Commentaire d'arrêt du 22 mars 2018
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt du 22 mars 2018. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ange Pessard • 21 Février 2021 • