La Princesse de Clèves Mme de La Fayette
Commentaire de texte : La Princesse de Clèves Mme de La Fayette. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Nemesis87 • 23 Août 2022 • Commentaire de texte • 2 621 Mots (11 Pages) • 471 Vues
INTRODUCTION
Au XVIIe siècle, les passions sont au centre de la réflexion morale. La littérature se fait l’écho des débats philosophiques et religieux en peignant les excès auxquels ces passions conduisent les êtres. La Princesse de Clèves(1678), considéré comme le premier roman psychologique, met ainsi en scène le conflit entre la vertu et la passion amoureuse.
Afin d’échapper à son amour adultère pour le duc de Nemours, Madame de Clèves, l’héroïne, quitte la cour royale et se retire à Coulommiers. Le duc, suivi à son insu par un espion de Monsieur de Clèves, s’introduit en pleine nuit dans la propriété afin de voir la femme qu’il aime.
Dans l’extrait, la mise en scène et le jeu des regards construisent une scène d’amour indirecte qui donne à voir l’intensité de la passion des personnages. Ainsi, nous nous demanderons comment s’exprime la passion amoureuse dans cet extrait. Nous verrons qu’elle s’organise à travers la vision de M. De Nemours (l.1 à 8) puis des actions symboliques de la princesse de Clèves (l.8 à 17) qui amplifieront les sentiments du duc de Nemours à son égard (l.18 à 22).
[pic 1]
1. Premier mouvement: Vision de M. de Nemours (l. 1-8)
1.1. Approche du Duc
Sitôt qu’il fut dans ce jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était Mme de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. (l. 1-4)
Le narrateur commence par raconter les actions du duc de Nemours qui s’approche de sa belle pour l’observer (Topos du roman de Chevalerie - Amour Courtois) comme le montre l’utilisation des verbes d’action: « en se glissant », « s’en approcha » - voyeurisme.
NOTE 1 => L’amour courtois (ou fin’ amor) est un art de vivre et d’aimer qui se développe dans la littérature médiévale et qui y codifie la représentation des relations amoureuses. Les poèmes de troubadours et des trouvères, ainsi que les romans de chevalerie valorisent cet idéal où l’amour est une quête.
Proposition subordonnée circonstancielle de temps « Sitôt qu’… » : simultanéité avec la proposition principale « il n’eut pas de peine… »: une fois entré, il repère tout de suite l’endroit où se trouve la princesse (// Voir document, Mme de Scudéry, carte du tendre, chemins du cœur).
Verbe de perception « il vit » répété plusieurs fois dans ce 1er mouvement (vision importante : le lecteur « regarde » M. de Nemours qui regarde la princesse et qui est regardé par l’espion: Mise en abyme) + pulsion scopique => Représentation d’individus qui s’observent l’un et l’autre à leur insu (Nemours + Clèves) sans pouvoir se parler.
NOTE 2 => Pulsion scopique: définie par Sigmund Freud comme le plaisir de posséder l'autre par le regard. Il s'agit d'une pulsion sexuelle indépendante des zones érogènes où l'individu s'empare de l'autre comme objet de plaisir qu'il soumet à son regard contrôlant.
Clarté, lumière « beaucoup de lumière » (adverbe d’intensité « beaucoup » suivi par le déterminant indéfini de totalité « toutes » : quantité. L’expression « toutes les fenêtres en étaient ouvertes » (invitation de Mme de Clèves?) met en évidence une fête, une célébration solitaire de Mme de Clèves en l’honneur de Nemours + // éblouissement causé par la vue de la princesse (cela ressemble à une invitation).
[« fenêtres […] ouvertes » ekphrasis, mise en valeur par le cadre de la fenêtre, la princesse devient un tableau, une œuvre d’art, digne d’être admirée. Elle contemplera plus loin à son tour, un véritable tableau mettant en scène le duc de Nemours.
NOTE 3 => Théâtralisation du récit (Classicisme).
1-La durée de l’histoire est quasiment équivalente à la durée de la narration. Le texte correspond à ce que Genette appelle une scène.
2-Dimension visuelle de la scène: le narrateur donne à voir des personnages qui observent plus qu’il ne nous raconte une histoire.
3-Un récit à fonction didascalique: la caractérisation semble comme au théâtre. Forte présence d’indices spatio-temporels précis qui posent le décor (le jardin, les lumières, le cabinet, les fenêtres ouvertes, le lit, au milieu de la nuit).
4-Représentation très théâtrale du corps de la princesse de Clèves (expressions du visage).
5- La princesse fait tomber son masque en ne sachant pas qu’elle est observée.
6- Pour Nemours, la princesse est le Graal (une quête) qu’il tente de conquérir.
Sentiments du duc : «avec un trouble et une émotion » : Complément circonstanciel de manière qui traduit son amour passionné pour la princesse. (Caractéristique de l’état psychologique de cet homme).
1.2. Vue de Madame de Clèves
Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait Mme de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. (l. 4-8)
Description de l’extérieur, vers l’intérieur (utilisation importante de l’imparfait descriptif): zoom. Progression vers l’intimité des personnages.
Polyptote de la vue : « voir », « vit » X2, « vue » (isotopie = champ lexical de la vue) : importance du regard pour le sentiment amoureux et la passion. Obsession. Regard porté exclusivement sur elle.
Complément circonstanciel de but : « pour voir » : objectif des actions du duc clair.
Vision du duc : « si admirable beauté » : adjectif épithète liée mélioratif « admirable » et adverbe intensif hyperbolique « si », insistent sur beauté et conséquence : gradation dans les sentiments, de « trouble » et « émotions » on passe à « transport » , presque incontrôlable « à peine fut-il maître » : passion de M. de Nemours pour la princesse ascendante.
Vision de la princesse seule et dans son intérieur, environnement hors cour et société + chaleur (caractère érotique) = négation restrictive « rien sur sa tête et sur sa gorge que » et « cheveux confusément rattachés » : adv « confusément »: mise en valeur du naturel de la princesse de Clèves sans fard et sensualité (femme légèrement dénudée), 1re fois qu’il la voit au naturel et beauté égale voire supérieure, le narrateur dévoile et cache à la fois // pavillon et personnage dévoilent plus qu’ils ne dissimulent l’intimité. A l’abri des regards les bienséances s’effacent et le masque tombe.
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