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Les maux de la loi

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Par   •  21 Septembre 2020  •  Dissertation  •  2 095 Mots (9 Pages)  •  1 567 Vues

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Les maux de la loi :

« Au poste d'observation qui est le nôtre, nous constatons, Monsieur le président de la République, une dégradation de la qualité de la loi ». Cette phrase qui, en 2005, vient ouvrir les vœux du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud au président de la République, illustre bien la prise de conscience du personnel juridique français sur la question du déclin de la loi.

Étymologiquement, le terme loi est formé à partir d'une racine latine "leg-" qui signifie "dire", que l'on trouve dans "lex, legis": la loi, signifiant "chose édictée".

La loi est un ensemble de règles obligatoires établies par l'autorité d'une société et sanctionnée par la force publique.

La loi a connu de grandes phases successives d’engouement et de dégout. Elle a été vue comme le remède idéal à partir de son apparition. Depuis la Révolution, le droit français fait de la loi la source principale de droit. Comme l’a écrit le célèbre juriste français Guy Carcassonne :  « La loi est (devenue) une réponse à défaut d’être une solution » nous montre que nous assistons à une réelle transformation des sources du droit.

Peut-on parler de crise de la loi ?

Si nous constatons une réelle crise de la loi (I), il n’en demeure pas moins que certains dispositifs ont été mis en place pour remédier à ces maux (II).

  1. La crise de la loi :  

La loi souffre aujourd’hui de deux maux principaux, une inflation législative galopante et un perte de qualité continue de la loi. Ces maux peuvent provenir du caractère de la loi lui-même qui sont le reflet de la crise interne de la loi (A). Mais aussi, le droit fait face à une crise externe qui provient d’une multiplication et d’une obscuration de ses sources (B)

  1. La crise interne de la loi :

L’un des principaux maux de la loi est l’inflation législative croissante.

Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui ; dès Rome au Ier siècle, Tacite dénonçait la décadence de l’Etat à multiplier les lois, ou encore Montesquieu qui observait déjà que la France compte plus de lois que le reste du monde réuni et plus qu’il n’en faudrait pour régler le monde.

A la manière de l’inflation monétaire, l’inflation des lois entraine leur dévalorisation. Ce que M. Claude Bartolone, lors d’un colloque, appelle « le trop plein législatif » caractérise bien le système juridique que les citoyens ont de plus en plus de mal à comprendre. En effet, l’effectivité de la loi exige sa connaissance et l’inflation législative fait de la règle selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi » une fiction.

Le nom donné à ce colloque en 2014, « mieux légiférer », est révélateur du mal dont souffre la loi et illustre bien l’instabilité juridique face à cette inflation législative devenue un réel « raz-de-marée ».

Cette multiplication des textes entraîne également une baisse de leur qualité. Les lois perdent souvent toute cohérence. Ce que Philippe Malaurie appelle les « lois de supermarché », dénonce la pratique interdite des cavaliers législatifs qui insèrent dans une loi une disposition sans rapport avec l’objet de cette loi. Par exemple en 2011, voyant son permis de construire annulé, la Fondation Louis Vuitton en appelle au législateur. Par facilité ou tactique, ce dernier a inséré dans la loi sur le livre numérique une disposition sur les permis de construire. Ce phénomène qui renforce l’inflation législative, rend les textes plus obscurs et leur application devient plus difficile.

Ce constat d’inflation législative est lié à une altération des caractères de la loi.

Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi doit être « l’expression de la volonté générale ». Cependant la loi est devenu l’expression de la volonté du législateur, d’une politique. On assiste à l’apparition de lois de circonstances adoptées dans l’unique but de répondre à un évènement médiatique. Ces lois tentent de répondre à un problème de société et dont la fonction est de donner à l’opinion public le sentiment que celui-ci a été résolu. Jean-Philippe Feldman, juriste français, écrit à propos de la loi du 11 Octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, « une nouvelle fois, l’inflation législative est motivée par la course à la médiatisation et nourrie par l’instrumentalisation des peurs ».

Un autre fait venant altérer les caractères de la loi sont les lois mal rédigées, sans portée normative. Par exemple, la loi d’orientation de programme pour l’avenir de l’école, dite « loi Fillion » a vu son article 7 déclaré non conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel. Le 29 Juillet 2004, le conseil constitutionnel déclare que la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit donc être pourvue d’un effet normatif.

A cela s’ajoute les lois mémorielles dont la fonction constitue à reconnaître symboliquement une tragédie de l’histoire. La loi du 29 Janvier 2001 reconnaissant le génocide arménien ou encore la loi du 21 Mai 2001 qualifiant l’esclavage et la traite des noirs comme crime contre l’humanité, participent certes à panser les plaies du passé mais cela ne relève pas du rôle du législateur.

Comme l’écrivait Jean-Etienne-Marie Portalis dans son discours présentant le code civil, reprenant une célèbre phrase de Montesquieu, « il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ».

  1. La crise externe de la loi :

La métaphore aquatique de la « source » évoque les lieux d’où jaillit le droit. L’origine summa divisio des sources du droit s’apparente aujourd’hui à une hiérarchie plus obscure.

Ces deux premiers maux de la loi s’accompagnent d’une diversification des normes qualifié par Philippe Malaurie d’un « désordre normatif ».

L’auteur utilise la métaphore de la source, du ruisseau et le de la rivière pour énoncer que les eaux se mêlent. Ce qui pouvait paraître simple et hiérarchique ne l’est plus.

Comme le présente dans une revue de droit d’Assas, Rémy Libchaber, professeur de droit privé, pour des raison parfois électorales, le Parlement va se désintéressé de certaines questions et laisse le gouvernement légiférer. La compétence législative glisse donc vers le domaine parlementaire.

La loi émane normalement du Parlement, mais ce dernier peut délivrer une loi d’habilitation, c’est-à-dire qu’elle peut autoriser le gouvernement à empiéter sur son domaine d’action. Le gouvernement peut alors adopter des ordonnances, dont le processus est rapide et plus simple car ne constitue pas un débat devant les deux chambres. Le pouvoir législatif s’exerce non seulement par la loi mais aussi par des ordonnances, Malaurie rappelle que le droit de l’affiliation a notamment été réformé par ordonnance. Cette pratique s’est largement banalisé, rendant plus floues les sources du droit.

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