Les AAI traduisent-elles un désengagement de l'Etat ?
Dissertation : Les AAI traduisent-elles un désengagement de l'Etat ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar j-oul • 7 Novembre 2015 • Dissertation • 1 559 Mots (7 Pages) • 1 329 Vues
La création d’autorités administratives indépendantes traduit-elle selon vous un désengagement de l’Etat central ?
Dans son rapport de 2001, le Conseil d’Etat décrit les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) à la fois comme « le symbole du désengagement de l’Etat » et comme « l’expression de la volonté du même Etat d’assurer la réalité des garanties ». On voit donc immédiatement apparaître une ambivalence dans la définition des AAI, leur dénomination étant elle même paradoxale car il semble difficilement concevable qu’une autorité puisse être à la fois administrative et indépendante. Ces autorités sont apparues en France à partir des années 1970 sous l’inspiration des pratiques administratives anglo-américaines. Ce sont des agences publiques décentralisées créées par le législateur afin de répondre au nouveau contexte de l’action publique, c’est à dire la recherche de garanties renforcées d’impartialité, de professionnalisme et d’efficacité de l’action de l’Etat. Le fait que ces autorités soient indépendantes signifie qu’elles ne sont pas intégrées à l’Exécutif, qui ne peut exercer aucune tutelle sur elles. Elles ne sont pas soumises à l’autorité hiérarchique qui est pourtant la règle dans l’organisation de l’administration. Ainsi, les AAI agissent au nom de l’Etat central mais sans être subordonnées au Gouvernement. Elles disposent, pour le bon exercice de leurs missions, de garanties qui leur permettent d’agir en pleine autonomie, sans que leurs actions ne puissent être orientées ou censurées, si ce n’est par le juge. L’Etat central s’entend comme l’administration centrale de l’Etat, qui rassemble les services de chaque ministère à compétence nationale (situés à Paris), et les services déconcentrés à compétence territoriale qui assurent, au niveau local, le relai des décisions prises par l’administration centrale. Cette administration centrale assure les fonctions régaliennes de l’Etat, c’est à dire les tâches que l’Etat ne doit pas ou ne peut pas déléguer à des sociétés privées (justice, police, ordre public et sécurité, diplomatie et affaires étrangères, défense, monnaie et finances). Les AAI, en tant qu’autorités autonomes ne font pas partie des services déconcentrés de l’Etat, contrairement aux collectivités territoriales, elles ne font pas partie de l’Etat central. Si au XIXe siècle, le rôle de l’Etat était traditionnellement celui de « gendarme des marchés », dans les années 70, la crise de l’Etat providence et la montée d’un courant libéral vient contester l’action de l’Etat dans l’économie. Ainsi, les AAI sont en réalité une solution à ce problème : elles permettent à l’Etat de rester acteur sur un marché, mais elles en régulent le secteur à sa place, en tant qu’autorité indépendante et non soumises à l’Etat. Ainsi, l’Etat aurait « sous-traité » aux AAI une partie de son devoir d’administrer. Cela pourrait donc constituer une sorte de désengagement de sa part, puisqu’il se serait libéré de son engagement en le confiant à une autorité qu’il ne dirige même pas. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont vu dans la création des AAI un désengagement de l’Etat central. Mais, dans un contexte de crise de l’Etat providence, les AAI pourraient en réalité être un parfait compromis qui permettrait à l’Etat de jouer sur tous les tableaux : rester engager dans la régulation du marché tout en faisant oublier sa présence. On peut alors se demander quel est le rôle des AAI dans la réalisation des engagements de l’Etat. Ainsi, si elles paraissent être le « symbole du désengagement de l’Etat » (I), elles pourraient en réalité constituer une autre forme d’engagement de celui ci (II).
I/ Les AAI, le « symbole du désengagement de l’Etat »
A/ Des autorités investies de compétences et de pouvoirs particuliers
* Les AAI interviennent dans trois grands secteurs :
→ La relation administrative : ils sont les médiateurs entre administrés et administration
→ La régulation économique : ils assurent le respect de la concurrence sur un marché donné
→ La garantie des droits et libertés (CNIL, Hadopi, Défenseur des droits, etc.)
* Les AAI sont des autorités dans le sens où elles détiennent chacune des secteurs d’activité à l’égard desquels elles exercent des prérogatives, des pouvoirs propres :
→ Certaines disposent d’un pouvoir règlementaire (comme le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et la Commission Nationale Informatique et Liberté) mais elles sont minoritaires.
→ D’autres disposent d’un pouvoir de décision individuel (comme le CSA qui délivre les autorisations d’émettre pour les radios et les télévisions, ou l’autorité de la concurrence qui a un pouvoir d’injonction) qui s’imposent à leurs destinataires.
→ Elles ont aussi généralement un pouvoir de sanction (qu’on appelle des sanctions administratives) pour régler les litiges entre deux opérateurs d’un marché (notamment la CRE).
→ Elles peuvent aussi disposer d’instruments relevant du droit souple (non contraignant) : un pouvoir d’avis, un pouvoir de médiation et un pouvoir de recommandation qui peut être général (à destination de la fonction publique) mais aussi individuel.
* De plus, les AAI exercent également des pouvoirs à l’égard de l’administration même (puisqu’elles ont justement été créées dans le but d’exercer un contrôle sur certains domaines d’activités) → certaines disposent en effet d’un pouvoir d’enquête auquel les autres administrations centrales ou les collectivités territoriales ne peuvent pas s’opposer.
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