Réflexion et pertinence sur les limites imposées par le service à un patient.

Lieu

Description de la situation rencontrée ou vécue par l’étudiant

Remarques, Questionne-

ments

Quels sont vos étonnements ?

Quelles questions vous posez-vous/votre ( la ) pratique ?

La situation s’est déroulée dans une clinique de soins psychiatriques en secteur adolescent.  Les patients sont alors âgés de 12 ans à 18 ans et sont là, en grande majorité,  pour des troubles du comportement souvent associés à des histoires de vies et de familles difficiles.

Pendant la deuxième moitié de mon stage, un patient a été le sujet récurrent de conversations entre soignants durant les réunions. Le patient est Monsieur P âgé de 15 ans et hospitalisé pour ingestion médicamenteuse volontaire sans avoir eu la réelle intention de se nuire. L’acte résulte plutôt d’un agacement après des disputes répétées avec son père. Monsieur P est un patient très expressif et qui a su trouver rapidement ses repères dans le service. C’est un jeune homme qui a fait récemment son comming-out et qui l’assume pleinement. Son entourage l’a très bien accepté autant sa famille que ses amis.

C’est un garçon à l’attitude très efféminée et qui va l’amplifier tout au long de son hospitalisation. Il dira même qu’il « se sent femme à l’intérieur ». L’objet de toute l’attention des soignants est que Monsieur P va commencer à se maquiller. Au début d’une façon discrète pour glisser petit à petit vers un maquillage beaucoup plus visible. Les soignants d’une voix quasiment unanime lui interdisent, ce qu’il ne supporte pas et ne comprend pas. La psychologue est la seule à être plus encline à la discussion. La situation va faire que d’un côté le patient va être de plus en plus provocateur et de l’autre côté, les soignants vont être plus focalisés sur ce problème pendant les réunions. Le soutien des autres patients, prenant sa cause au sérieux, va avoir pour effet de casser la dynamique de groupe et les liens soignants/soignés.

Me voilà dans une situation délicate où en tant qu’étudiant cela me permet d’avoir une relation privilégiée avec certains patients et notamment Monsieur P. Cependant, mon devoir de futur soignant est aussi d’agir le mieux pour le bien du patient. Mon avis est demandé par mon tuteur de stage. Je suis totalement d’accord avec les arguments avancés mais je dois aussi en faire part au patient et les lui expliquer le mieux possible. Le voyant mal pendant les pauses cigarettes, j’essaye de lui dire les arguments de tout le staff ainsi que les miens. Monsieur P les entend mais ne les comprend pas, même s’il ne les prend pas mal venant de ma part. Je trouve néanmoins que ses arguments n’en sont pas moins pertinents et peuvent laisser place à un débat de société passionnant.

Cette analyse de situation me permet de porter un regard extérieur sur les événements décrits mais aussi de décrypter ma propre démarche et mon positionnement :

• En tant qu’étudiant ai-je su poser les limites nécessaires pour pouvoir conseiller au mieux le patient en tant que soignant ?
• Qu’elles sont les limites à imposer à ce patient malgré sa propre envie de se réaliser ?
• Est-ce que les arguments mis en avant par toute l’équipe soignante sont pertinents et peuvent emmener le patient à une réflexion ?

L’équipe justifiait leurs positions par plusieurs idées, comme le cadre imposé dans un service à respecter, à ne pas heurter la sensibilité d’autrui lorsqu’on vit en société et pour aussi protéger le patient lorsqu’il se retrouvera à l’extérieur.

Il est important aussi de prendre en compte le contexte du cadre et aussi du patient en question :

• Le patient est atteint de troubles du comportement de plus est dans la période d’adolescence, est-ce le moment où il peut être le plus réceptif ?
• Cette période dans l’âge n’est-elle pas propice à cette réaction contradictoire et de révolte envers l’équipe soignante ?
• C’est un jeune garçon se sentant femme, est on en mesure de comprendre ce qu’il ressent ou ce qu’il souhaite ?

Monsieur P avançait comme arguments qu’il ne choquait personne, ce qui est vrai concernant les autres patients. Il ne souhaitait pas non plus être tolérant et donc arrêter de se maquiller avec des gens qui pouvaient être intolérants avec sa façon de vivre.

