Y-a-t-il autant de transitions démocratiques que de systèmes démocratiques en Occident ?
Dissertation : Y-a-t-il autant de transitions démocratiques que de systèmes démocratiques en Occident ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Monica Ayad • 3 Novembre 2023 • Dissertation • 2 722 Mots (11 Pages) • 343 Vues
Dissertation : Y-a-t-il autant de transitions démocratiques que de systèmes démocratiques en Occident ?
La définition la plus populaire de la démocratie reprend la formule d’Abraham Licoln « C’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Or, cette dernière n’explique pas à partir de quel moment, on peut qualifier un régime comme démocratique. En effet, Schumpeter et Lipset propose une définition procédurale et minimaliste de la démocratie qui insiste sur la dimension du conflit et lutte concurrentielle entre les partis politiques par le biais des élections populaires. Noberto Bobbio l’amende dans les années 2000, pour qu’elle inclut le caractère participatif des citoyens pour arriver à des décisions collectives. Or, cette définition a été critiquée pour ne pas avoir pris en compte la question des libertés ni la démocratie économique et sociale qui relèvent le plus de polémique. C’est pour cela que Robert Dahl ou encore Larry Diamond insistent sur la « variété de libertés » qu’implique la démocratie, telles que les libertés d’association, d’expression, de la presse, ou encore de culte. La démocratie est alors un régime politique, dont son système institutionnel repose sur la reconnaissance du suffrage universel et la participation de tous les citoyens à la formation des décisions politiques par le biais d’élection mais aussi un régime qui suppose un multipartisme, garant d’une expression du désaccord avec le pouvoir en place et assure l’alternance politique au pouvoir, si ce dernier est mis en minorité.
D’après ce cadre institutionnel, la majorité des régimes aujourd’hui en place sont démocratiques. Or, beaucoup de régime obéit à ce cadre apparent de la démocratie, mais avec lequel coexiste des traits de dégradation de la démocratie comme un degré élevé de la violence politique, fraudes électorales, pour qu’elle perd finalement la pertinence de sa qualification en tant que démocratique.
Pour comprendre ce paradoxe démocratique, il faut s’interroger sur le processus de démocratisation de ces pays, qui est notamment étudié par Samuel Huntington. Il étudie 3 vagues de démocratisation : entre 1820-1920 en Europe occidentale et aux Etats-Unis, puis après la seconde guerre mondiale suite à la décolonisation et enfin à partir des années 1970 avec le Portugal et l’Espagne et les pays de l’Europe de l’Est. Ces processus sont étiquetés comme des transitions démocratiques, donc des pays qui sont passés graduellement d’un régime autoritaire, voire totalitaire, a un régime démocratique. En effet, ce passage est favorisé par plusieurs conditions dites structurelles, énumérés par Lipset dans « les conditions de la démocraties » ou des trajectoires propres à chaque état, dépendantes des acteurs engagés et les conditions conjoncturelles. Ces transitions sont aujourd’hui remises en question, notamment avec l’évaluation de la qualité de la démocratie, comprenant le degré de liberté et d’égalité politique dans le cadre de l’état de droit, la participation effective des citoyens dans le suivi des décisions prises ainsi que la réactivité des élus. La multiplication des reflux démocratiques après les vagues de démocratisation montre également que le processus de transition n’est pas linéaire et une fin en soi, mais il reste fragilisé.
On peut alors se demander : Comment le passage à une démocratie stable reste incertain malgré les coïncidences des conditions favorables à son instauration ?
Dans un premier temps, on étudiera les conditions structurelles ainsi que conjoncturelles favorisant la démocratisation, puis dans un deuxième temps, on verra que la transition considérée comme achevée par l’institutionnalisation du régime peut être mise en défis par l’analyse qualitatif de la démocratie.
- Diversité des trajectoires pour l’instauration d’un régime dit « démocratique »
L’approche déterministe de la transition démocratique suppose qu’il existe des causes systémiques d’ordre économiques, sociales et culturelles, conduisant à construire un trajectoire historique typique, ayant des affinités entre pays occidentaux et régimes démocratiques. Or, ces facteurs structurelles macro orientées ne sont qu’une manière d’expliquer certaines trajectoires vers la démocratie. En réalité, il existe une diversité de trajectoires empruntant des facteurs conjoncturelles, propres à chaque pays, qui permet de comprendre le passage à la démocratie.
- Des conditions structurelles, favorisant le passage à la démocratie, mais insuffisante pour inclure l’ensemble des transitions
Des politologues comme Seymour Martin Lipset et Barrington Moore se penche sur la question de l’existence des multiples préconditions a la démocratie. En effet, Jean-Louis Thiebault aborde l’argument de Lipset dans son ouvrage « Lipset et les conditions de la démocratie » sur la corrélation entre le développement économique et la démocratie. Il montre que plus le produit national brut par habitant augmente, plus les chances de la survie de la démocratie augmente. Dans « dynamique et stratégie de la démocratisation », Guy Hermet soutient son hypothèse en mettant en avant « qu’une population souffrant d’inégalités abyssales ressentait des besoins plus pressants que celui de la démocratie ». Par une analyse statistique, son hypothèse a été vérifiée même si elle pose toujours des limites. En effet, les pays producteurs de pétrole constituent l’exception à cette généralisation puisqu’elle est riche mais non démocratique. Lipset explique qu’une base centralisée de la richesse économique et du pouvoir politique ne permet pas la promotion de la démocratie. C’est également le cas de la Chine dont son capitalisme est basé sur une économie de marche sans appartenir à la démocratie. De même, un développement matériel entrainant une instabilité sociale est considéré comme contraire à l’enracinement de la démocratie selon Guy Hermet.
Autre facteur structurel fondamental à la démocratie, c’est la structure sociohistorique qui permet a amorcer un passage à la démocratie. En effet, dans « les origines sociales de la dictature et de la démocratie », Barrington Moore explique que c’est la relation entre les trois classes sociales : paysans, l’aristocratie et la bourgeoisie qui permet de s’autonomiser de l’état, pour s’imposer à lui et permettre la démocratisation. Il met l’accent sur le rôle de la bourgeoisie, qui permet de contrebalancer le pouvoir aristocratique foncier, qui cherche à imposer sa domination sur la paysannerie. C’était grâce a la révolution bourgeoise que les paysans ont pu s’émanciper des structures féodales et que les aristocrates terriens perdent leurs privilèges. En Grande-Bretagne, l’alliance entre l’aristocratie libérale, différente de celle foncière, la bourgeoisie contre la monarchie qui était le moteur de la démocratisation.
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