LE DROIT ADMINISTRATIF EST-IL UN DROIT DE PRIVILEGE?
Dissertation : LE DROIT ADMINISTRATIF EST-IL UN DROIT DE PRIVILEGE?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ammaothman • 11 Octobre 2015 • Dissertation • 1 912 Mots (8 Pages) • 5 325 Vues
LE DROIT ADMINISTRATIF EST-IL UN DROIT DE PRIVILEGE ?
« Les rapports entre l'administration et les administrés illustrent encore trop souvent la fable du pot de terre et du pot de fer » nous dit Danièle Lochak dans un article titré « Le droit administratif, rempart contre l’arbitraire ? ». Ces propos nous inscrivent d’emblée dans une certaine vision de la relation administrative, au sein de laquelle l’administration forte, presque infaillible, viendrait s’imposer aux administrés en situation de faiblesse. Administration et administré paraissant alors inégaux, et ceci notamment du point de vue des droits que chacun d’entre eux bénéficient.
En effet, le droit applicable à l'administration apparaît souvent comme un droit sans obligation ni sanction, parfois allant jusqu’à introduire chez les citoyens, un sentiment de déni de justice lorsqu’ils font face à l’ « appareil d’Etat ».
Toutefois, ces éléments sont-ils de nature à faire du droit administratif un droit de privilège ? Depuis l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789, le mot est devenu péjoratif, tant dans le vocabulaire juridique que politique. Symbole d’un acte postulant une inégalité, il a acquis une connotation péjorative : les privilèges seraient réservés au riches et aux puissants. En réalité, sous l’Ancien Régime, à cause de sa structure inégalitaire, chacun est privilégié car chacun appartient à une communauté particulière à laquelle sont attachés des droits singuliers.
Le privilège ne saurait donc être juridiquement une exception. Dans ce cas, ce ne sont pas les privilèges eux-mêmes qui peuvent apparaître odieux mais leur mauvaise réapparition. En effet, pour penser le privilège péjorativement, il faut préalablement postuler l’égalité en droit. Toutefois, ce terme n’a pas disparu du vocabulaire juridique contemporain.
En droit international par exemple, les « immunités et privilèges » diplomatiques et consulaires (Convention de Vienne, 1961 et 1963) garantissent les locaux, le secret des communication, l’immunité de juridiction des agents pour permettre l’accomplissement efficace de leurs fonctions. Ainsi, le privilège résulte de la loi, de la convention ou d’une décision judiciaire : il est un avantage, une préférence, une priorité, une dispense, une immunité ou une dérogation mais reste une exception, encadrée juridiquement, contrevenant au principe d’égalité.
Historiquement, les notions de privilège et celle de droit administratif sont liées, voire entremêlées. En effet, au moment de la révolution française, les révolutionnaires, attachés au pouvoir des autorités élues réagissent contre le pouvoir judiciaire, car ils gardent le souvenir des parlements d’Ancien Régime et de leur réticence aux tentatives de réforme. Ils développent donc une approche originale de la séparation des pouvoirs, qui implique la séparation des autorités administratives et judiciaires. En effet, pour eux, il est plus essentiel de soustraire le contentieux administratif aux tribunaux judiciaires (indépendance) qu’à l’administration active, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons (spécialisation).
Se poser la question d’une qualification du droit administratif comme un droit de privilège semble donc d’importance. En effet, le mot privilège renvoie au privilège de la violence légitime dont dispose l’Etat. Et ceci impacte le droit administratif à deux égards. En effet, le droit administratif serait un droit de privilège non seulement du point de vue juridique, avec l’application d’un droit spécifique mais aussi du point de vu matérielle, avec des prérogatives exorbitantes, à même de réaliser l’intérêt général. Il conviendra donc de s’interroger non pas sur « les » privilèges que peut octroyer le droit administratif mais bien sur « le droit de privilège » , expression qui serait à même de correspondre au droit administratif.
Car en effet, l’emploi du terme privilège n’est pas étranger au droit administratif. Ainsi, l’administration bénéficie du privilège du préalable et du privilège de l’exécution d’office pour ce qui est de l’exécution des actes administratifs unilatéraux. Mais il convient également de souligner la notion de privilège de juridiction, expression employée pour désigner le droit donné à certaines personnes de comparaître devant une juridiction autre que celle à laquelle les règles du droit commun procédural attribuent compétence.
L’intérêt du sujet est donc de mener une réflexion sur ce qu’est au fondement même du droit administratif et de son apparition dans l’ordre juridique français mais il incite aussi à s’interroger sur la relation administrative, et donc sur le rapport entre l’administration et les administrés.
Il s’agira donc de répondre à la question de savoir dans quelle mesure le droit administratif peut-il être qualifié de droit de privilège ?
Nous verrons que l’administration est dotée de moyens favorisant sa suprématie qui renforce l’unilatéralité (I), mais qu’elle entretien d’autres relations, plus égalitaire marquant ainsi une bilatéralité (II)
L’administree a pendant longtemps ete dans une relation subordonnee et distante reduite a recevoir ou a reclamer, subir ou se soumettre.
I. La verticalité de la relation administrative : un droit de privilège affirmé
Le droit administratif est basé sur une unilatéralité renforcée par une autorité et une contrainte en faveur de l’administration (A) et en défaveur des administrées, qui sont considérés comme des assujettis (B)
A. Un rapport fondamentalement inégalitaire
- Le privilège du préalable
→ Le privilège de décision exécutoire : enveloppe formelle de l’unilatéralité
→ La répression administrative
- Le privilège du préalable
→ « On veut dire que l’administration se trouve dispensée, pour réaliser ses droits, de s’adresser préalablement à un juge ; si l’administré conteste les prétentions de l’administration, c’est lui qui devra saisir le juge… », André De Laubadere
→ Permet tout d’abord à l’administration d’imposer aux particuliers des droits et obligation sans leur consentement. L’acte administratif est ainsi exécutoire par lui-même et s’applique immédiatement du seul fait de son édiction. En effet, l’autorité publique n’a pas besoin de faire appel au juge pour rendre obligatoire sa décision et modifier la situation de l’administré.
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