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Dissertation sur le pouvoir créateur du juge administratif

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Par   •  4 Décembre 2022  •  Dissertation  •  2 076 Mots (9 Pages)  •  804 Vues

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Le pouvoir créateur du juge administratif.

        Les idéaux révolutionnaires ont voulu, par l’application du principe de séparation des pouvoirs et par la contention du juge à son rôle de « bouche de la loi », mettre fin à l’arbitraire et au despotisme. A mesure qu’évolue la société, de plus en plus d’immixtions sont observées, notamment par le pouvoir du juge dont les pouvoir a tendance à s’étendre, et en particulier le juge administratif dont le statut est particulier.

        En effet, la loi ne peut tout prévoir et son caractère abstrait et général implique nécessairement une précision, ou parfois un assouplissement par l’interprétation des juges. Mais l’émergence progressive de l’ordre juridictionnel administratif complexifie les rapports entre juge, législateur et Gouvernement. La juridiction administrative a un parcours qui lui est propre puisqu’elle n’apparaît qu’en 1799 avec l’instauration du Conseil d’Etat. Le juge administratif passe progressivement d’une justice retenue à une justice déléguée, mettant fin au système du ministre-juge. L’indépendance de l’ordre administratif est consacrée par le Conseil constitutionnel en 1980 et 1987. Le juge administratif traite ainsi les litiges opposant les usagers et l’administration et contrôle les actes et décisions de l’administration. Toutefois, la particularité de la justice administrative réside dans ses sources : à l’image du juge judiciaire, le juge administratif applique et interprète la loi, les règlements, la Constitution et les traités ; mais à sa différence il dispose d’un pouvoir créateur de normes puisque sa jurisprudence est une source majeure du droit qu’il applique. Il est possible de parler de pouvoir normatif du juge administratif.

        Se pose alors une question quant au principe de séparation des pouvoirs : comment régir les litiges relatifs au droit administratif quant la loi est silencieuse sans pour autant s’immiscer dans l’office du législateur ou sans se faire administrateur ? Ne pouvant se résoudre à commettre un déni de justice, le juge administratif a dû combler ce silence juridique en créant, de façon prétorienne, les principes généraux du droit administratif. M. Chapus le décrit d’ailleurs comme un droit « essentiellement jurisprudentiel ». Le juge ne doit cependant pas contrevenir à l’article 5 du Code civil prohibant les arrêts de règlement, au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ou encore à l’interdiction du juge de se faire administrateur. Si la jurisprudence, civile ou administrative, se distingue de l’arrêt de règlement, l’office du juge administratif, lui, s’apparente par moments à celui de l’administration elle-même, faisant croire à une immixtion du juge administratif dans le pouvoir exécutif. La possibilité pour lui, au-delà d’interpréter les normes appliquées, d’enjoindre l’administration à prendre une décision, de suspendre, d'annuler ou même de modifier un acte administratif, touchant ainsi à sa substance, relève d’un véritable pouvoir normatif qui estompe la frontière entre la juridiction et l’administration. Néanmoins, ce pouvoir est subordonné à une action en justice et le juge ne peut s’en prévaloir d’office, et ne constitue donc pas un compétence règlementaire du juge administratif à proprement parler.

        S’il n’est pas contestable que le juge administratif dispose d’un pouvoir créateur de normes, il est possible de s’interroger sur son étendue.

        Le juge dispose d’un pouvoir majeur de création de normes à travers l’interprétation des normes existantes puisqu’il s’agit de la source principale du droit qu’il applique (I), mais il est limité par l’émergence de nouvelles sources du droit administratif et son sujétion à une saisine (II).

  1. La nature essentiellement prétorienne du droit administratif

        Le juge administratif dispose d’un pouvoir normatif non négligeable par la liberté que lui confère l’interprétation de normes et principes larges (A), mais aussi par le pouvoir de création pure de nouveaux principes ou de réformation d'un acte administratif (B).

A. Un pouvoir étendu par l’interprétation

        Le juge administratif ne peut en principe, au regard de la séparation des pouvoirs, créer de toutes pièces des normes juridiques. Mais c’est tout comme : il peut interpréter les normes qu’il fait appliquer et étendre ainsi leur portée ou saisir des principes flottants qui ne se seraient pas encore révélés. Il pose ainsi, par sa jurisprudence et son interprétation des normes existantes, les règles du droit administratif. Les normes auxquelles il se réfère sont déjà très larges et imprécises, il s’agit de principes établis par la Constitution qui nécessitent qu’on en précise la substance. De cette façon, il délimite de façon autonome son champ d’action. Déjà en 1950 avec un arrêt Dehaene, le Conseil d’Etat donne une valeur constitutionnelle au préambule de la Constitution de 1946. Il ajoute ensuite à son contrôle le préambule de la Constitution de la Ve République et les textes auxquels renvoie il renvoie dans son arrêt Société Eky de 1960, avant d’être suivi en 1971 par le Conseil constitutionnel.

        Cependant le juge administratif va encore plus loin dans la définition de son office en se saisissant d’autres principe qui eux, ne sont pas écrits, mais plutôt évoqués par les normes de référence. Il se rapporte à une base textuelle, à savoir le Préambule de 1946 qui mentionne des « Principes fondamentaux reconnus pas les lois de la République », pour les invoquer lors de ses jugements. Ainsi en 1956, le Conseil d’Etat consacre le premier PFRLR, protégeant la liberté d’association, dans sa décision Amical des annamites de Paris, suivi plus tard par l’arrêt Koné en 1996. Ces PFRLR relèvent de la seule appréciation du juge et malgré l’apparence d’un appui textuel, il s’agit là d’un véritable pouvoir normatif du juge administratif.

        Le juge ne se limite pas à interpréter les lois régissant l’espèce pour les y appliquer, il en vient même à moduler des dispositions litigieuse ou à créer les Principes généraux du droit qui produiront eux-même du droit.

B. Un pouvoir de normatif à portée générale

        Le pouvoir créateur du juge ne consiste pas qu’en l’interprétation extensive de normes écrites. En effet, il pose, en vrai créateur de normes et principes, des règles générales qui gouvernent le droit administratif (et ne s’appliquent pas donc restrictivement à la chose jugée) et ont parfois valeur constitutionnelle. C’est le cas des « Principes généraux du droit » édictés pour la première fois par le Conseil d’Etat en 1945 dans son arrêt Aramu où est posé le principe de respect des droits de la défense. Suivront les principes de non-rétroactivité des actes administratifs (CE Journal de l’Aurore, 1948) ou encore de sécurité juridique (CE KPMG, 2006). Ils s’imposent à l’administration et le pouvoir réglementaire doit s’y conformer (CE, 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils), mais le Conseil constitutionnel leur confère même une valeur constitutionnelle, par exemple dans sa décision du 25 juillet 1979 au sujet du principe de continuité des services publics. Ces principes, très vagues, seront eux-même soumis au pouvoir d’interprétatif du juge vu plus tôt, donnant lieu à de nouveaux arrêts qui feront jurisprudence, donc à de nouvelles règles.

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