Peut-on dire qu'un premier ministre dans un régime parlementaire a plus de pouvoir qu'un président américain?
Dissertation : Peut-on dire qu'un premier ministre dans un régime parlementaire a plus de pouvoir qu'un président américain?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Madeline Humbert • 8 Décembre 2018 • Dissertation • 2 713 Mots (11 Pages) • 1 565 Vues
Sujet 4 : Peut-on dire qu’un premier ministre dans un régime parlementaire a plus de pouvoir qu’un président américain ?
Selon le mot de Theodore Roosevelt, la notion d’exécutif unifié confère au président américain l’autorité d’un roi et d’un premier ministre, à laquelle il convient d’ajouter, celle du prince de l’univers, compte tenu des responsabilités internationales des Etats-Unis.
Ces mots évoquent donc le pouvoir immense du président des Etats-Unis : un pouvoir délimité par une constitution. En effet, la Constitution américaine de 1787, première constitution écrite au monde, est composée de 27 amendements relatifs à la condition des personnes et à l’organisation des pouvoirs publics. Elle apparaît plus de 10 ans après la déclaration unilatérale d’Indépendance : c’est le temps qu’il a fallu aux treize Etats issus d’anciennes colonies anglaises pour sentir le besoin de nouer des liens fédéraux solides. Le texte est parvenu à concilier la liberté des individus et des Etats membres, l’autorité de l’exécutif et le respect de la volonté populaire. De fait, la Constitution des Etats-Unis a souvent été imitée, servant de modèle à l’Amérique Latine. Elle a assuré le passage d’un ensemble de treize anciennes colonies à économie agricole, à l’hyperpuissance dominant le monde, en définissant ce qui va devenir le régime présidentiel américain. Ce régime repose sur la stricte séparation des pouvoirs : les pouvoir législatif et exécutif sont indépendants et ne peuvent se révoquer l’un et l’autre. Par ailleurs, le Congrès, qui détient le pouvoir législatif et le président qui détient le pouvoir exécutif sont élus avec deux modes de scrutins différents. L’expression « régime présidentiel » est une source d’ambiguïtés car elle laisse entendre que le chef de l’exécutif aurait une prééminence sur les autres organes politiques dans l’organisation politique et administrative de l’Etat. Or, même si le Président dispose de pouvoirs très importants et qu’il est une des pièces maîtresses du système politique, ses pouvoirs se trouvent tout de même limités et contrôlés.
Paradoxalement, les pouvoirs d’un Premier ministre dans un régime parlementaire de type britannique apparaissent comme plus importants que ceux du chef de l’Etat dans un régime présidentiel. Le régime parlementaire est un régime politique qui est fondé sur une séparation souple des pouvoirs. Contrairement au régime présidentiel, cela signifie qu’il repose sur une collaboration des pouvoirs, et que le gouvernement est responsable devant le Parlement. Ainsi, on distingue les organes exécutifs (le chef de l’Etat et le gouvernement) et législatifs (le Parlement), qui sont tout de même incités à collaborer, car le Parlement peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, tandis que l’exécutif peut dissoudre le gouvernement. Le Parlement peut être divisé en deux chambres, comme en Angleterre, où il est divisé entre la Chambre des Lords et la Chambre des Communes. On parle alors de système bicaméral. A l’inverse, nous pouvons aussi trouver un système monocaméral, comme les régimes parlementaires au Danemark, ou en Suède. Par ailleurs, tous les régimes parlementaires européens n’ont pas la même histoire. Certains sont le résultat d’une évolution d’un régime monarchique vers la démocratie en optant pour le régime parlementaire comme l’Angleterre, d’autres ont été instaurés après la Seconde Guerre mondiale pour stabiliser les Etats vaincus, comme en Allemagne ou en Italie. Ce modèle apparaît donc en Angleterre, avec le modèle de Westminster, et va devenir la référence pour beaucoup d’Etats par la suite. En effet, dans ce pays, le roi est contraint de transmettre certains droits au peuple dès 1215, avec la Grande Charte. L’ancêtre du Parlement, le « Model Parliament » apparaît dès 1265. Par la suite, l’institution parlementaire n’a cessé d’accroître sa puissance face au roi, au cours d’un processus de plusieurs centenaires qui aboutit en 1689, après la révolution, sur l’instauration d’un régime parlementaire. Dans ce régime, le Premier Ministre est donc le chef du gouvernement, de fait à la tête du pouvoir exécutif. On dit qu’il est doté d’une majorité parlementaire lorsqu’il est soutenu par une majorité des membres du parlement : le parti auquel il appartient est représenté de façon majoritaire au Parlement.
