L’objet et la performance : une « œuvre ouverte »
Analyse sectorielle : L’objet et la performance : une « œuvre ouverte ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar becqma • 21 Janvier 2021 • Analyse sectorielle • 708 Mots (3 Pages) • 542 Vues
L’objet et la performance : une « œuvre ouverte »
L’ objet est un système fermé. Il impose sa définition (sa fonction et son usage) à celui qui s’en saisit - à l’instar du panneau de signalisation, qui sert d’exemple à Umberto Eco pour catégoriser la compréhension uniforme et sans équivoque. Celui-ci « doit être compris d'une seule manière, sans qu'il y ait possibilité de malentendus, ni d'interprétations personnelles » .
En ce sens, l’objet est conçu pour être « fermé ». Un objet bien conçu est une forme fermée : il n’est pas interprétable de multiples manières, il est au contraire circonscrit dans un cadre de fonctionnement établi, pensé, conçu. Elle est « forme achevée et "close" dans sa perfection d'organisme exactement calibré »
Comme nous l’avons vu, ce cadre s’appuie sur les expériences et les « habitus ». Tout objet est lié à un usage, mais aussi à une représentation normée de cet usage.
Or, lorsque la dimension performative des objets est activée, quelque chose d’autre se met en place. La performance, en faisant glissant les objets du monde technique au monde sensible, ouvre une brèche dans la perception que nous avons de nos objets et de notre environnement : elle les fait tous vibrer de cette ouverture possible sans que leur « irréductible singularité en soit altérée » . La représentation de la norme est bousculée. En articulant une action performée et donc artistique sur l’objet, l’artiste ou le designer ouvre d’autres systèmes de références, qui, dès lors, bousculent nos représentations. En créant une bifurcation, des « translations visuelles et mentales [s’opèrent ndlr], ce qui délivre l’objet des connotations auxquels il est attaché » . Ainsi, ce qui est ouvert, ce n’est pas tant l’interprétation de l’œuvre que l’interprétation de l’objet.
Ainsi, même si l’objet est conçu pour être « fermé », l’objet performé démontre que tout objet peut être perçu comme un objet ouvert – interprétable, nourri de multiples dimensions de lecture d’usage ou même de non-usage qu’on souhaite lui donner. L’objet ouvert, à l’instar de l’œuvre ouverte, porte des « perspectives multiples, ou manifeste une grande variété d'aspects et de résonances sans jamais cesser d'être [lui] même. . La poétique performative de l’objet tend à lui enlever sa détermination et sa nécessité interne.
C’est ce que nous propose, par exemple, Régis Perray, avec son Eponge à moteur : dans cette courte action performative, il bouscule nos références sur les fonctions d’une éponge de cuisine alors même que l’environnement d’usage de cet objet reste fidèle à sa singularité : nous sommes bien sur un plan de travail. Mais loin d’être dans une action automatisée (passer l’ éponge) par un acte performatif minimaliste (une action associée à un son) l’artiste fait basculer un des objets les plus anodins qui soient de sa fonction mécaniste à une poétique du nettoyage, car cet objet ne sert plus vraiment à laver une table, même si in fine la table est débarrassée de ses miettes. Ainsi, l’éponge, « objet fermé », acquiert une « ouverture » par l’action performative. Régis Perray semble l’interpréter comme une lessiveuse à sol, bousculant
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