions pose aujourd’hui la question des liens
entretenus entre ses membres et le « pouvoir politique » au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des organes participant à l’impulsion et à la conduite de la politique de la Nation : gouvernement et institutions parlementaires en particulier.
Le terme « lié » désignant de manière générale le fait de « dépendre étroitement de quelque chose, de s’y rattacher » peut donc être traduit, en termes juridiques, par les principes d’indépendance et d’impartialité qui s’imposent à toute juridiction dans un Etat de droit.
La question qui se pose donc à la lumière de cette évolution du Conseil constitutionnel est donc celle de
savoir si cette institution est aujourd’hui suffisamment indépendante et impartiale à l’égard du pouvoir politique.
Au regard des dispositions constitutionnelles, organiques et réglementaires qui régissent le Conseil
constitutionnel, il est indéniable que son indépendance est fragilisée par le mode de désignation de ses membres (I),
bien que leur impartialité soit garantie par les obligations statutaires qui sont les leurs une fois qu’ils entrent en
fonction (II).
I/ Une indépendance fragilisée par le mode de désignation
Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel passe, pour nombre d’auteurs –
particulièrement étrangers – pour une hérésie. En effet, contrairement à ce qui est prévu dans l’ensemble des autres pays européens, ils sont directement désignés par des autorités politiques sans encadrement substantiel (A) et comportent parmi eux des membres de droit qui sont directement issus du monde politique : en l’occurrence, les
anciens Présidents de la République (B). Les conditions dans lesquelles les membres du Conseil sont désignés ne suffisent donc pas à assurer, a priori, leur indépendance.
A/ La nature problématique du mode de désignation
Aux termes de l’article 56 de la Constitution, « Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres [et] se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat [...]. Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage ». Ainsi, contrairement à ce qui est pratiqué à l’étranger, où les juges constitutionnels sont désignés – au moins partiellement – par la voie d’une élection (en Allemagne par exemple), les Sages du Palais Montpensier sont désignés directement par les trois autorités politiques les plus importantes du pays, sans qu’aucune condition de formation ou d’expérience professionnelle n’encadre ces
nominations. Il existe donc un risque de politisation du contrôle de constitutionnalité, et l’indépendance des membres ainsi nommés par les principaux acteurs de la procédure législative qu’ils doivent contrôler se trouve compromise.
En effet, la possibilité qu’une « négociation » ait lieu avant la nomination ne peut pas, a priori, être exclue, l’une des autorités politiques pouvant proposer une nomination au Conseil constitutionnel en échange d’une certaine bienveillance dans l’examen des lois par la suite. Par ailleurs, le fait que le Président du Conseil constitutionnel soit
désigné par le Président de la République alors que ce dernier procède directement à l’impulsion de la politique nationale n’est pas non plus de nature à garantir une telle indépendance. Pour renforcer l’encadrement des nominations auxquelles il procède, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donc soumis cette procédure à
l’aval des commissions permanentes compétentes des deux assemblées (en vertu du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution), mais celles-ci ne peuvent s’opposer au choix du Président qu’à la majorité des 3/5ème des suffrages exprimés au sein des deux commissions, condition très difficile à obtenir. Le fait qu’une grande majorité des membres
du Conseil soient néanmoins des juristes ne suffit pas à garantir leur indépendance à l’égard du pouvoir politique car un grand nombre d’entre eux ont néanmoins exercé des fonctions politiques (près de la moitié). Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel ne voit pas sa jurisprudence évoluer considérablement du fait des
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