La raison peut-elle rendre raison de tout ?

Bac 2017 PhilosophieSérie ES

Sujet de dissertation : « La raison peut‐elle rendre raison de tout ? »Analyse du sujet : Le sujet ne demande pas si on peut avoir toujours raison (l’emporter dans le débat) sur tout, mais si la raison, en tant que faculté de penser et de connaître, peut tout comprendre et tout expliquer. En d’autres termes, le problème est : Y a‐t‐il quelque chose qui échappe à l’explication rationnelle, ou bien tout peut‐il faire l’objet d’une explication rationnelle ?

1. Nous avons naturellement le sentiment qu’il y a des choses qui nous dépassent. Lorsque la conscience s’éveille en nous, l’étonnement domine. C’est le « moment philosophique » de l’enfance. Ainsi Socrate est‐il accusé par Calliclès, dans leGorgiasde Platon, d’être encore comme un enfant parce qu’il interroge sans cesse. Avec le temps, cependant, l’habitude va imposer sa banalité et nous allons chercher le merveilleux dans l’irrationnel, le paranormal. La superstition n’est pas réservée aux âmes simples et les théologiens, les philosophes et les scientifiques ont pu longtemps faire appel à la volonté de Dieu, cet « asile de l’ignorance » selon Spinoza, pour se débarrasser des difficultés insurmontables.

2. Cependant un esprit rationnel ne saurait se contenter de constater qu’il y a des choses qui nous échappent. Même si elles nous étonnent, même si nous ne les comprenons pas encore, un esprit rationnel ne pourra pas s’empêcher de penser qu’elles doivent bien avoir une cause et que cette cause est, en droit, connaissable, même si pour l’instant, de fait, elle ne l’est pas encore. C’est le « principe de raison suffisante » formulé par Leibniz. Spinoza, dans l’Éthique, explique que si nous croyons au libre arbitre, c’est parce que « nous ne savons pas ce que peut le corps » ; les neurosciences semblent aujourd’hui lui donner raison.

3. Que la connaissance puisse progresser et rendre raison de ce qui semblait jusque‐là inexplicable ne nous assure pas pour autant que tout soit, en droit, explicable rationnellement. On peut même s’interroger sur cette prétention de la raison à rendre raison de tout. La foi que la raison a en ses propres pouvoirs est‐elle bien rationnelle ? Ne témoigne‐t‐elle pas, au contraire, du besoin humain de prendre refuge dans des certitudes, parce que le doute et l’interrogation sont trop inconfortables ? Nietzsche a ainsi mis en doute l’attachement de la philosophie classique à la rationalité en montrant d’une part que celui‐ci était motivé par des préoccupations vitales inconscientes et d’autre part que l’illogique et l’irrationnel donnent à la vie sa saveur et sa valeur. Que serait l’amour si on devait en rendre raison ?

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