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Commentaire de l'arrêt du 12 mars 1985

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Par   •  27 Mars 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 201 Mots (9 Pages)  •  7 409 Vues

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Commentaire d’arrêt

Cour de cassation, chambre commerciale, 12 mars 1985, Bordas

Selon l’article 1835 du code civil, toute société doit avoir une appellation. En effet, il dispose que «les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement ». Quant au nom patronymique, son choix est libre sous réserve que le principe de concurrence déloyale soit respecté. Il faut alors se prononcer sur les droits de chacun concernant le nom de la société. C’est relativement à la matière que statuera la chambre commerciale de la cour de cassation, dans son arrêt Bordas du 12 mars 1985.

En l'espèce, deux frères ont fondé une société à responsabilité limitée (SARL), qui est devenue par la suite une société anonyme, portant la dénomination « Editions Bordas », et ce, depuis 1946. A son départ de la société, l’un des frères demande à cette société de cesser toute utilisation du nom «Bordas» dans ses dénominations sociales et commerciales.

        

L’affaire est portée devant la Cour d’Appel de Paris. La Cour d'appel, en date du 8 novembre 1984, accueille la demande de l'ancien associé de la société au motif que le patronyme était inaliénable et imprescriptible, ce qui permettait à son titulaire d'en disposer librement. La société, lésée, forme donc un pourvoi en cassation.

A son départ de la société, une personne physique peut-elle interdire l’usage commercial de son patronyme, alors même que celui-ci a été inséré dans les statuts? 

La Cour de cassation, en date du 12 mars 1985, casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel et énonce, sur le fondement de l’article 1134 du code civil, ensemble l’article 1er de la loi du 28 juillet 1824, le principe fondamental selon lequel le nom patronymique, inséré dans le nom commercial, change de nature pour se rattacher au fonds de commerce, et devient ainsi l'objet d'une propriété incorporelle. En effet, « le principe de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité du nom patronymique, qui empêche son titulaire d’en disposer librement pour identifier une autre personne physique, ne s’oppose pas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou non commercial ». La Cour renvoie alors les parties devant la Cour d’appel d’Orléans. La Cour vient ici reconnaitre le principe du détachement du nom patronymique, devenu objet d’une propriété incorporelle (I). Cependant, si cette décision apparait dés lors comme une décision pragmatique, elle laisse des incertitudes (II).

  1. La reconnaissance du nom patronymique comme objet d’une propriété incorporelle pouvant se détacher de la personne physique

Une société, pour être identifié comme une personne morale, doit avoir une dénomination sociale, ou nom de société. La dénomination est déterminée par écrit dans les statuts de la société et figure dans sa déclaration d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Une société peut alors tout à fait choisir le nom patronymique d’un des associés fondateurs de la société. Il est reconnu depuis longtemps que ce nom a un caractère inaliénable et imprescriptible (A), cependant, il n'est plus contesté qu'en dépit de son inaliénabilité et de son imprescriptibilité, le patronyme peut faire l'objet d'une convention autorisant une société à l'utiliser à titre de dénomination sociale (B).

 

  1. La réaffirmation du caractère inaliénable et imprescriptible du nom patronymique

En principe, chacun a le droit d'utiliser son propre nom patronymique comme nom commercial, dénomination sociale ou marque s'il n'existe aucun usage commercial antérieur de ce nom pour la même activité. Cette dénomination sociale est librement choisie par les associés, en incorporant le nom d’un ou de plusieurs associés, en tirant parti de l’objet de l’activité, ou de manière totalement fantaisiste, sous la seule réserve qu’elle ne doit pas reprendre une dénomination déjà choisie par une entreprise concurrente, c’est-à-dire œuvrant dans le même secteur d’activité. Par définition, le nom patronymique est un mode de désignation et d’identification de la personne physique. Par conséquent il ne saurait faire l’objet d’une propriété puisqu’il constitue un attribut de la personnalité. À ce titre il est en principe inaliénable et imprescriptible. Il est un droit de la personnalité incessible. En effet, il est un attribut de la personne physique qui obéit aux règles du droit civil, il ne peut être cédé à un tiers, ni être saisi. Il est par ailleurs d’une durée illimitée, c'est-à-dire qu’il est immuable. L’inaliénabilité du nom patronymique constitue une protection contre l'usurpation ou l'utilisation abusive puisque le nom patronymique est rattaché à la personne fondatrice de la société lui ayant donné son nom. En principe, le nom patronymique ne peut donc être utilisé par les tiers et être déposé en tant que nom commercial. Par ailleurs, s’agissant de sa fonction traditionnelle d’identification des personnes, le nom patronymique est insusceptible de convention. Cependant, la Cour vient ici affirmer que ce principe ne s’oppose en aucun cas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou non commercial Désormais, et depuis l’arrêt de principe Bordas, le nom des personnes, bien qu’en principe indisponible et hors du commerce juridique, peut valablement faire l’objet de nombreuses conventions et faire ainsi l’objet d’une exploitation commerciale. La nature du nom patronymique est alors double. Le nom patronymique alors inséré par accord dans les statuts, apparait comme un signe distinctif se détachant de la personne physique (B).

  1. Le nom patronymique inséré dans les statuts : un signe distinctif se détachant de la personne physique

Dans son arrêt Bordas, la Cour rend sa décision au visa de l’article 1134 du code civil qui dispose : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». La cour vise donc ici la concurrence déloyale de certaines sociétés. Par voie de conséquence, si un accord est fait entre les parties, celui-ci ne pourra être révoqué. En effet, l'article 1134 du code civil impose d'abord de caractériser suffisamment l'accord du titulaire du nom. Un simple silence, ou une tolérance, même de longue durée, sont inopérants. Ainsi, à partir du moment où un accord extrastatutaire est admis, plus rien ne s'oppose à la reconnaissance d'un accord inclus dans les statuts, par la clause de dénomination sociale. La signature des statuts par un fondateur, manifeste son consentement à l'ensemble des clauses, et, en particulier, à celle relative à la dénomination sociale. En l’espèce, la Cour déduit le consentement de Mr Pierre Bordas de sa signature des statuts dans lesquels est inséré son nom patronymique à titre de dénomination sociale. Ils avaient « licitement choisi la dénomination […] par acte sous seing privé ». En effet, il est jugé en l’espèce, que lorsque la personne physique accepte que son nom patronymique soit inséré dans les statuts d'une société, ce nom patronymique devient alors « un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle ». Ainsi, le détachement est non seulement certain, s'il y a consentement, mais il est encore assuré de la pérennité. Le titulaire du patronyme n'a pas de droit de repentir. Tout au plus pourrait-il réagir si la société faisait de son nom une utilisation abusive, ou contraire à la bonne foi. Ainsi, Lorsque le nom patronymique d’un associé est devenu un signe distinctif de la société, la personne physique ne peut en interdire l’usage au moment de son départ de la société. Ce principe sera réaffirmé par l’arrêt Pétrossian, de la chambre commerciale, du 13 juin 1995. Finalement, ce nom patronymique est devenu indisponible pour la personne physique qui le porte sauf à en faire usage dans un domaine d'activité qui ne risque pas de créer une confusion dans l'esprit du public avec l'entreprise à qui elle a cédé son nom patronymique. La théorie du détachement est alors admise par la Cour. Si l’associé dont le nom est utilisé dans la dénomination sociale quitte la société, il ne peut pas, sauf convention contraire, exiger que la société change de dénomination sociale. Cette solution, aussi pragmatique qu’elle puisse paraitre, laisse planer le doute sur le détachement définitif de la personne physique (II).

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