Le président de la République, arbitre ou capitaine ?
Dissertation : Le président de la République, arbitre ou capitaine ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar RODOLPHO95 • 11 Novembre 2017 • Dissertation • 2 844 Mots (12 Pages) • 1 645 Vues
Le Président de la République Française est-il le capitaine d’un bateau qui coule ou l’arbitre d’un jeu truqué ?
La « plus rien à faire / plus rien à foutre attitude dérègle notre démocratie » selon Brice Teinturier. En effet, selon bon nombre de politologues, journalistes et commentateurs de la vie politique française on assiste, depuis quelques années, à une déliquescence des mœurs politiques. Les « affaires » en cascades éloignent l’intérêt de nos concitoyens pour la « res publica ».
Une partie de nos concitoyens semblent, plus que jamais, appeler de leurs vœux la « République irréprochable » - annoncée le 2 mai 2012, à grand renfort d’anaphores, par le candidat François Hollande – tandis que les autre semblent avoir renoncé, totalement désabusés, à pouvoir l’exiger par la voie des urnes.
La situation est telle que le directeur général délégué de l’institut de sondage « Ipsos » a consacré un livre au détachement (« plus rien à faire ») sinon au dégoût (« plus rien à foutre ») d’une partie de l’électorat français face à la situation politique actuelle, ouvrage au titre aussi évocateur qu’inquiétant : « Plus rien à faire plus rien à foutre ».
Notre Vème République est caractérisée par un Président de la République élu au suffrage universel direct, ce qui lui confère la plus parfaite des légitimités démocratiques. Le Président de la République est le représentant de la Nation française et le gardien de notre Constitution. Il est le Président de tous les Français, quelque soient leurs opinions politiques.
Cette légitimité populaire devrait aller de pair avec une impérieuse impartialité. De fait, le chef de l’État est présenté comme un arbitre à l'article 5 de la Constitution. Il doit être neutre dans ses prises de positions et se détacher des considérations partisanes. Cependant, depuis 1958, cet « arbitre » est, à de rares exceptions près, un ancien leader d’un parti politique. C'est d’ailleurs cet engagement à la tête de son parti politique qui s’avère déterminant, aux yeux des Français, lorsque ceux-ci décident de lui accorder leur suffrage.
Le peuple Français serait donc très loin d’appeler de ses vœux le président-arbitre voulu par les « Pères fondateurs », mais rechercherait plutôt un « monarque républicain » (selon l’expression du doyen Maurice Duverger), choisi, certes, en fonction, de sa personnalité, mais aussi de son programme politique. Programme qui devra ensuite être mis en œuvre par l’ensemble de la majorité présidentielle.
N’y aurait-il pas, dès lors, un grave malentendu entre, d’une part, les nobles souhaits des constituants d’instaurer « un arbitre placé au-dessus des contingences politiques » et d’autre part les traditionnelles aspirations au césarisme du peuple français ?
En d’autres termes, le Président de la Vème République, est-il le capitaine d'un bateau qui coule ou l’arbitre d'un jeu truqué ?
Il est pourtant indéniable qu’en 1958, les constituants ont souhaité un Président de la République arbitre (I), cependant, après bientôt soixante ans de vie politique, il apparait non moins clairement que devoir se cantonner au rôle d’arbitre s’avère en pratique impossible pour le locataire de l’Elysée (II).
- Le Président de la République : un arbitre prévu par les institutions
Le Président, tel que défini par la Constitution, est placé au dessus des autres institutions. Ce rôle d'arbitre est clairement le fruit de la volonté des constituants (A), et, de fait, les quelques périodes de « cohabitation » connues par la Vème République, révèlent la justesse de cette ambition (B).
A. La volonté des constituants d’instaurer un « Président arbitre ».
Charles De Gaulle dans son discours de Bayeux, le 16 Juin 1946, évoquait déjà son souhait de voir instaurer un Président de la République, arbitre au dessus des combinaisons partisanes. « Le chef de l’État […] a l'attribution de servir d'arbitre au dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine ».
Evidemment dédaignée, pour les raisons que l’on connaît, par les constituants de la seconde Assemblée constituante (majorité absolue PCF/SFIO sortie des urnes le 11 juin 1946), cette conception inédite de la fonction présidentielle sera finalement mise en forme, douze ans plus tard, à l'article 5 alinéa 1 de la Constitution de 1958 : « Le Président de la République vieille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ».
Pour lui permettre d’assurer ces nouvelles fonctions d’arbitrage, les constituants ont d’ailleurs prévu une série de moyens d’actions : des attributions dispensées du traditionnel contreseing ministériel, sanction de l’irresponsabilité de ces prédécesseurs. Art 19 : « Les actes du Président de la République autres que ceux prévus aux articles 8, 11, 12, 16, 18, 54, 56, 61 sont contresignés par le Premier ministre. »
En effet, certains de ces « pouvoirs propres », véritable innovation de la Vème République, sont traditionnellement interprétés par la doctrine dominante comme étant des moyens d'actions conférés par le constituant au Président de la République pour réaliser sa mission d'arbitrage.
Ainsi, le Président de la République : nomme le Premier Ministre en réalisant un arbitrage parmi les nombreux prétendants à la fonction issus de la majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale (Article 8 alinéa 1).
Il peut également recourir à l’arbitrage du peuple souverain de deux manières distinctes : En faisant de lui « le législateur d’un jour » (Article 11 relatif au référendum législatif), ou en lui demandant de résoudre une crise institutionnelle opposant le gouvernement et l’Assemblée Nationale (Article 12 relatif au droit de dissolution). Cet appel à l’arbitrage du peuple peut même permettre de sortir le pays d’une grave crise sociale, quasi insurrectionnelle (dissolution du 30 mai 1968).
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