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Droit de la responsabilité civile

Commentaire d'arrêt : Droit de la responsabilité civile. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Décembre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 025 Mots (9 Pages)  •  255 Vues

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Droit de la responsabilité civile



Commentaire d’arrêt :

L’article 1242 alinéa 1er du Code civil dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

Pendant très longtemps, cet alinéa était dépourvu de toute valeur juridique particulière. Il était considéré comme un texte de transition entre la responsabilité du fait personnel, organisée aux articles 1240 et 1241 du Code civil, et les cas spéciaux de responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses.

Effectivement, en 1804, lors de l’instauration du Code civil, les cas de responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses étaient très limités.

Suite à l’accroissement du nombre d’accidents liés à la Révolution Industrielle française puis au développement de la circulation automobile, la Cour de cassation a été contrainte d’ériger un régime général de la responsabilité du fait des choses grâce à sa jurisprudence et à cet alinéa.  

Par un arrêt publié au Bulletin en date du 26 novembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation juge qu’un enfant de onze ans, en visite avec sa mère chez un couple d’amis, ayant appréhendé une arme à feu entreposée au sous-sol avec laquelle il s’est grièvement blessé, n’est pas considéré comme ayant acquis les pouvoirs de direction et de contrôle de l’arme et donc comme gardien de la chose.

En l’espèce, une mère se rend au domicile d’un couple d’amis avec son fils. L’enfant, âgé de onze ans, s’introduit dans le sous-sol et y trouve un pistolet gomme-cogne. En le manipulant, il se blesse grièvement à l’œil gauche, le laissant borgne.

La mère assigne alors en responsabilité le couple, propriétaire de l’arme, ainsi que leur assureur. L’indemnisation des divers préjudices de l’enfant est estimée à presque 70 000 euros.

En l’espèce, il s’agit de savoir si les demandeurs au pourvoi restaient, en tant que propriétaires, présumés gardiens de l’arme instrument du dommage ou si la garde en avait été transférée à l’enfant ?

La cour d’appel accède à la demande de la mère et condamne in solidum le couple et leur assureur. Les juges relèvent notamment les conditions dans lesquelles l'arme était entreposée et qui ont permis son appréhension matérielle par l'enfant, même si celui-ci n'avait pas reçu l'autorisation de se rendre au sous-sol. Plus encore, a constaté la cour, l’enfant a procédé lui-même au chargement du pistolet. Cela implique que les munitions se trouvaient à côté de l’arme. Dans ces conditions, elle en conclut que le transfert de garde n’a pas eu lieu. Le couple et leur assureur se pourvoient en cassation.

La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges d’appel et considère : « De ses constatations et énonciations, faisant ressortir que l'enfant, âgé de onze ans, ne pouvait être considéré comme ayant acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l'arme dont il avait fait usage, la cour d'appel a pu déduire que la preuve du transfert de garde invoqué par M. X n'était pas rapportée ».

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se dirige vers un renforcement des conditions de transfert de garde (I) et dégage une obligation de surveillance générale de son patrimoine pour le propriétaire (II).

 

I-  Vers un renforcement des conditions de transfert de garde

Une définition et une application en l’espèce du gardien de la chose (A) est nécessaire afin d’étudier l’absence de la preuve du transfert de garde (B).

  1. Le gardien de la chose

Dans son arrêt en date du 2 décembre 1941, la Cour de cassation considère que, dès lors qu’un propriétaire n’exerce plus les pouvoirs que sont l’usage, le contrôle et la direction sur la chose, il n’en a plus la garde.

La Haute juridiction définit la garde de la chose comme “la rencontre des pouvoirs d’usage (se servir de la chose), de contrôle (être en position d’éviter les dysfonctionnements de la chose) et de direction (décider de la finalité de l’emploi de la chose)”. Ainsi, la Cour de cassation fait donc prévaloir la théorie de la garde matérielle ou effective de la chose sur celle de la garde juridique.

Seul celui qui exerçait effectivement les pouvoirs sur la chose au moment de l’accident sera responsable.

La Cour de cassation considère que la qualité de gardien est totalement indépendante de la faculté de discernement (Cour de cassation, Civile 2 ème , 1 er mars 1967).

Il en va de même pour les enfants (Arrêt Gabillet) ; un enfant, même en bas âge, peut parfaitement avoir la qualité de gardien. Or, dans son arrêt en date du 26 novembre 2020 (Cour de cassation, Civile 2 ème , 26 novembre 2020, Pourvoi n°19-19676), la Cour de cassation n’a pas fait preuve d’une telle sévérité à l’égard de l’enfant blessé. On constate donc une jurisprudence inconstante à ce sujet.

La jurisprudence considère que le propriétaire d’une chose en est présumé être le gardien. Mais ce propriétaire a la possibilité de renverser cette présomption en rapportant la preuve qu’il n’était pas gardien de la chose au moment du dommage.

Effectivement, depuis un arrêt de principe en date du 2 décembre 1941 (arrêt Frank), la Cour de cassation fait prévaloir la notion de garde matérielle. En l’espèce de cet arrêt, le voleur d’une voiture a été considéré comme le gardien de celle-ci évitant à son propriétaire d’être jugé responsable des dommages causés par celui qui s’en était octroyé l’usage, le contrôle et la direction. Depuis cette jurisprudence, la présomption qui pèse sur le propriétaire de la chose peut être renversée s’il démontre qu’il y a eu un transfert de garde.

Comme le précise la cour d’appel « le gardien de la chose est celui qui, d'un point de vue strictement matériel, exerçait sur celle-ci les pouvoirs d'usage de direction et de contrôle au moment où le dommage s'est réalisé ». L’arrêt Gabillet considère que l’infans peut être gardien, et ce malgré l’absence de discernement : sa faute, rattachée au discernement, est devenue indifférente pour engager sa responsabilité (Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n° 80-14.994).

  1. L’absence de la preuve du transfert de garde de l’arme à feu

En l’espèce, les hauts magistrats jugent que les conditions dans lesquelles l'arme était entreposée ont permis son appréhension matérielle par l'enfant et que dès lors les propriétaires ont conservé les pouvoirs de direction et de contrôle sans que le transfert de garde ait eu lieu.

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