Droit constitutionnel, message du Président de la République Jules Grévy à l'intention du Sénat, 6 février 1879
Commentaire de texte : Droit constitutionnel, message du Président de la République Jules Grévy à l'intention du Sénat, 6 février 1879. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marie-Aimée Legc • 1 Novembre 2017 • Commentaire de texte • 2 430 Mots (10 Pages) • 2 095 Vues
« Il y a deux choses inutiles ici-bas : la prostate et le président de la République ». Voilà comment Georges Clemenceau, homme politique français de renommée du XIXème siècle, définit la IIIème République, et particulièrement la IIIème République sous le président Jules Grévy. Il dénonce par cette phrase l’insignifiance du personnel politique de l'époque, ainsi que le dysfonctionnement du régime parlementaire instauré du à la faiblesse des institutions.
Le texte étudié ici est un message du Président de la République Jules Grévy à l'intention du sénat, daté du 6 février 1879. Jules Grévy était un avocat de profession, et un parlementaire engagé aux côtés des républicains. Il fut Président de l'Assemblée nationale et Président de la Chambre des députés avant de devenir Président de la République française le 30 janvier 1879. Avant ce discours du Président Grévy au sénat, le régime républicain français était fragilisé. C'est dans ce contexte que Jules Grévy succéda au Président Mac Mahon. Patrice de Mac Mahon menait une politique conservatrice, et était peu favorable à la république et aux idées républicaines. Il était monarchiste, et fut élu par une Assemblée nationale à majorité royaliste. Son objectif principal était de restaurer la monarchie en France. Pour lui, il n’était pas question de s’assujettir au parlement. Il décida de ne pas suivre la majorité et se retrouva confronté à des Présidents du Conseil qui étaient pour la plupart républicains. Mac Mahon souhaitait faire fonctionner le régime comme un régime parlementaire dualiste avec une double responsabilité devant le parlement et devant le président de la République. Le 16 mai 1877, il obligea Jules Simon, président du Conseil à démissionner et nomma à sa place un ministère conservateur avec à sa tête le duc de Broglie. Le 25 juin 1877, il revint aux électeurs de trancher le conflit entre le chef de l’État et le Parlement. Le résultat des élections ne fut pas favorable à Mac Mahon, et le ministère de Broglie fut contraint de démissionner. Suite à cette crise du 16 mai 1877 qui fragilisa le système, Mac Mahon essaya de se maintenir mais la situation devenait impossible, et démissionna le 30 janvier 1879. Son successeur, le président Jules Grévy fut élu le jour même par les parlementaires à la présidence de la République.
Grévy veut changer le fonctionnement du régime précédemment utilisé, et adresse un message à l'Assemblée nationale, autrement appelé « Constitution Grévy ». Désormais, le gouvernement ne doit compter qu'avec l'appui de la majorité dans les Chambres, et la présidence de la République ne peut que choisir ses ministres, mais pas les contraindre à démissionner. On passe ainsi d'un parlementarisme dit dualiste, (ou orléaniste) supposant un double circuit de confiance politique, à un parlementarisme dit moniste, ou seule existe la confiance émanant des Chambres. Il affirme ainsi, par ce message, la prédominance du pouvoir législatif, ainsi que l'ascendante puissance du Parlement.
Ainsi, il conviendra de se demander de quelle manière la prédominance du pouvoir législatif a mené à un Parlement « tout puissant ». Il sera aussi intéressant de se demander dans quelle mesure peut-on dire que ce message adressé au sénat a pérennisé la IIIème république.
Est ici perceptible l'intérêt du sujet en ce qu'avec ce message adressé au Sénat, Jules Grévy marque une restriction des prérogatives présidentielles en vigueur sous la IIIème République, marquée par un déséquilibre des pouvoirs législatif et exécutif. Il est également intéressant de relever que l'instauration de ce nouveau système a aboutit à une certaine durabilité d'un gouvernement mené par le Parlement tout au long de la IIIème république.
Après avoir constaté une supériorité du pouvoir législatif dans le message de Jules Grévy (I), il sera intéressant de voir que le président donne la primauté au peuple et au Parlement (II).
I – La supériorité du pouvoir législatif
Après avoir vu que Jules Grévy affirme les devoirs importants qu'il se devra d'accomplir avec le soutien du Parlement (A), il sera important de voir que l'assertion d'une égalité entre les pouvoirs exécutif et législatif d'après Jules Grévy est en réalité inexacte (B).
A) L'affirmation des nouveaux devoirs du président assisté par un organe législatif
Le message de Jules Grévy débute sur le fait que l'Assemblée lui a « imposé de grands devoirs ». Durant tout le long de son message adressé au Sénat, Jules Grévy parle de ses devoirs en tant que président, et de ce qu'il compte entreprendre pendant son mandat. Il est notable que celui-ci utilise la troisième personne du singulier afin de parler de lui. En effet, il utilise du « le Gouvernement » à la place du « je » pour parler des devoirs et des actions qu'il souhaite faire ou continuer d'entreprendre. Par rapport aux « projets de lois », Grévy affirme qu' « il se préoccupera surtout du maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la France, le plus impérieux de ses besoins ». Le président s'engage à respecter ce que souhaitent les français à savoir une France tranquille, sans conflits. Il fait ici référence à l'insécurité présente antérieurement sur le territoire français sous la IIIème République, avec la guerre franco-prusienne. La bataille de Sedan qui eut lieu le 1er septembre 1870 est l'une des batailles les plus meurtrières, plus de 3000 soldats y ont perdu la vie, et plus de 92000 soldats furent emprisonnés par les prusses. Cette bataille mit fin à la guerre en faveur de la Prusse. Cette défaite fut un grand traumatisme pour les français. C'est pourquoi Jules Grévy veut, de par son nouveau type de gouvernement, en mettant en avant le parlement, garantir le respect de ses devoirs, comme en témoigne sa phrase « si je puis, avec le concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-dessous de ce que la France est en droit d'attendre de mes efforts et de mon dévouement ». Il est ici perceptible l'importance que donne Jules Grévy au Parlement, car il inculque le Sénat et a Chambre des députés d'être à ses côtés afin d'accomplir ses devoirs. Le pouvoir législatif a donc une grande importance ici, car il est constaté ici une grande confiance donnée par Grévy au profit du Parlement. Il est de plus notable que le nouveau Président a pour intention de garder de bons rapports avec les autres puissances étrangères, afin de contribuer à « l'affermissement de la paix générale ». Une fois encore, il veut assurer la pérennité du territoire. Jules Grévy, hormis le fait de respecter certains devoirs quant à la sécurité du territoire, s'engage aussi à entreprendre une politique libérale dans l'application des lois françaises. En effet, il le cite à dans son message : « Dans l'application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se pénétrera de la pensée qui les a dictées, il sera libéral ». Le libéralisme politique a pour but de de fixer des limites à l'action de l’État. Le libéralisme s'est historiquement construit contre l'absolutisme ; ce nouveau régime se différencie donc de celui de son prédécesseur, Mac Mahon. Ainsi, Grévy décide de beaucoup s'appuyer sur le pouvoir législatif afin d'accomplir ces devoirs, laissant place à une prédominance de ce pouvoir.
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