Idéal démocratique, inégalités et justice sociale
Mémoire : Idéal démocratique, inégalités et justice sociale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tink21 • 4 Janvier 2014 • 3 318 Mots (14 Pages) • 950 Vues
Idéal démocratique, inégalités et justice sociale
Dossier documentaire
(Classe de Terminale)
Document 1
« La société américaine proclame la valeur de tout être humain. Elle garantit à tous les citoyens l’égalité devant la justice et les droits politiques. Le privilège d’une prompte intervention des sapeurs pompiers et de l’accès aux monuments publics est le même pour chacun. Tous les citoyens américains sont membres d’un même club. Pourtant, nos institutions nous disent aussi qu’il faut “trouver un emploi ou crever de faim”, “réussir ou souffrir”. Elles nous incitent à nous pousser de l’avant pour surpasser notre prochain sur le plan économique, après nous avoir enjoint de respecter l’égalité sociale. Et les primes qu’elles leur accordent permettent aux gros gagnants de mieux nourrir leurs animaux domestiques que les perdants ne peuvent nourrir leurs enfants.
Deux poids, deux mesures, donc, dans une démocratie capitaliste qui prétend tendre à un système politico-social égalitaire et qui, en même temps, creuse des disparités choquantes sur le plan du bien-être économique. Ce mélange d’égalité et d’inégalité frise parfois l’incohérence, voire même l’hypocrisie. »
Okun Arthur, Égalité versus efficacité,
Paris, Economica, 1982, p. 1.
Document 2
Déloye Yves, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 1996, coll. « Repères ».
Document 3
« Si l’égalité empirique de tous est probablement l’ennemie de la liberté, l’aspiration à l’égalité suppose la liberté. Dans les sociétés démocratiques, les individus ne peuvent prétendre à l’égalité que s’ils sont libres, que si, comme le dit Rousseau, “tout homme naît libre et maître de lui-même”. Cette maîtrise de soi, cette capacité d’être souverain, n’est pas la garantie d’une égalité réelle, mais elle est la condition d’une égalité des chances et donc d’inégalités justes parce qu’issues d’une compétition entre égaux. C’est en ce sens que la liberté et l’égalité qui peuvent être si souvent opposées, ont aussi partie liée. »
Dubet François, Les Inégalités multipliées,
La Tour-d’Aigues (Vaucluse), Éditions de l’Aube, 2001, coll. « L’aube intervention ».
(Plusieurs documents : Saint-Upéry sur l’utilitarisme, Van Parijs sur le libertarisme, sur le marxisme éthique et sur l’égalitarisme libéral.)
(Document(s) sur Egalité et efficacité économique)
Document 4
L'utilitarisme est en premier lieu la tentative de transformer l'éthique en une science positive de la conduite humaine, science dont Bentham voulait qu'elle soit .exacte comme la mathématique-. Aux impératifs moraux d'origine religieuse ou métaphysique se substitue la considération exclusive des mobiles réels qui déterminent l'action humaine et qui peuvent se résumer à la recherche du plaisir ou du bien-être (1' « utilité ») et au rejet de la douleur et du malheur. Le .calcul des utilités-, qui permet de maximiser le bonheur global, a deux autres attraits : il apparaît radicalement égalitaire, au sens où le bien particulier d'un individu n'a pas plus d'importance que celui de n'importe quel autre ( we count everyone for one, no one for more than one., disait Bentham); il se présente comme une morale du résultat qui n'obéit pas à des règles abstraites mais à une analyse détaillée des conséquences concrètes réelles ou possibles des actions individuelles et/ou des dispositifs institutionnels (c'est pourquoi l'on parle d'une éthique conséquentiaIiste). Tout cela semble faire de l'utilitarisme un candidat idéal pour orienter une théorie économique du bien-être. Mais la doctrine utilitariste doit pour ce faire surmonter un certain nombre de difficultés intrinsèques.
La première est la définition du bien-être, du bonheur ou de la satisfaction. Le philosophe américain Robert Nozick a élaboré l'argument le plus dévastateur à l'encontre de la conception hédoniste du bonheur qui informe l'utilitarisme originel. Imaginons, dit-il, que des neuropsychologues nous attachent à une «machine d'expérience» qui nous injecte certaines drogues. Ces drogues créent les états de conscience les plus agréables qu'on puisse imaginer. Si le plaisir comme tel était notre bien suprême, nous voudrions tous être ainsi maintenus dans un état de volupté perpétuelle. Mais il est clair que, loin d'y voir la meilleure vie que nous puissions souhaiter, la plupart des gens considéreraient cette forme d'existence comme totalement vaine et dénuée de sens. Notons bien que la machine peut reproduire non seulement des plaisirs grossiers, mais des états mentaux plus complexes et éthérés, comme les angoisses stimulantes de la création artistique. Le problème, c'est que nous ne souhaitons pas seulement jouir de la sensation de créer de l'art, nous voulons créer de l'art, et il en va de même pour toutes les activités auxquelles nous accordons une valeur. […]
Tout cela ne nous dit toujours pas comment mesurer les plaisirs, la satisfaction des désirs ou l'intensité d'une préférence. En l'absence d'un «thermomètre moral » ou d'un «hédonomètre efficace », l'utilitarisme perd beaucoup de son attrait. Mais, quand bien même on disposerait d'un tel instrument, cela ne résoudrait pas un autre problème : l'égalitarisme apparent de la doctrine ne se reflète pas nécessairement au niveau du résultat des calculs d'utilité. […]
Un des reproches les plus fréquents fait au calcul utilitariste, c'est qu'on pourrait sacrifier la liberté ou même la vie d'un individu pour maximiser l'utilité de tous les autres. Prenons un exemple de la vie réelle: dans certains pays d'Amérique latine, la police est tellement incapable d'assurer la sécurité des citoyens les plus pauvres (les riches disposant de polices privées) que les actes d'autodéfense débouchant sur des lynchages brutaux se multiplient. On pourrait considérer qu'avec la disparition d'un
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