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La théorie de la loi écran

Dissertation : La théorie de la loi écran. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  13 Octobre 2016  •  Dissertation  •  3 581 Mots (15 Pages)  •  6 205 Vues

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Dissertation : Vers un abandon de la théorie de loi écran ?

« Dans la théorie et aussi dans la pratique de notre droit public, le parlement reste l’expression de la volonté générale et ne relève, à ce titre, que de lui même ». C’est par ces mots que le commissaire du gouvernement, Monsieur Latournerie, justifie la position de l’arrêt « Arrighi » du 6 novembre 1936. Selon lui, la possibilité pour le juge d’effectuer un contrôle de la constitutionnalité de la loi est écartée en vertu du principe de la souveraineté de celle-ci.

La hiérarchie des normes en droit interne fut établie par Hans Kelsen, éminent juriste autrichien du XXe siècle, dans son ouvrage Théorie pure du droit (1959). Selon lui, toute norme juridique tient sa validité d’une autre norme supérieure. En haut de la pyramide trône la les normes constitutionnelles puis les normes internationales, les lois, les ordonnances, les normes règlementaires et enfin la jurisprudence. Par le principe de juridicité, l’administration est tenue au respect du droit dans son ensemble. Ainsi, le juge administratif a toujours été tenu de se référer à la constitution pour juger et fonder l’action administrative. Si dans la théorie, le principe de hiérarchie des normes est simple, la réalité contentieuse de celle-ci est extrêmement complexe. Dans certaines situations, une loi inconstitutionnelle échappe au contrôle de constitutionnalité et cette loi sert ensuite de fondement à un acte administratif. Dans ce cas précis se pose la question de la norme qu’il faut faire prévaloir. En France le contrôle de constitutionnalité par un juge ordinaire est exclu par notre attachement à la tradition légicentriste née de la lecture de Rousseau selon laquelle « la loi est l’expression de la volonté générale ». Même si une certaine évolution est à noter en 1958 puisqu’un contrôle de constitutionnalité existe désormais mais relève de la seule compétence du conseil constitutionnel. Dans le contentieux des actes administratifs, la théorie de la loi écran est le fruit de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de son célèbre arrêt « Arrighi » du 6 novembre 1936. Saisie pour un recours portant sur la conformité entre les lois constitutionnelles de 1875 et un décret pris en vertu d’une disposition législative, le Conseil d’Etat a déclaré que le juge administratif se refusait à exercer un contrôle de constitutionnalité de la loi. Ainsi, une loi servant de fondement à un acte administratif et contenant des dispositions de fond est insusceptible d’être jugé par les juridictions ordinaires. Elle fait alors écran entre l’acte administratif et la Constitution.

Cette position peut être considérée comme paradoxale au regard de la hiérarchie des normes.

Le résultat est d’ailleurs d’autant plus paradoxale que le juge administratif s’est reconnu compétent pour apprécier la compatibilité de la loi au regard des normes internationales depuis 1989 par la décision « Nicolo ». Depuis la Constitution de 1946, la force juridique des normes internationales en droit interne est reconnue. Cependant, le juge administratif s’est refusé pendant longtemps à donner une complète effectivité de l’article 55 de la Constitution de 1958 en se refusant de faire primer un traité sur une loi postérieure à celui-ci. Ce revirement de jurisprudence par l’arrêt « Nicolo » aura eu pour conséquence de restreindre le champ d’application de la théorie de l’écran législatif qui ne jouera plus dès lors dans les rapports entre les lois et les normes internationales, ce qui ne sera pas dépourvue de conséquences. De plus la théorie a été, ces dernières années, remise en question par d’une part par le caractère désuet du légicentrisme et d’autre part par des atténuations jurisprudentielles. Aussi, l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par la révision constitutionnelle de 2008 instaure un contrôle de constitutionnalité de la loi par voie d’exception. Celle-ci est perçue pour certain comme un pas de plus vers l’abandon de l’écran législatif.

Un tel sujet amène à se demander si la théorie de l’écran législatif peut encore aborder sereinement son avenir.

Nous aborderons dans un premier temps la mort, non dénuée de conséquences, de la théorie de l’écran législatif en droit international par le contrôle de conventionalité (I) puis sera observé que l’écran législatif se réduit comme « peau de chagrin » en droit interne (II).

La mort de l’écran législatif en droit international par le contrôle de conventionalité


Nous verrons dans un premier le revirement jurisprudentiel de l’arrêt « Nicolo » en 1989 comme la naissance d’un contrôle de conventionalité effectuée par le juge administratif (A), puis seront abordé les conséquences de la tombée de cet écran en droit international sur le pouvoir du juge administratif (B).

Le revirement jurisprudentiel de l’arrêt « Nicolo » en 1989 : la naissance d’un contrôle de conventionalité par le juge administratif

L’article 55 de la constitution donne aux traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés « une autorité supérieure à celle des lois » sous réserve de certaines conditions. Cet article pose le fait que les traités sont supérieurs la loi. A l’origine, le juge administratif voyait dans le contrôle d’un acte administratif par rapport à un traité, un contrôle de constitutionnalité. La théorie de la loi écran jouait pleinement. Le Conseil d’Etat s’était alors déclaré incompétent dans ce contrôle sauf si celui portait sur acte administratif se fondant sur une loi antérieure au traité. Ainsi, lorsqu’un traité international était postérieur à la loi en question, le juge administratif admettait la prévalence du traité sur la loi. Il ne s’agissait en aucun cas d’un rapport hiérarchique de supériorité du traité sur la loi mais uniquement d’une relation chronologique. Dans ce sens, le Conseil d’Etat rend un arrêt de principe le 1er mars 1968 « Syndicat des fabricants de semoule » qui déclare qu’une loi prise postérieurement à l’entrée en vigueur du traité entraine l’incompétence du juge administratif. Cette position était justifiée par le fait que si le juge administratif faisait prévaloir un traité sur une loi nationale cela reviendrait à porter atteinte à la souveraineté du législateur. Pour les juges ordinaires, le contrôle de conventionalité des lois revient au Conseil Constitutionnel. Celui-ci est saisi

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