Le régime présidentiel est-il un régime de séparation stricte des pouvoirs ?
Dissertation : Le régime présidentiel est-il un régime de séparation stricte des pouvoirs ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cvcv • 29 Novembre 2018 • Dissertation • 1 483 Mots (6 Pages) • 2 656 Vues
Le régime présidentiel est-il un régime de séparation stricte des pouvoirs ?
Au sein de son article relatif à « La séparation des pouvoirs aux Etats-Unis », Julien Boudon énonce que : « Depuis la IIIème République et l’œuvre pionnière d’Adhémar Esmein, la typologie de la séparation des pouvoirs est liée de manière indissociable à une typologie des régimes politiques ». En ce sens, l’auteur met en lumière un lien, une corrélation entre une théorie juridique et sa pratique politique.
Ce sujet appelle une opposition permanente entre deux régimes politiques qui, eux-mêmes, résultent d’une interprétation duale d’une théorie : celle de la séparation des pouvoirs.
Pour rappel, et selon le Professeur Michel Verpaux, la séparation des pouvoirs est : « une technique constitutionnelle destinée à éviter le despotisme et à garantir la liberté des individus mais pas forcément celle du peuple dans son ensemble. En cela, elle est une théorie libérale mais pas forcément démocratique ». La séparation des pouvoirs, lorsqu’elle dépasse le cadre théorique, peut-être alternativement qualifiée de « rigide » ou « souple ».
Ainsi, la séparation des pouvoirs est dite « rigide » ou « stricte » non seulement lorsque chaque organe (chef de l’Etat, Parlement et juges indépendants) n’exerce qu’une seule fonction (fonction exécutive, fonction législative et fonction judiciaire) mais encore lorsqu’il n’existe aucun moyen d’action réciproque entre ces organes. En pratique, l’interprétation stricte de la séparation des pouvoirs donne naissance à un régime politique : le régime présidentiel.
Par définition, et pour reprendre les mots du Professeur Michel Verpaux : « Le régime présidentiel est le régime qui applique strictement la séparation des pouvoirs, où l’organisation et les relations entre les pouvoirs publics reposent sur cette séparation des pouvoirs qui trouvent chacun, de façon séparée, leur légitimité dans le peuple ».
A contrario, la séparation des pouvoirs est dite « souple » non seulement parce qu’il existe des relations de collaboration entre les organes mais encore parce que ces derniers peuvent influer l’un sur l’autre et se révoquer mutuellement. En conséquence, cette interprétation souple de la séparation des pouvoirs conduit à l’émergence d’un autre régime politique : le régime parlementaire. Appliqué dans la quasi-totalité des pays européens, sans pour autant constituer un modèle unique, le régime parlementaire présente des spécificités pérennes.
En ce sens, un régime pourra être juridiquement qualifié de régime parlementaire lorsque le chef de l’Etat est irresponsable politiquement, que le gouvernement est doté d’un chef et qu’il existe tant une responsabilité politique du gouvernement qu’un droit de dissolution confié au pouvoir exécutif.
Le sujet proposé est relatif au régime présidentiel mais il est impossible d’exclure le régime parlementaire de cette étude. En effet, ce dernier constitue un élément de comparaison indispensable pour comprendre les spécificités du régime présidentiel.
Selon la Professeure Pauline Türk, le régime parlementaire est pratiqué dans la « quasi-totalité des pays européens ». Il y aurait donc une surreprésentation d’un régime, le régime parlementaire, sur un autre régime, le régime présidentiel. En effet, seul le régime politique des Etats-Unis peut aujourd’hui être qualifié de régime présidentiel. Cette représentation minoritaire est inversement proportionnelle à la taille et à la puissance de cet Etat fédéral !
Cet intérêt politique peut être complété par un autre enjeu : celui de l’actualité de la séparation des pouvoirs. Théorisée par le philosophe anglais John Locke, puis systématisée par Montesquieu, la séparation des pouvoirs peut-elle encore s’adapter dans nos sociétés modernes ?
Ces considérations nous invitent donc à répondre à la question suivante : le régime présidentiel est-il un régime de séparation stricte des pouvoirs ?
Cette problématique appelle une réponse nuancée. En effet, et par opposition au régime parlementaire, le régime présidentiel est un régime de séparation stricte des pouvoirs (I).
Néanmoins, et en pratique, une stricte séparation des pouvoirs n’existe plus, comme l’atteste le régime présidentiel américain (II).
- Une séparation stricte des pouvoirs par opposition au régime parlementaire
Pour comprendre les spécificités du régime présidentiel, il est nécessaire d’opérer une comparaison avec un autre régime : le régime parlementaire. En effet, et à l’aide de critères communs que sont la nature entre les pouvoirs (A) et l’intensité de leurs relations (B), il est possible d’affirmer, qu’en théorie, le régime présidentiel est un régime de séparation stricte des pouvoirs.
- Des pouvoirs séparés et indépendants
- Pour citer le Professeur Michel Verpaux : « Dans le régime présidentiel, chacun des pouvoirs a une fonction spécifique, réalisée sous forme de spécialisation fonctionnelle ».
En ce sens, il est possible de reprendre un adage juridique : « un organe, une fonction ».
- Par ailleurs, la rigidité de la séparation des pouvoirs est notable dans le régime présidentiel car il existe une incompatibilité entre la fonction ministérielle et l’exercice d’un mandat parlementaire.
- Inversement : le régime parlementaire se caractérise par le fait que les pouvoirs sont séparés mais interdépendants. En effet, et sur le fondement d’une interprétation souple de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent collaborer entre eux.
Ainsi, chacun des pouvoirs est chargé des compétences de l’autre. Il n’y a pas de concordance entre la fonction et l’organe, à la différence du régime présidentiel.
- L’absence de moyens d’actions réciproques
- La seconde spécificité du régime présidentiel est, selon la Professeure Pauline Türk : « […] l’absence de mécanisme permettant aux pouvoirs de se renverser l’un l’autre : l’indépendance des pouvoirs exclut le droit de dissolution ainsi que les mécanismes de responsabilité ministérielle devant le Parlement ». Cette absence de moyens d’actions réciproques atteste, encore une fois, de la rigidité de la séparation des pouvoirs.
- A contrario, la principale caractéristique du régime parlementaire tient dans l’existence de moyens d’actions réciproques qui sont autant de moyens de résoudre d’éventuels conflits entre les pouvoirs. En effet, chaque pouvoir dispose d’un moyen d’action contre l’autre :
- Le moyen d’action du Parlement sur le Cabinet : la responsabilité politique.
- Le moyen d’action du Chef de l’Etat ou du Cabinet sur le Parlement : le droit de dissolution
II) Une stricte séparation des pouvoirs impossible en pratique
Pour reprendre les termes de Julien Boudon : « La seconde [séparation des pouvoirs] est condamnée sans ambages : elle est impraticable, selon Esmein, c’est un extrême qui nie toute séparation ». Ce postulat est vrai non seulement au regard de la lecture actuelle de la séparation des pouvoirs (A) mais aussi au regard d’un exemple, le régime présidentiel des Etats-Unis (B).
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