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La Disqualification sociale de Serge Paugam

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Par   •  8 Février 2024  •  Fiche de lecture  •  2 192 Mots (9 Pages)  •  270 Vues

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La Disqualification sociale de Serge Paugam

Publié par  PUF en 1991 (nouvelle édition été publié en 2009), nombre de page : 256

Mots clés : pauvreté, nouveaux pauvres, stigmate, étiquetage, construction d’identité, intériorisation de statut, carrière morale des assistés, négociation, reconnaissance.

Serge Paugam, né en 1960 au Finistère, est un sociologue français spécialiste de la pauvreté, la précarité et de la solidarité. Il a publié plusieurs ouvrages à ce sujet, notamment  Le lien social  (2008) et plus récemment L’Attachement social. Formes et fondements de la solidarité humaine  (2023). Paugam est directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS et au Centre Maurice-Halbwachs. Il a créé et dirige la collection Le lien social ainsi que la revue Sociologie.

Paugam a écrit La disqualification sociale dans le cadre de sa thèse de doctorat, dirigé par la sociologue et professeure Dominique Schnapper, qu’il a soutenu le 15 juin 1988 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.  A travers cet ouvrage, Paugam analyse le processus social par lequel le statut de pauvre est construit et la manière dont le statut est négocié subjectivement par les individus désignés ‘pauvre’. La disqualification est le processus par lequel un individu acquiert et intériorise le statut de pauvre. Malgré son ancienneté, La disqualification sociale reste un livre de référence pour les travailleurs sociaux qui souhaitent comprendre leur rôle dans la construction du statut du pauvre, ainsi que les attitudes de ce dernier.

Historiquement, la pauvreté a toujours eu un statut humiliant qui la met en marge de la société. Avec l’industrialisation et la montée du capitalisme, la productivité est de plus en plus valorisée, la pauvreté est perçue comme symbole de l’échec social. Si l’assistance prend une place importante dans l’ordre social de l’état de providence, c’est en partie parce que la pauvreté est perçue comme un ‘dysfonctionnement’ , ‘le revers du progrès’ (p16).  Au moment de l'enquête dans les années 80, le département des Côtes-d'Armor était l'un des plus touchés par le chômage de longue durée. Il y avait une émergence de ‘nouveaux pauvres’ issus des catégories populaires qui s’adressaient au CCAS pour la première fois. Le RSA (anciennement RMI) a été créé après l’enquête en 1988.

La disqualification sociale se situe à l’encontre de plusieurs filiations théoriques autour de la pauvreté. Paugam dédie un chapitre entier pour déconstruire la notion de la pauvreté, essentielle pour définir objectivement son objet d’étude. D’après Paugam, la pauvreté n’est qu'une ‘prénotion au sens durkheimien’ (p.22), de plus en plus difficile de définir et de classer. Paugam s’oppose au concept de ‘seuil de pauvreté’, outil pour mesurer la pauvreté, car il ne prend pas en compte le caractère multidimensionnel et fluctuant de la pauvreté. Les théories qui tentent de comprendre la reproduction de la pauvreté, telles que ‘la culture de la pauvreté’ d’Oscar Lewis (1966) ou la thèse structurelle de Anthony Leeds (1971) ne sont pas suffisantes pour comprendre les mécanismes qui participent à la construction sociale de la pauvreté. Paugam prend une autre approche qui s’inscrit dans le prolongement des travaux de Georg Simmel et son ouvrage intitulé Les Pauvres (1908) : Pour Simmel, c'est le fait d’être ‘assisté’ qui détermine le statut de pauvre. C’est la société qui reconnaît et définit par ses institutions l’assistance des pauvres.

L’hypothèse central de La disqualification Sociale est que le pauvre ‘négocie’ son contrat. Cette réflexion théorique, inspiré de Goffman et son ouvrage Stigmate (1963), admet l’hypothèse de la résistance. Pour comprendre la disqualification sociale il faut analyser ‘l'acceptabilité - ou la non-acceptabilité - de la procédure de désignation ou de l’étiquetage’. Les pauvres deviennent acteurs sociaux qui disposent d’une marge de manœuvre dans la négociation de leur désignation, ils participent activement à la définition de leur statut social et la construction de leur identité personnelle. Cette négociation permet en certains cas de ‘résister à la dégradation morale et à la stigmatisation liées à l’infériorité́ de leur statut’ (p.28).  La pauvreté relève alors d'une part de l'étiquetage des pauvres par les institutions sociales qui officialisent leur existence aux yeux de la société et, d'autre part, de l'intériorisation de ce statut par l'individu dans sa construction identitaire.

L’intention de la recherche est double : Premièrement, Paugam analyse le degré de dépendance des populations en situation de précarité́ économique et sociale vis-à-vis des structures institutionnelles e.g. les services d’action sociale.  Deuxièmement, c’est à partir de cette initiale analyse de la ‘condition sociale objective’ que Paugam présente en détail les différents types de ‘sens vécu’ des populations qui occupent les derniers échelons de la hiérarchie sociale. Paugam cherche à établir une correspondance entre la condition sociale objective et l’expérience vécue pour soutenir son hypothèse que le pauvre dispose d’une marge d’autonomie dans la ‘négociation’ de son statut.

Pour analyser le type d’intervention sociale, Paugam établit une méthode de classification prenant en compte plusieurs éléments: le statut juridique, le type d’intervention sociale (ponctuelle, régulière, infra-intervention) et les caractéristiques sociodémographiques déjà connus par les services sociaux du secteur (CAF, CCAS, SDASS). Cette typologie lui permet de distinguer trois types de population en situation de précarité : les fragiles, les assistés et les marginaux. Les fragiles bénéficient d’une intervention sociale ponctuelle, marqués par l’irrégularité de revenu à cause de leur statut juridique inférieur. Les assistés bénéficient d’une intervention sociale régulière ‘plus lourde’, un suivi de type ‘contractuel’ avec les services sociaux. Les marginaux se situent en dehors du dispositif de l’assistance, sans emploi. Les actions des services sociaux ressemblent à un ‘filet de repérage’ (p.32), certains resteront exclus.

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