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Hans Jonas, “Technique, liberté, obligation” Une éthique pour la nature (1987)

Commentaire de texte : Hans Jonas, “Technique, liberté, obligation” Une éthique pour la nature (1987). Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  5 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  2 159 Mots (9 Pages)  •  5 665 Vues

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Le danger qui nous menace actuellement vient-il encore du dehors ? Provient-il de l’élément sauvage que nous devons maîtriser grâce aux formations artificielles de la culture ? C’est encore parfois le cas, mais un flot nouveau et plus dangereux se déchaîne maintenant de l’intérieur même et se précipite, détruisant tout sur son passage, y compris la force débordante de nos actions qui relèvent de la culture. C’est désormais à partir de nous que s'ouvrent les trouées et les brèches à travers lesquelles notre poison se répand sur le globe terrestre, transformant la nature tout entière en un cloaque pour l’homme. Ainsi les fronts se sont-ils inversés. Nous devons davantage protéger l’océan contre nos actions que nous protéger de l’océan. Nous sommes devenus un plus grand danger pour la nature que celle-ci ne l’était autrefois pour nous. Nous sommes devenus extrêmement dangereux pour nous-mêmes et ce, grâce aux réalisations les plus dignes d’admiration que nous avons accomplies pour assurer la domination de l’homme sur les choses. C’est nous qui constituons le danger dont nous sommes actuellement cernés et contre lequel nous devons désormais lutter. Il s’agit là de quelque chose de radicalement nouveau : aucune des obligations que nous connaissons n’est jamais née d’une impulsion salvatrice commune.

Hans Jonas, “Technique, liberté, obligation” Une éthique pour la nature (1987)Hans Jonas est un historien et philosophe allemand du XXe siècle. Il s’est principalement intéressé aux enjeux écologiques de la technique. Dans cet extrait “Technique, liberté, obligation” de son ouvrage Une éthique pour la nature, il se penche sur le thème des effets de la technique humaine et leurs répercussions sur la nature et sur l’humanité. Il y soutient une thèse de prise de conscience de la responsabilité de l’homme dans ce désastre écologique et du rôle qu’il se doit de jouer pour limiter les dégâts. En effet, si la nature est en danger aujourd’hui, c’est entièrement dû à l’homme et plus précisément au développement excessif de sa technique. L’homme est coupable et responsable de la situation actuelle, il est donc nécessaire qu’il le reconnaisse et qu’il améliore les choses s' il veut se sauver de lui-même . Ce texte présente deux mouvements principaux; le premier, composé des cinq premières phrases, informe le lecteur de l’origine, de la cause du danger qui nous menace. Le deuxième cherche à le sensibiliser sur l’urgence et la gravité, et sur l’implication collective qui doit être faite pour mettre fin à cette catastrophe. L’auteur cherche donc à nous alarmer et à nous mobiliser pour sauver notre planète, si c’est encore possible. Le problème philosophique posé par ce texte est donc le suivant : comment l’homme peut-il se protéger de lui-même ?

Dès la première phrase, Hans Jonas éveille l’esprit de son lecteur avec une question rhétorique. Il l’inclut avec lui dans un “nous” rassembleur, un “nous” menacé par un “danger”. Il nous amène à nous questionner d’abord sur la nature de ce danger, “le danger”; il semble être la seule menace, ou bien la plus inquiétante, préoccupante, alarmante de toutes. Jonas pousse également ses lecteurs à s’interroger sur son origine, peut-être “dehors”. Effectivement, la vie des hommes s’est longtemps limitée à la survie, comme les autres animaux. L’homme a petit à petit appris à compenser sa faiblesse physique par la création d’outils, lui permettant de subvenir à ses besoins et de se protéger contre une nature dangereuse et menaçante. En plus de développer la technique, l’homme a également appris à prévoir, anticiper les aléas de cette marâtre. Alors la nature est-elle “encore” le danger ? Ou vient-il maintenant d’ailleurs ? S’il ne vient plus de l’extérieur, le danger provient a fortiori de l’intérieur, donc de nous. Cela signifie donc que nous autres, les hommes, sommes susceptibles d’être devenus une menace contre nous-mêmes, autodestructeurs.

Une deuxième question rhétorique vient préciser la visée, la portée de son interrogation. L’homme a-t-il suffisamment appris à “maîtriser” “l’élément sauvage” qu’est la nature ? Représente-t-elle encore un danger pour ce dernier ? Grâce à la mécanisation de l’agriculture et à l’industrialisation, l’homme est capable de se nourrir, de se déplacer, de subvenir non seulement à tous ses besoins mais aussi à toutes ses envies sans difficulté. Grâce à la science météorologique, l’homme est capable de prédire les éventuelles tempêtes ou autres catastrophes naturelles à venir, et de s’y préparer. L’homme a peu à peu réussi à apprivoiser la nature, sa faune et sa flore “grâce aux formations artificielles”. Pourtant, l’homme reste “ un roseau, le plus faible de la nature” comme le disait Pascal. Et s’il réussit à anticiper les tsunamis, les éruptions volcaniques, les tornades ou encore les séismes, il ne peut que fuir ou se protéger au mieux, mais n’est en aucun cas en capacité de les empêcher.

La nature demeure donc un danger pour l’homme, mais cela est rare, comme Jonas s’empresse de le préciser pour apporter des réponses au lecteur qui se questionne : “c’est encore parfois le cas”. Le philosophe constate bien que la nature n’est plus aussi périlleuse qu’avant pour l’homme, et que donc le danger qu’il évoque provient d’ailleurs, d'un “flot nouveau et plus dangereux”. Il nous précise son origine, il provient de “l’intérieur”, ce sont donc nous, nos actions qui sont la plus grande menace qui pèse contre l’humanité, “détruisant tout sur son passage”. Notre technique s'est donc retournée contre nous, car, initialement déployée dans le but de nous aider et de nous protéger, elle nous met en danger et bouleverse la stabilité de notre “culture”, l’équilibre de notre civilisation. Prenons l’exemple de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, événement tragique survenu en URSS pendant la nuit du 26 avril 1986, soit un an avant la publication de Une éthique pour la nature. Le réacteur de la centrale a explosé, libérant un nuage de particules radioactives dans l’atmosphère. Ce nuage s’est étendu au-dessus de l’Europe, se répandant jusqu’en Allemagne, où certaines villes sont confinées. L’hybris de l’homme l’a conduit à pousser la technique et la science à des degrés démesurés, quitte à mettre en péril sa propre santé et même parfois sa vie.

Nous avons défié les lois de la nature, poussés par l’envie de tout contrôler, et nous continuons sur cette lancée, “transformant la nature en un cloaque”. Jonas dénonce la nature de l’homme

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