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Le droit administratif est-il un droit de privilège ?

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Par   •  7 Novembre 2015  •  Dissertation  •  3 167 Mots (13 Pages)  •  5 183 Vues

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Le droit administratif est-il un droit de privilège ?

« Avant d’être un instrument d’assujettissement de l’administration, le droit administratif serait-il un moyen de conforter sa puissance ? » telle est la question sur le degré de réalisation de l’Etat de droit que se pose Jacques Chevalier dans sa revue Pouvoirs n°46 s’intitulant Le droit administratif, droit de privilège ?, et cette problématique montre bien toute l’ambivalence du droit administratif. Tout d’abord, il est le droit de la limitation, de la soumission de l’administration au droit. Mais c’est aussi en retour un droit qui participe de la légitimation de la puissance publique et permet à l’Etat d’exercer le monopole de la contrainte légitime. Par conséquent, le droit administratif a été existentiellement construit comme un droit de privilège dans la mesure où l’administration disposant de prérogatives de puissance publique, elle ne pouvait être soumise au même droit que celui des particuliers. L’origine latine de privilège, privata lex (loi particulière, s’écartant de la loi ordinaire) confirme la nécessité de soumettre l’administration à un droit spécifique. Ainsi, le Tribunal des conflits, dans son arrêt Blanco du 8 février 1873 pose le principe selon lequel la responsabilité de l’Etat pour les dommages causées aux particuliers par les services publics n’est pas régie par les principes inscrits dans le Code Civil mais par un ensemble de règles spéciales, dérogatoires et élaborées par le juge administratif. De la même manière, l’adage « juger l’administration, c’est encore administré » légitime la dualité des juridictions entre ordre judiciaire et ordre administratif.

Néanmoins, le privilège de l’administration a été contesté par le courant néo-libéral dans la première moitié du XXème siècle qui prônait un recul de l’Etat, au profit de la liberté des acteurs. Dans la deuxième moitié de ce siècle, le droit administratif, caractérisé par des règles propres et un juge spécial, est davantage perçu comme un système permettant de réaliser l’assujettissement de l’administration au droit pour deux raisons. D’une part, la constitutionnalisation du statut de la juridiction administrative par l’arrêt du conseil constitutionnel de 1987 (Conseil de la Concurrence) protège celui-ci de toute atteinte et confirme l’indépendance du juge administratif évoquée dans les réformes de 1926, 1953 et 1987. D’autre part, le caractère privilégié des règles dont bénéficie l’administration est contrebalancé par des sujétions qui pèsent sur cette dernière.

Toutefois, le droit administratif, nonobstant cette apparence d’équilibre, est fondamentalement entaché par une relation inégalitaire entre l’administration et l’administré. En effet, l’administration est en charge de mission d’intérêt général et elle impose donc sa volonté aux administrés pour les assurer. L’expression de ce déséquilibre administratif renvoie au « pouvoir de décision unilatéral » qui va créer des obligations à la charge des administrés sans leur consentement. C’est exactement l’acte unilatéral qui fonde le droit administratif en tant que droit de privilège car il est distinct de celui qui peut exister en droit privé,  dans la mesure où l’unilatéralité est le fondement de la relation administrative et où l’administration bénéficie des moyens juridiques d’exécuter ses missions. L’ensemble des prérogatives de puissance publique est donc unifié autour du privilège de l’unilatéralité administrative. "Selon l’opinion dominante, l’acte administratif unilatéral à l’état pur serait un monopole du droit public." (Jean-Claude Vénézia, 1975) ce qui en fait le procédé normal à l’action de l’administration. Cependant, l’unilatéralité est considérée comme privilège du fait de l’interprétation rigide qui en a été donnée en France comme le montre bien la comparaison avec les pays anglo-Saxons, réalisée par M. Lefefure dans son ouvrage Le pouvoir d’action unilatérale en droit anglais et français paru en 1961. Ainsi, une atténuation de cette rigidité se développerait, permettant au droit administratif de se consacrer davantage à la protection des administrés.  

La question est de savoir jusqu’à quel point le droit administratif doit-il être un droit particulier, s’écartant du droit commun par cette unilatéralité spécifique, afin qu’il soit un instrument de la puissance de l’administration pour assurer ses missions.

        Le privilège de l’unilatéralité propre au droit administratif constitue l’instrument de la puissance publique en tant que moyen d’assurer ses missions d’intérêt général (I). Néanmoins, plusieurs réformes vont contribuer à son atténuation ce qui va permettre d’assurer une meilleure protection des administrés (II).  

                

  1. Un privilège inhérent au droit administratif : instrument de la suprématie administrative

Le privilège de l’unilatéralité administrative fonde le rapport inégalitaire entre l’administration et les administrés (A), l’unilatéralité constitue le moyen pour l’administration d’assurer ses misions par sa prépondérance dans les modes d’action administratifs (B).  

  1. Le privilège de l’unilatéralité : fondement de la relation administrative inégalitaire

Jean Rivero dans ou ouvrage Existe-t-il un critère du droit administratif paru en 1953 soulignait la relation fondamentalement inégalitaire en droit administratif dans la mesure où  l’intérêt public exigeait pour l’administration une majoration de prérogatives concédées à tous par le droit commun. Certes la construction de l’Etat de droit a eu pour effet de soumettre la puissance de l’administration au droit, mais il persiste que le droit légitime l’action de l’administration en créant une représentation de celle-ci avec les notions d’impartialité, de neutralité etc. Par conséquent, le droit a du donner à l’administration les moyens d’agir, et c’est l’acte administratif unilatéral qui est l’expression la plus significative des prérogatives exorbitantes. Cette unilatéralité « n’acquiert toute sa portée que lorsqu’elle prend la forme de la décision exécutoire »  (J.Chevalier) puisque cette dernière va engendrer pour l’administration deux moyens d’imposer sa puissance. D’une part, l'administration est donc investie d'un pouvoir de décision qui lui permet d'imposer unilatéralement sa volonté (pouvoir de décision unilatéral). D’autre part, l'autorité jouit d'un privilège pour imposer l'exécution de ses actes sans avoir à obtenir du juge un titre exécutoire qui l'habiliterait à agir (privilège du préalable). Effectivement, bénéficiant d'une présomption de légalité, l'acte administratif peut être exécuté en toute hypothèse dès lors qu'il n'a pas été retiré, abrogé, suspendu par le juge ou annulé. D’autant plus qu’étant une garantie de l'action publique, le caractère exécutoire des décisions administratives a été élevé au rang de "règle fondamentale du droit public" (CE, Huglo, 1982)

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