Bien qu’ils aient des statuts différents, et que le président américain semble avoir plus de libertés quant à l’exercice de ses pouvoirs, le pouvoir d’un premier ministre doté d’une majorité parlementaire est tout de même très important. Le sujet nous invite à comparer les pouvoirs de ces deux personnages politiques, qui s’insèrent chacun dans un paysage politique spécifique.
Aussi, il est intéressant de se demander dans quelle mesure peut-on dire qu’un premier ministre doté d’une majorité parlementaire a plus de pouvoirs qu’un président américain.
Dans une logique comparatiste, nous verrons tout d’abord l’importance de ces personnages dans leurs régimes respectifs (I), puis, nous analyserons les limites à l’exercice de leurs pouvoirs (II).
- Le Premier ministre et le Président : deux membres indispensables dans leurs régimes respectifs
Le Premier ministre dans un régime parlementaire et le Président américain sont légitimes différemment (A), mais ont finalement des prérogatives relativement similaires (B).
- Question de la Légitimité
Le régime présidentiel comme le régime parlementaire sont deux types de démocratie. La démocratie est un régime politique définie par Abraham Lincoln comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cela signifie que le gouvernement tient sa légitimité dans sa capacité à représenter le peuple, et que la souveraineté n’est que l’exercice de la volonté générale selon Rousseau dans Du contrat social. On peut étudier cette légitimité grâce aux modes de scrutins. Dans un premier temps, analysons l’élection du président dans le régime présidentiel américain. Ce dernier est élu au suffrage universel indirect. En effet, le président est élu par un Collège électoral composé de 538 grands électeurs, en application du XIIe amendement de 1804. Le peuple américain désigne théoriquement au scrutin de liste majoritaire à un tour, dans le cadre des Etats, des grands électeurs dont le nombre est égal à celui de ses congressmen à Washington. Le candidat élu est celui qui obtient la majorité absolue des votes des grands électeurs, soit 270 voix, et non celle des voix populaires. En cas d’égalité, le Congrès est amené à départager les candidats comme cela s’est produit en 1800 et en 1824. Aussi, on considère que le président américain tient son autorité de la volonté du peuple et qu’il est donc légitime. Néanmoins, il est possible que le président soit élu ayant tout de même reçu moins de voix populaires que son concurrent. Cette anomalie est possible car dans la majorité des Etats, on utilise une dose de proportionnelle : ainsi, le candidat qui obtient le plus de suffrage dans un Etat donné est représenté par tous les grands électeurs de cet Etat. C’est ce qu’il s’est passé en 2000 avec l’élection de George W. Bush, alors que son concurrent Al. Gore le devançait de plus de 500 000 suffrages populaires. Ainsi, dans son article « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie » paru dans les Cahiers du Conseil Constitutionnel, Michel Rosenfeld propose deux amendements constitutionnels : d’une part, d’ancrer le droit de vote pour l’élection présidentielle dans la Constitution, et d’autre part d’éliminer le collège électoral. Cela montre que le système électoral qui permet d’élire le président américain présente des limites. Dans un régime parlementaire, le Premier ministre est nommé par le chef de l’Etat et procède de la majorité parlementaire qui représente le peuple car le Parlement est élu au suffrage universel direct. Par exemple, dans le régime britannique, il est nommé par la reine, qui choisit le chef du parti politique ou de la coalition qui disposera de la confiance de la Chambre des Communes. De la même manière, en Italie, le président du conseil des ministres est nommé par le Président de la République. Ainsi, dans un régime parlementaire, le premier ministre a moins de légitimité que le Parlement. En comparaison, il a donc moins de légitimité que le président américain. Donc en théorie, son pouvoir est plus limité. Malgré des légitimités qui peuvent être contestées, ce sont deux exécutifs aux pouvoirs forts.
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