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La tyrannie du mérite

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Par   •  20 Janvier 2022  •  Dissertation  •  2 383 Mots (10 Pages)  •  328 Vues

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        La tyrannie du mérite

La tyrannie du mérite

        En avril dernier, le président de la république française, Emmanuel Macron, annonçait la suppression de l’ENA (Ecole nationale d’administration) - ou du moins, elle n’existera plus telle que nous l’avons connue - et ce afin d’être accessible au plus grand nombre et de mettre fin à l’élitisme qui la caractérisait, au nom de la méritocratie.

La méritocratie, grand idéal des sociétés démocratiques contemporaines, signifie étymologiquement le pouvoir (kratos) du mérite. Elle se définit comme une hiérarchie sociale fondée sur le mérite. C’est à dire que la méritocratie serait un système politico-social où les privilèges et le pouvoir seraient obtenus par le mérite.

Mais comment alors définir le mérite? Ou plutôt sur quels critères juger le mérite? Car s’il est facile d’en donner une définition de base - à savoir que le mérite serait ce qui rend quelque chose ou quelqu'un digne - il est beaucoup moins aisé de définir sur quoi base-t-on le fait d’être digne mais également digne de quoi? Un individu peut aussi bien mériter un travail, un salaire, une récompense, un prix, un diplôme, une punition, etc., et ce pour des raisons tout aussi diverses : parce qu’il a bien travaillé, parce qu’il est doué, parce qu’il l’a voulu, parce qu’il s’est bien comporté etc. Si la tyrannie se définit comme le pouvoir aux plus méritants, comment définir précisément et de façon juste qui sont les plus méritants.

Si tout le monde promeut l’idéal de la méritocratie, beaucoup oublient le revers de la médaille, et le fait que la méritocratie poussée à l’extrême peut s’avérer en réalité injuste et inégalitaire dérivant sur une tyrannie du mérite. La tyrannie se définit comme un gouvernement absolu et arbitraire. Cette expression de tyrannie du mérite serait alors presque un oxymore. En ayant d’un côté le mérite, censé être gage de démocratie et d’égalité, et la tyrannie. Pourtant, nous sommes bien face à un gouvernement du mérite, tout le monde n’a plus que ça mot à la bouche, mais cela n’est pas sans conséquence, et fait naitre une certaine pression chez beaucoup d’individus.

La mérite, et par extension la méritocratie, sont des concepts récurrents dans tous les discours politiques, de quelque côté que ce soit, de droit comme de gauche. Tous clament la promotion sociale sur la base du mérite, qu’ils entendent comme fruit du travail et de l’étude. Cela sous-entend que grâce au mérite toute personne pourrait sortir de sa condition, en se donnant les moyens d’y arriver. Cela renforce la culture de l’effort et du travail.

Le mérite est aussi une promesse d’égalité des chances. Il persiste l’idée selon laquelle le mérite serait accessible à tous, une idée d’égalité car il suffirait de travailler pour mériter. Mais en réalité le mérite dépend souvent des contextes sociaux et familiaux.

Nous parlons alors ici de tyrannie car ce concept de méritocratie dévalorise implicitement ceux qui ne se seraient pas donné les moyens d’y arriver, cela culpabilise les personnes qui ne seraient pas réussi à sortir de leur condition. Car si tout le monde a les moyens réussir, cela souligne implicitement que ceux qui n’y sont pas parvenus ne s’en sont pas donné la peine.

Mais une société basée sur le mérite serait-elle vraiment plus juste? La parfaite égalité des chances est-elle réellement atteignable? La méritocratie est-elle vraiment réalisée? La reproduction des classes ne subside-t-elle pas? Finalement le mérite ne serait-il pas un mythe? Ou bien le mérite ne serait-il jamais réellement mérité?

Ce sont toutes ces questions auxquelles nous allons tenter de répondre en nous demandant dans quelle mesure sommes-nous soumis au gouvernement sans limite du mérite?

Pour y répondre nous verrons dans un premier temps en quoi le mérite s’est imposé comme pilier de nos démocraties contemporaines (I) avant de démontrer que poussé à l’extrême, cette course au mérite peut dériver en réelle tyrannie du mérite (II).

I. Le mérite comme pilier des démocraties

Nous allons voir comment l’idéal de la méritocratie se fonde dès l’école (A) pour se perpétrer dans le monde professionnel (B).

A. L‘égalité des chances : la méritocratie dès l’école

Tout commence à l’école. En France, la méritocratie est le principe fondateur de l’école républicaine. L’égalité des chances, corollaire de la notion de mérite, est une notion que l’on entend très tôt, dès l’école. Car l’éducation est l’une des conditions de réalisation de cet idéal, celui de méritocratie. Les politiques publiques tendent à favoriser l’égalité des chances, par la lutte contre les discriminations et autres formes de soutien aux élèves les plus fragiles.

Cela se concrétise par des mesures telles que des bourses lycéennes au mérite par exemple. Ce sont des aides versées en complément d’autres bourses étudiantes. Elles sont accessibles, sous conditions, aux élèves ayant obtenus une mention au brevet ou au baccalauréat. Cette aide est versée pour une période de 3 ans, afin d’accompagner l’élève et de lui donner le support financier nécessaire à la poursuite de ses études, afin de compenser l’inégalité qu’il pourrait y avoir avec ses camarades plus fortunés.

Une autre mesure peut être le fait que les frais d’inscription dans certaines grandes écoles supérieures soient proportionnels aux revenus des élèves et de leurs parents, comme c’est le cas par exemple à Sciences Po Bordeaux. Cela est une très bonne chose afin que tous puissent avoir accès à ces écoles, sur la base de leur mérite, et que l’aspect financier ne soit pas un frein à leurs ambitions scolaires et professionnelles. Dans cette même optique, Sciences Po Bordeaux un partenariat dénommé « Je le Peux Parce que Je le Veux » (JPPJV) avec des lycées partenaires de Nouvelle Aquitaine d’accompagner ces lycéens dans leur préparation au concours d’entrée en leur offrant une solide préparation et des frais réduits à l’examen.

Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a également fait parvenir à de nombreuses grandes écoles une circulaire leur demandant de mettre en place des mesures concrètes favorisant l’augmentation de la proportion d’étudiants issus des milieux les moins favorisé. Déjà avant elle, le Président Jacques Chirac avait demandé aux Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) d’augmenter leur proportion d’élèves boursiers dans leurs classes. Cela se traduit parfois par l’instauration de quotas réservés aux élèves moins favorisés. Ces mesures sont très critiquées, car font de la discrimination positive, mais cela permet à certains élèves d’intégrer des grandes écoles, qu’ils n’auraient pas pu intégrer sans ces aides.

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