Cependant, ce n’était pas lui rendre service de le laisser faire sans rien lui dire. Dans une société où la pluralité est maitre mot, ne pas lui présenter les dangers qui l’attendent dehors avec ce maquillage plus que visible ne serait pas correct de la part de soignants.

Mais les critiques de l’équipe soignante ne sont pas au fond sur l’apparence que peut avoir ce jeune homme mais plutôt sur sa mise en scène. Les yeux de monsieur P étaient très maquillés avec un rouge à lèvre très voyant. C’est plus l’hyper sexualisation et l’attitude ultra provocatrice qui lui était reprochée.

• Comment expliquer dans ce cas à un garçon qui est en pleine période de recherche d’identité sexuelle et dans l’exploration de son corps que sa façon d’être peut heurter d’autres personnes ?

Difficultés,

points à approfondir,

réajustements envisagés

Dans cette situation j’ai essayé, grâce à mon titre d’étudiant me rendant plus disponible, de mettre en avant les arguments de toute l’équipe soignante. Ces arguments je les partageais aussi d’ailleurs pour éviter que ce patient ait des ennuis dans l’avenir.

J’ai trouvé quand même que ma situation était difficile pour me positionner. Comme dit juste avant, le fait d’être étudiant et surement dû à mon âge aussi, cela me permettait d’avoir un contact plus facile avec les adolescents. Il a été donc délicat d’expliquer à monsieur P ce qui lui était reproché en lui disant que moi aussi j’étais d’accord avec l’équipe soignante, sans briser cette relation de confiance qui pouvait exister.

Analyse : rechercher des  connaissances appropriées, proposer des hypothèses……………

En quoi cette situation est-elle apprenante ? qu’est- ce que vous comprenez de la situation ?

Quelles connaissances avez- vous recherchées ?

Qu’avez-vous appris grâce à ces recherches ?

Une problématique ou hypothèse se dégage-t-elle ?

Cette situation m’a permis de comprendre la complexité des interactions humaines qui peuvent exister dans un lieu de soin. Lieu représentant par ailleurs un mini simulacre de société. J’ai pu aussi constater la difficulté d’interagir dans la vie, l’envie et le souhait d’une personne. Se maquiller peut paraitre futile ou superficielle pour quelqu’un mais dans le cas de ce patient il en ressortait le besoin de se réaliser et de se montrer-t-elle qu’il se sent intimement. Les débats de société sur les personnes transgenres sont contemporains, enflamment les sentiments et les avis divergents à ce sujet. J’ai pu comprendre la peine ressentie par ce garçon quant à la non approbation de l’équipe soignante concernant son maquillage.

Cependant, il est vrai que la réalité de notre société montre ses limites à la tolérance de certaines personnes. Il est d’ailleurs triste de faire ce constat, que certaines personnes peuvent avoir un comportement violent de rejet. Pour le bien de ce jeune garçon il est quand même préférable de le mettre en garde contre ces dangers. Mis à part ça, il est aussi important de rappeler que dans certaines structures il y a des règles à respecter même si cela déplait. Par exemple, on peut comparer ce lieu de soin avec le monde du travail et parfois une certaine tenue ou présentation sera exigée. Il est important ainsi de rappeler que les souhaits individuels ne peuvent pas toujours être réalisés ou du moins ils le peuvent être mais dans les moments opportuns. Ces limites imposées, dans ce cas, ont aussi valeur thérapeutique pour le patient.

Reste ma position, balançant un peu entre les deux parties. Le ressenti et la façon de vivre la situation du jeune patient me touche. L’avis plus tranché de l’équipe soignante me parait aussi logique par rapport à tous ce que j’ai pu dire juste avant. Ainsi parfois, il est nécessaire dans le cadre d’une thérapie de mettre une limite franche et indiscutable même si cela peut nuire ponctuellement la relation avec le patient.

Où sont donc les limites à imposer à un patient malgré que ces limites soient contre les souhaits du patient ?

Dans cette situation l’adage « la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres » prend tout son sens.