Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, n°2010-613 DC, 7 octobre 2010, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.
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Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, n°2010-613 DC, 7 octobre 2010, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.
Devant l’Assemblée constituante du 3 septembre 1946, Maurice Schumann, ancien résistant, écrivain, journaliste et homme d’État français affirmait « L’Etat a le devoir, alors que la nation est composée de personnes qui n’ont pas les mêmes croyances, de permettre à chacun des citoyens de vivre conformément aux exigences de sa conscience. Il en résulte que la doctrine de la neutralité ou, pour mieux dire, de l’impartialité de l’Etat à l’égard des croyances de tous les membres de la communauté nationale ne saurait se concevoir comme une contrainte restrictive ».
Pourtant, une loi du 11 octobre 2010 a proscrit la dissimulation du visage dans l’espace public, dont l’un des objectifs avoués était la prohibition du port du voile intégral. Cette loi interprète, contrairement à ce que préconisait Maurice Schumann, l’exercice du droit fondamental de la liberté de conscience, et plus précisément de la liberté religieuse de manière restrictive dans l’espace public. Ainsi, par une décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a validé la « loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », tout en cherchant à circonscrire le débat afin d’éviter toute forme de dérive.
En l’espèce, la loi contestée aux termes de l’article 1er de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, dispose d’abord que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». De plus, l’article 2 de ladite loi précise que que « pour application de l’article 1er, l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un certain service public. Par ailleurs, l’alinéa deux de l’article 2 indique également que « l’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles». Enfin, l’article 3 prévoit « que la méconnaissance de l’interdiction fixée à l’article 1er est punie de l’amende prévue pour les contraventions de deuxième classe ».
Le Conseil constitutionnel a subséquemment été saisi, le 14 septembre 2010, par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, afin de contrôler la conformité à la constitution de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Pour opérer son contrôle de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel relève aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. ». De plus, à l’article 5 de la Déclaration précitée prévoit que « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». Enfin, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il est indiqué que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »
Par ailleurs, le troisième alinéa du préambule de la constitution de 1946 indique que : « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. »
Une loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public dans le but de protéger l’ordre public porte-t’elle atteinte à la liberté religieuse ?
Le Conseil constitutionnel répond ici par la négative tout en émettant une réserve d’interprétation.
Il relève que l’article 1er sur interdiction générale de dissimulation du visage et l’article 2 sur la définition de l'espace public et les limites à l'interdiction de la loi ont pour objet de répondre à l'apparition de pratiques, jusqu'alors exceptionnelles, consistant à dissimuler son visage dans l'espace public. Le législateur a notamment estimé que celles-ci pouvaient constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissaient les exigences minimales de la vie en société. Le Conseil considère alors que le législateur a « complété et généralisé des règles jusque-là réservées à des situations ponctuelles à des fins de protection de l'ordre public » et «qu’eu égard aux objectifs qu'il s'est assignés et compte tenu de la peine instituée en cas de méconnaissance de la règle fixée par lui », lesdites dispositions « assurent, entre la sauvegarde de l'ordre public et la garantie des droits constitutionnellement protégés, une conciliation qui n'est pas manifestement disproportionnée ».
Une réserve d'interprétation est cependant émise. Le Conseil constitutionnel précise que « toutefois, l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l'article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l'exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public ». Les articles 1er à 3 de la loi sont donc validés sous cette réserve, de même que les articles suivants soit l'article 4 créant le délit de dissimulation forcée du visage et les articles 5 à 7 relatifs à son entrée en vigueur.
D’une part, le contrôle de proportionnalité du Conseil constitutionnel se fait à la faveur d’un ordre public immatériel ( I ). D’autre part, la réserve d’interprétation du Conseil d’État apparait ambivalente en ce qu’elle limite certes la portée anti-religieuse de la loi, mais qu’elle constitue également l’un des motifs de non-conventionnalité de celle-ci ( II ).
Un contrôle de proportionnalité du Conseil constitutionnel en faveur d’un ordre public immatériel.
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