Conseil Constitutionnel, Déc n°2016-742 DC du 22 décembre 2016
Commentaire d'arrêt : Conseil Constitutionnel, Déc n°2016-742 DC du 22 décembre 2016. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tom Attias • 15 Novembre 2017 • Commentaire d'arrêt • 1 431 Mots (6 Pages) • 866 Vues
Commentaire cons. Const., Déc n°2016-742 DC du 22 décembre 2016
Dans une décision en date du 22 décembre 2016, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le contenu d’une loi concernant le financement de la sécurité sociale.
En l’espèce, une loi de financement de la sécurité sociale a été votée mais n’est pas entrée en vigueur.
Des députés et des sénateurs ont alors saisis le Conseil constitutionnel afin que soient déclarés contraire à la constitution certains articles de cette loi, et en particulier son article 28. En effet, les requérants estiment que le paragraphe II de l'article 28 est contraire à la liberté contractuelle car il impose aux redevables de la contribution de la répercuter sur ses fournisseurs et encadre les modalités de cette répercussion.
Le législateur est-il compétent à interférer dans les relations contractuelles des particuliers au profit de l’intérêt général par la répercussion d’une contribution, et en dépit de la liberté contractuelle ?
En répondant par la négative à cette question, le Conseil constitutionnel prononce le paragraphe II contraire à la Constitution, au motif que ce dernier empêche les concernés de jouir de leur liberté contractuelle, avec en cause une réglementation trop intrusive.
Il est possible de constater que le législateur porte atteinte à la liberté contractuelle en s’immisçant dans les relations entre particuliers (I), cependant c’est l’intérêt général qui est au cœur de la décision législative ce qui engendre une protection biaisée des producteurs (II).
I. Une double immixtion du législateur dans les relations entre particuliers portant atteinte à la liberté contractuelle
Par son immixtion dans les relations contractuelles, le législateur crée une interférence liée à l’application implicite de la répercussion de la taxe (A), et la violation de la liberté contractuelle est renforcée par ce cadre légal (B)
A. Une interférence liée à l’application implicite de la répercussion de la taxe
L’article 28 paragraphe II de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 précise les conditions dans lesquelles les redevables de la contribution peuvent la répercuter sur les producteurs de tabac. Le législateur, par cet article 28, décide que le fournisseur peut répercuter sa contribution sur le producteur. Cependant, dans une logique de concurrence, le fournisseur aura tendance à établir automatiquement cette répercussion afin de faire un maximum de profit, et en pensant que les autres fournisseurs, qui sont pour la plupart des multinationales, n’auront aucun scrupule à répercuter cette taxe. De ce fait, le législateur a comme imposé aux fournisseurs la possibilité de répercuter la contribution sur les producteurs. Cette immixtion porte alors atteinte au principe de liberté contractuelle, définie par l’article 1102 du Code civil comme la situation où chacun est libre de contracter ou non dans les modalités et avec les personnes qu’il souhaite dans le cadre de la loi, en ce qu’elle ne permet pas la libre négociation des contrats entre fournisseurs et producteurs. En effet, le législateur ne peut en théorie intervenir sur les modalités d’un contrat lorsque celui-ci est conclu en accord avec les volontés des parties contractantes. De plus, cette possibilité de répercuter tend à entacher l’équilibre des contreparties, puisqu’une renégociation des prix en faveur des fournisseurs s’opère.
B. Une atteinte à la liberté contractuelle renforcée par le cadre de la loi
L’article 28 paragraphe II va plus loin dans les modalités de répercussion de la contribution sur les producteurs. En effet, il précise : « ne peut avoir pour effet, pour les produits du tabac d’un même groupe dont le conditionnement et le prix de vente au détail sont identiques, de conduire à ce que la part nette attribuée aux différents producteurs diffère de plus de 5% ». Ainsi, si l’article 28 porte une première fois atteinte à la liberté contractuelle en obligeant implicitement les fournisseurs à répercuter la contribution sur les producteurs, son paragraphe II porte une deuxième fois atteinte à cette liberté contractuelle en limitant de manière précise les conditions de la répercussion de cette taxe. En effet, si les fournisseurs répercutent la contribution sur les producteurs, ceci ne peut se faire que dans le cadre d’une disparité maximum de 5% de la part nette du prix de vente entre les différents producteurs. Par cet encadrement supplémentaire, le législateur impose une condition nouvelle aux fournisseurs qui réduit encore plus leurs possibilités dans la conclusion du contrat et donc réduit le champ de la liberté contractuelle. Par ailleurs, le fait de poser de telles modalités renforce la tendance à répercuter la taxe : Il s’agit d’ailleurs d’une double atteinte car le texte tend implicitement à la répercussion, mais de plus en encadre les modalités.
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