Les rapports entre Président et Premier ministre

TD 6 / Droit Constitutionnel

Les rapports entre Président et Premier ministre

Commentaire de texte

        « Le président de la République est un souverain qui s’inquiète, le Premier ministre est un exécutant qui rêve. Et qui, quand il rêve, rêve d’être président, ce qui l’aide à supporter sa condition seconde de Premier ministre. » disait Lionel Jospin dans son œuvre « L’invention du possible » en 2001, étant lui même Premier ministre.

        Le sujet à commenter est une partie du discours du Général De Gaulle lors d’une conférence de presse le 31 janvier 1964. A travers cette conférence, De Gaulle pose des principes sur l'interprétation de la Constitution. De plus, De Gaulle se sert de cette conférence pour annoncé au peuple un bilan prévisionnel de la France. Plusieurs thèmes vont être abordés durant cette conférence comme la décolonisation ou la construction européenne. Mais le thème des institutions françaises va être le cœur de cette conférence. Il va y répondre en développant sa conception de la Constitution et du fonctionnement de l’Etat et notamment l’importance de son rôle de Président de la République. En effet, dans le passage à commenter De Gaulle va mettre en relief le rôle du Président et les rapports qu’il entretient avec le Premier ministre.

        Ce sujet présente un intérêt particulier. En effet, si l’esprit de la Constitution est en concordance avec la pensée de De Gaulle sur l’organisation du pouvoir exécutif français, nous savons que la rédaction de la Constitution a été établie afin de renforcer l’exécutif tout en maintenant la rationalisation du parlementarisme. Ce renforcement de l’exécutif va être le résultat d’un compromis entre les personnes voulant renforcer le pouvoir du Président et ceux qui voulaient renforcer celui du Gouvernement. De Gaulle étant partisan d’un exécutif renforcé par la prédominance du Président il sera alors intéressant d’observer l’influence de la pensée de De Gaulle sur la pratique de la politique, le respect de la Constitution et des rapports que va entretenir le Président de la République avec le Premier Ministre.

        Il semble alors évident de se demander si la conception gaullienne sur les rapports qu'entretiennent le Président et le Premier ministre souligne – t – elle une présidentialisation du régime ?

        La réponse s'avère effectivement nuancée. En effet, De Gaulle expose dans un premier temps un rapport légitime entre le Président et le Premier Ministre permettant le maintien du régime parlementaire rationalisé (I). Or dans un second temps, De Gaulle développe un rapport de domination du Président sur le Premier Ministre qui conduirait, peut être, à une présidentialisation du système (II).

        I – Le rapport légitime entre le Président de la République et le Premier ministre : conservation d'un régime parlementaire rationalisé

A travers sa conférence, De Gaulle va émettre sa vision sur les rapports entre le président et le premier ministre. En effet, il détail à travers deux idées que ce rapport légitime entre Président et Premier ministre tend au maintient d'un régime parlementaire rationalisé. D’une part, le premier Président de la Vème République va établir un rapport bien distinct entre le Président et le premier ministre par l’attribution de la Constitution des pouvoirs propres au Président (A). D’autre part, ce rapport équilibré va également être caractérisé par la nécessité d’un exécutif bicéphale (B).

                A – Les pouvoirs propres du Président de la République

• « Le président, qui choisit le premier ministre, qui le nomme ainsi que les autres membres du gouvernement » : cette idée de De Gaulle renvoie à l’article 8 de la Constitution. En effet, le choix du Premier ministre par le Président et la nomination des ministres sont un pouvoir du Président qui lui est propre, qui respecte la Constitution, malgré le fait que pour la nomination du Gouvernement, le choix se fait sur proposition du Premier ministre.
• « Le Président […] est le chef des armées, nomme aux emplois civils » : cela renvoie ici, respectivement, aux articles 15 et 13 de la Constitution. Ces deux pouvoirs sont également des pouvoirs qui sont propres au Président et qui sont en accord avec la Constitution. Ces pouvoirs n’empiètent pas sur ceux du premier ministre et permettent donc de maintenir un équilibre au sein de l’exécutif.
• De plus, il ne faut pas omettre l'idée que le Président détient un domaine réservé (notion créée par Jacques Chaban-Delmas en 1959), en effet il s'agit d'un ensemble de pouvoirs qui lui sont propre. Ce domaine lui permet d'avoir une place important sans pour autant en abuser, ce qui mettrait en péril l’équilibre de l’exécutif et notamment le régime parlementaire rationalisé.

Cet équilibre est maintenu par la nécessité d’un exécutif bicéphale afin de mener la politique de la nation.

                B – Le besoin d'un exécutif bicéphale

• « Qu’il ne soit pas ,absorbé sans relâche et sans limite, par la conjoncture politique, parlementaire, économique et administrative »: ici De Gaulle évoque le fait que le président doit bénéficier d’un soutien afin de pouvoir maintenir le régime. L’exécutif bicéphale permet d’assurer la politique, l’économie et l’administration de l’Etat. La présence d’un exécutif bicéphale permet donc le bon fonctionnement de l’Etat. Il est donc vrai qu'un Premier ministre n'est guerre de trop pour assister le Président.
• « C'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu’essentiel du premier ministre » : De Gaulle met en relief ici les qualités et l’importance du Premier ministre. Le terme « essentiel » qu'utilise De Gaulle pour décrire la valeur du Premier ministre met l’accent sur la nécessité de celui ci. Sa présence est donc incontestable et indispensable aux côtés du Président pour assurer un bon fonctionnement des institutions de la Vème République.
• « Les conseils et les entretiens sont là pour permettre […] aux membres du gouvernement, à commencer par le premier, de faire connaître leurs points de vue, de préciser leur action, de rendre compte de l'exécution. » : Ici De Gaulle met en évidence l’importance de la parole du gouvernement et notamment celle du Premier ministre. Ce dernier influence les choix du Président de la République. En effet, parfois le Premier ministre est apparu comme le « bouclier » du Président, il est mêlé directement aux luttes parlementaires et  politiques, confronté sur le terrain aux difficultés concrètes, responsable du quotidien …

L’exécutif bicéphale pourra alors conduire la politique de la nation, si il existe un réel lien entre le Président et le Premier ministre, mais aussi garantir le fonctionnement du régime parlementaire rationalisé par le biais d’un rapport de force équilibré entre le Président et le Premier ministre.

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