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Commentaire d’arrêt Cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-11.970

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Par   •  4 Novembre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 528 Mots (11 Pages)  •  493 Vues

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Commentaire d’arrêt

Cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-11.970,

Le principe d’égalité de traitement n’interdit pas toute différenciation entre salariés exerçant le même travail ou se trouvant dans une même situation. Certaines différences de traitement sont légalement prévues et d’autres peuvent être prévues par l’employeur ou instaurées par voie d’accords collectifs.

En l’espèce une salariée de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de la Manche a depuis 1997, a été affectée le 27 août 2012 sur un poste au sein du service expert du site de Saint-Lô regroupé avec le service du site de Caen au cours des mois d’août et de septembre 2014. Des collègues de cette salariée ayant également été affectés sur le site de Saint-Lô à la date du 1er juin 2011 ont bénéficié de mesures d’accompagnement des mobilités géographiques et fonctionnelles prévues par accord d’entreprise. Or cette salariée n’a pas bénéficié de ces mesures d’accompagnement lors de son affectation sur le site de Saint-Lô. Elle a alors saisi le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir ces mesures car elle se plaint de subir une différence de traitement injustifiée.

Les juges prud’homaux par un arrêt en date du 12 novembre 2015 ont rejeté les demandes de la salariée par deux motifs : d’une part que les différences de traitement résultaient d’un accord d’entreprise majoritaire et d’autre part que l’accord ne la concernait pas puisqu’elle n’était pas présente sur le site de Saint-Lô le 1er juin 2011.

La Cour d’appel de Caen dans un arrêt en date du 27 janvier 2017 a infirmé l’arrêt du Conseil de prud’hommes en retenant que les salariés du site de Saint-Lô sont dans une situation identique au regard des avantages émis par l’accord dont le but est de prendre en compte les impacts professionnels, familiaux, économiques, la mobilité géographique et d’accompagner ainsi les salariés dans leurs conditions d’emploi et de vie familiale dû au transfert des services à Caen. L’accord serait donc applicable à la salariée à compter du 15 septembre 2014. La cour d’appel a également écarté la présomption de justification de la différence de traitement car il s’agit d’une différence de traitement fondée sur la date de présence sur le site et non sur une catégorie professionnelle ou une différence de fonctions. Elle a retenu que la différence de traitement est étrangère à toute considération professionnelle.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel s’est donc pourvue en cassation en demandant une reconnaissance de présomption générale de justification des différences de traitements conventionnelles.

Dans un arrêt rendu le 3 avril 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en écartant la généralisation d’une présomption de justification de toutes différences de traitement conventionnelles selon le motif qu’en posant une présomption générale de justification de toutes différences de traitements par voie de conventions ou d’accords collectifs entre les salariés il appartient à celui qui conteste ces différences de traitement de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Cependant, cette présomption est contraire au droit de l’Union Européenne car elle fait peser sur le salarié la preuve de l’atteinte au principe d’égalité et qu’un accord collectif ne doit pas justifier une différence de traitement. En effet, les règles de preuves propres au droit de l’Union Européenne s’appliqueraient.

De ce fait, la Cour de cassation rejette le pourvoi et affirme que l’accord collectif émet une différence entre les salariés en raison de la date de présence sur le site ce qui ne saurait être présumée justifiée et que les salariés sont dans une situation identique.

Existe-t-il une présomption générale de justification des différences de traitement instituées par voie d’accords collectifs, quelles que soient les différences de traitement mis en cause ?

Le champ de la présomption s’est développé depuis 2009 par de nombreuses jurisprudences de la Haute juridiction (I) mais cette présomption de justification de différence de traitement semble en balance entre le droit de l’Union européenne et les évolutions législatives (II).

I- Le champ de présomption discuté par la Haute juridiction

A -Le développement du champ de la présomption depuis 2009

En 2009, la Cour de cassation pose le principe selon lequel la différence de catégorie professionnelle ne peut pas justifier une différence de traitement pour l’octroi d’un avantage. Puis la première inflexion de la Cour de cassation est opérée dans deux arrêts en date du 8 juin 2011 en posant le principe de la légitimité des différences de traitement issues de normes ou dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise, du moment que la différence de traitement entre cadres et non cadres est justifiée par les conditions d'exercice des fonctions.

La Cour de cassation a ensuite établi en 2015 une présomption de justification des différences de traitements opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, entre des salariés relevant de catégories professionnelles distinctes en s’appuyant sur la légitimité des organisation syndicales représentatives renforcée par la loi du 20 août 2008 (jurisprudence de la Cour de cassation en date du 27 janvier 2015). La loi du 20 août 2008 est venue transposer dans le Code du travail les règles quant à la représentativité et la négociation collective, telles que définies par les partenaires sociaux dans leur position commune du 9 avril 2008 en conférant une légitimité plus grande aux accords collectifs avec le renforcement du principe majoritaire.

Cette présomption renverse la charge de la preuve c’est-à-dire que c’est à celui qui conteste cette différence de traitement sur le fondement du principe d’égalité à qui il appartient de démontrer qu’elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle. Le fait d’avoir la charge de la preuve réduit considérablement les chances de succès du demandeur.

Cette présomption dites catégoriels a par la suite été progressivement étendue à d’autres catégories de différences de traitements conventionnelles comme celle entre salariés exerçant des fonctions distinctes d’une même catégories professionnelle (Cass. Soc., 8 juin 2016), entre salariés ayant des établissements distincts mais appartenant à la même entreprise par

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