Commentaire d’arrêt : Cass. Civ. 1ère, 25 fév. 1997.
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : Cass. Civ. 1ère, 25 fév. 1997.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ryanwilson239 • 30 Octobre 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 006 Mots (9 Pages) • 3 523 Vues
TD de Droit Civil : séance n°9
Commentaire d’arrêt : Cass. Civ. 1ère, 25 fév. 1997.
La première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 25 février 1997 —dit arrêt Hédreul— venant préciser quel est le détenteur de la charge de la preuve dans le cas de l’inexécution d’une obligation d’information médicale. Le demandeur du pourvoi est un patient du défendeur.
Souffrant de douleurs abdominales, M. H. a consulté son médecin qui a pratiqué une coloscopie, à l'occasion de laquelle il a procédé à l'ablation d'un polype. Au lendemain de cette intervention, M. H. a ressenti de nouvelles douleurs abdominales. Les résultats des examens établissent que l'intestin avait été perforé lors de la coloscopie, ce qui a rendu nécessaire une autre intervention qui a laissé au patient de lourdes séquelles.
Celui-ci a donc introduit une action en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Rennes. Une expertise conclu l'absence de faute du médecin mais souligne que « le risque de perforation au cas de coloscopie est à prendre en considération car il est loin d'être exceptionnel », le patient invoqua en appel, entre autres griefs, le fait que le médecin ne l'avait pas informé du risque de perforation inhérent à la coloscopie. Cette demande fut repoussée au motif qu'il revenait au demandeur de prouver le défaut d’information. Un pourvoi en cassation est formé.
Il s’agit donc pour la Cour de Cassation de trancher si la charge de la preuve de la communication d’informations préalables à une intervention médicale incombe au médecin ou non.
La cour de Cassation casse et annule le jugement de la cour d’appel en disant que oui, c’est au médecin de prouver qu’il a informé son patient, une décision qui constitue un revirement de jurisprudence de grande portée (I), largement débattue car reflétant une perception particulière de la preuve (II).
I Un revirement de jurisprudence de grande portée
- Sens de la décision
a. Existence d’une obligation d’information
L’affaire étudiée est relativement « classique » : un chirurgien effectue une opération, cette intervention a des suites malheureuses pour le patient, celui-ci cherche donc à obtenir réparation. Le médecin est assigné en justice. En 1997, un médecin est lié à son patient par une simple obligation de moyens, il est tenu de donner au malade « des soins consciencieux, attentifs et, réserve faite des circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science » (Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier). Le devoir d’information du médecin est à l’origine seulement prévu par la jurisprudence (Civ. 28 janvier 1942, arrêt Teyssier). En 1997, le médecin doit une information « loyale, claire et appropriée sur l’état du patient, les investigations et les soins qu'il lui propose » d’après l'article 35, alinéa 1er du Code de déontologie médicale (institué par un décret de 1995). Aujourd'hui il est consacré par l'article 16-3 al.2 du Code civil qui dispose que « Le consentement de l’intéressé [d’une opération médicale] doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. ».
b. Charge de la preuve de cette obligation
Dans l’affaire Hédreul, la cour d'appel rejette la demande aux motifs « qu'il appartenait (au patient) de rapporter la preuve de ce que le médecin ne l'aurait pas averti des risques inhérents à une polypectomie, et notamment de celui de perforation digestive, qualifié de non négligeable par l’expert » ; or le patient ne produit aux débats aucun élément accréditant cette thèse. La charge de la preuve considère donc que la charge de la preuve repose sur le demandeur.
Avec cette décision la cour d’appel se conforme à une jurisprudence constante depuis 1951 (Civ. 29 mai 1951, arrêt Martin/ Birot) qui avait été ensuite réaffirmée (voir en dernier lieu Civ. 1re 4 avr. 1995). La haute juridiction décide, en effet, que la charge et donc le risque de la preuve de l'inexécution de l'obligation d'information incombaient au malade, celui-ci étant tenu de prouver qu'il n'a pas été informé des risques attachés à l'opération réalisée.
- Portée de la décision
En cassant la l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de Cassation procède à un important revirement de jurisprudence. S’appuyant sur le seul article 1315 (ancien) du Code civil qui dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. », elle énonce que c'est à celui qui est tenu, légalement ou contractuellement, d'une obligation d'information de rapporter la preuve de son exécution. Par conséquent, la charge de la preuve pèse non plus sur le patient mais sur le médecin.
La Cour a par la suite appliqué cette règle à tout les professionnels débiteurs d'une obligation d’information : les avocats (Civ. 1re, 29 avr. 1997), les notaires (Civ. 1re, 3 févr. 1998), les huissier (Civ. 1re, 15 déc. 1998), les garagiste (Civ. 1re, 15 mai 2002), les souscripteur d'une assurance de groupe (Civ. 1re, 9 déc. 1997), etc.
En 2002, la détention de la charge de la preuve d’information par le médecin est codifiée par l’al. 7 de l’article 1111-2 du Code de la santé publique qui précise que « En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. »
L’éminente professeure de droit G. Viney défend cette décision de la haute juridiction (JCP 1977.1 4025). Selon elle, l’obligation d’information du professionnel de santé est prévu soit par la loi, soit par la jurisprudence (voir I.A). Son existence n’est donc pas à prouver. On se situe donc dans une situation régie par l’al. 2 de l’article 1315 (et non pas l’al.1) : « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ». Le médecin doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation d’information. C’est bien le défendeur qui détient la charge de la preuve. G. Viney dit que « Finalement cet arrêt marque un retour à l’orthodoxie juridique. ». On peut toutefois s’interroger sur l’existence d’un consensus de la doctrine en matière de charge de la preuve. La décision de la Cour de Cassation est-elle réellement cohérente avec la rigueur juridique énoncée par le professeur Viney ?
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