La séparation Des Pouvoirs A T Elle Un Sens En 2014 ?
Rapports de Stage : La séparation Des Pouvoirs A T Elle Un Sens En 2014 ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar marionloney • 13 Avril 2015 • 2 493 Mots (10 Pages) • 1 248 Vues
Dissertation : La séparation des pouvoirs a-t-elle encore un sens en 2014 ?
Comme nous l’a rappelé à l’automne dernier l’épisode du shutdown aux États-Unis, une neutralisation trop grande du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif peut s’avérer fatale à la bonne marche de l’État. Une certaine actualité constitutionnelle nous remet ainsi en mémoire, si tant est que cela puisse être oublié, le fait que dans un régime présidentiel, où la séparation des pouvoirs est censée être rigide, les différents pouvoirs sont amenés à collaborer. Sans même convoquer l’actualité, un rapide coup d’œil sur l’histoire des idées politiques suffit à établir que la séparation des pouvoirs est tout sauf une vérité absolue et unanimement reçue par la doctrine. Depuis que ce grand principe a trouvé son expression cardinale dans De l’esprit des lois (« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ») et qu’il est devenu l’étendard du libéralisme politique, la séparation des pouvoirs a fait couler beaucoup d’encre dans la littérature juridico-politique, Rousseau lui-même allant jusqu’à la comparer à ces « charlatans du Japon, [qui] dépècent, dit-on, un enfant aux yeux des spectateurs, puis jetant en l’air tous ses membres l’un après l’autre […] font retomber l’enfant vivant et tout rassemblé » (Du contrat social, livre II, chapitre 2). D’autre part, et ce dès la Révolution française, la séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire n’a pas été comprise comme une distribution proportionnée, le pouvoir judiciaire n’étant pas traité, en fonction de l’interprétation qu’on faisait de la formule de Montesquieu du juge comme « puissance nulle », comme étant au même niveau que les deux premiers.
On peut ainsi retenir deux choses. Tout d’abord, que la séparation des pouvoirs s’entend de manière plurielle, y compris dans son objet : on parle ainsi de séparation des pouvoirs souple ou rigide, verticale ou horizontale, fonctionnelle ou organique, spirituelle ou temporelle, étatique et extra-étatique. Ensuite que la formulation de la question posée rend nécessaire une interprétation (« a-t-elle encore un sens ») de cette diversité, et appelle à un état des lieux de cette question à la lumière de ce que nous savons d’elle aujourd’hui (« en 2014 »). Si le sujet comporte une indication temporelle qui invite ainsi à conjoindre synchronie et diachronie, actualité et histoire, il ne fait en revanche référence à aucune borne géographique, ce qui signifie qu’il convient d’intégrer à la réflexion aussi bien les pays qui peuvent s’appuyer sur plusieurs siècles de pratique de la démocratie que les pays où les libertés politiques sont d’apparition plus récente. Afin de savoir si la séparation des pouvoirs n’est pas devenue une pièce archaïque qu’il faudrait ranger au musée des vieilleries constitutionnelles, il faut donc se demander en quoi cette dernière, dans sa forme horizontale/verticale, peut être amenée à conditionner la démocratie et réciproquement.
Pour ce faire, nous analyserons plus en avant l’empreinte de la séparation des pouvoirs sur la vie politique actuelle (I). Nous rendrons compte de sa contemporanéité et insisterons particulièrement sur la manière dont elle est effectivement pratiquée. Car il ne faudrait pas omettre qu’il s’agit d’une théorie, et que de ce fait, l’expression « séparation des pouvoirs » ne prend son sens qu’à travers ses interprètes. Par ailleurs, nous verrons que la séparation des pouvoirs s’est enrichie de nouveaux épithètes. Si aujourd’hui la séparation des pouvoirs au sens de Montesquieu est dite « horizontale », c’est que des auteurs ont fait apparaître une séparation des pouvoirs « verticale ». Ce n’est pas vraiment qu’ils ont découvert des aspects ignorés de cette théorie, comme si celle-ci était restée un insecte mal connu de nos aïeuls. La motivation de ceux-là fut plutôt de conférer à cette théorie une efficacité qui fût adaptée aux nouvelles formes prises par le pouvoir et permît à la démocratie de s’épanouir différemment (II).
I. – La séparation horizontale des pouvoirs : une garantie équivoque de la démocratie
L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce en substance qu’un État dont les pouvoirs ne sont pas séparés, ne peut pas prétendre avoir de constitution. Brandie tout d’abord par les libéraux, la séparation des pouvoirs fut progressivement tenue pour synonyme de démocratie. Rien de plus facile, si l’on souhaite militer pour la démocratie, que de protester en faveur de cette théorie. Il n’en reste pas moins que ce lieu commun accuse quelques vieillesses (A). Au demeurant, l’on oublie parfois qu’il s’agit d’une théorie : comme toutes ses semblables, elle n’est incarnée qu’autant que l’on la pratique. Or les humeurs politiques ont souvent oblitéré ce que cette théorie suppose de tempérance (B).
A. – Une séparation aux effets tronqués par l’existence des partis politiques
Maurice Duverger a pu souligner que, quel que soit le sens qu’on lui donnât, la séparation des pouvoirs distinguait classiquement le Parlement du Gouvernement (auquel on peut associer le chef de l’État). Or l’existence des partis politiques fait qu’un même parti (ou une coalition de partis) peut dominer et au Parlement et au Gouvernement. Les affinités politiques qui se devinent entre les parlementaires et les membres du gouvernement atténuent nécessairement le mécanisme de la séparation des pouvoirs. Car celui-ci suppose que le Parlement et le Gouvernement exercent l’un vis-à-vis de l’autre un contrôle afin de modérer l’action de l’organe concurrent. C’est pourquoi, afin de tenir compte de cette évolution, Maurice Duverger proposait de ne plus opposer le Parlement au Gouvernement, mais d’y substituer cette autre opposition : le pouvoir de l’État (incarné par le parti majoritaire) et le pouvoir tribunitien (incarné par les partis de la minorité). Celle-ci serait plus à même, selon son promoteur, de rendre compte du fonctionnement des institutions politiques. Alors que la séparation des pouvoirs dresse un antagonisme là où, à raison des partis politiques, règne désormais la connivence, Duverger proposait de déplacer cette frontière afin de mieux faire saillir la réalité politique. L’équilibre politique ne se situerait plus à partir des contours institutionnels (Parlement, Gouvernement),
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