Pouvoir de l'employeur et droit fondamentaux du salarié
Commentaire d'arrêt : Pouvoir de l'employeur et droit fondamentaux du salarié. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ClaraLopz • 10 Novembre 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 101 Mots (9 Pages) • 1 067 Vues
Commentaire d’arrêt de la décision n° 00-42401 P, du 26 Novembre 2002, de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation.
« Les moyens de preuve permettent la recherche de la vérité »
Cet arrêt est un arrêt du 26 novembre 2002 de la CCASS, chambre sociale, c’est un arrêt de cassation qui porte sur le respect de la vie privée en dehors du temps de travail, plus précisément de la filature d’un employé. Quels sont les faits de l’espèce?
Mme X avait été engagée, le 6 janvier 1993, en qualité de déléguée spécialiste exclusif par la société Wyet-Lederlé exploitant un laboratoire pharmaceutique. Elle devait exercer son activité dans un secteur géographique déterminé selon les fonctions définies par l'article 1er de l'avenant relatif aux visiteurs médicaux de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique. Elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 juillet 1997 aux motifs de fausses déclarations d'activité et de réunion d'information médicale les 12 et 13 juin 1997 et de fausses déclarations de frais révélés à la suite d'un contrôle effectué par un supérieur hiérarchique qui s'est posté à proximité de son domicile les deux jours précités. Elle a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de remboursement de frais, d'indemnités de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’Appel de Nancy, par arrêt du 23 février 2000, a débouté la salariée de la totalité de ses demandes au motif que le licenciement procédait d'une faute grave. La cour d'appel s'est fondée, pour retenir l'existence d'une faute grave à l'encontre de la salariée, d'une part, sur le rapport établi par son supérieur hiérarchique dressé à la suite d'une filature menée à l'insu de la salariée, alors que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés durant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été préalablement porté à leur connaissance et, d'autre part, sur des attestations de médecins et sur le relevé de codes télématiques obtenus uniquement sur le rapport de filature, moyen de preuve illicite. La salariée a formé un pourvoi fondé sur un moyen unique en deux branches pris de la violation des articles L. 121-8 du code du travail et 9 NCPC
La question qui peut être posé par cet arrêt est : est-ce que la filature d’un salarié hors de son temps de travail peut elle constitué un moyen de preuve pour licencier une salarié ?
Au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 NCPC et L. 120-2 du code du travail et « attendu qu'il résulte de ces textes qu'une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur », la Cour de Cassation casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy.
Cet arrêt est donc en continuité avec la jurisprudence antérieure concernant le refus de la filature comme un mode de preuve licite, mais il se distingue car il ne se base plus sur les mêmes éléments pour qualifier ce mode de preuve illégal, et par cela devient plus critiquable car accorde un droit supérieur au salarié. Nous allons donc voir dans une première partie le changement de fondement pour définir le caractère illicite (I), et dans une seconde partie nous verrons que cette décision peut être critiquable du point de vue du droit (II)
I) Changement de fondement pour définir le caractère illicite
Dans cette première partie du développement, nous allons voir que le juge ne se base plus sur le fait que cette filature ait été mentionné au salarié (A), mais elle se base sur le respect de la vie privé du salarié (B), en dehors de son activité professionnelle.
A) illicéité de la preuve résultant de l’information préalable du salarié
Les premiers arrêts condamnant certains procédés de surveillance des salariés se plaçaient sur le terrain de la déloyauté à user de dispositifs mis en place à l'insu des salariés. Le 20 novembre 1991, la chambre sociale avait ainsi affirmé : « si l'employeur a le droit de contrôler l'activité des salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite ». Et c'est sur la même idée de dispositif de contrôle non porté préalablement à la connaissance des salariés que les arrêts du 22 mai 1995 et 4 février 1998 avaient fondé le caractère illicite de la filature d'un salarié. On retrouve la même argumentation à propos du caractère illicite de la preuve reposant sur le rapport d'une société de surveillance ayant opéré à l'insu du salarié (Soc. 15 mai 2001).
Si les arrêts de 1991 et 1998, d'une part, et celui de 2002, d'autre part, parviennent à la même solution : le caractère illicite de la preuve obtenue grâce à une filature du salarié, c’est donc au terme de raisonnements d'un esprit sensiblement différent. Les premiers arrêts, en effet, ne portaient pas condamnation en soi d'un mode déterminé de surveillance, en l'occurrence la filature, mais subordonnaient la licéité de la preuve en résultant à l'information préalable des salariés, au demeurant le respect de cette exigence en matière de filature ruine tout intérêt de celle-ci pour l'employeur.
Cette manière de poser le problème peut s'appuyer, non seulement sur l'exigence de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, comme de tout autre contrat, mais sur des dispositions particulières du Code du travail. Depuis une loi du 31 décembre 1992, l'article L. 121-8 dispose : « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ». Et l'article L. 432-2-1 prévoit que « le comité d'entreprise est informé et consulté
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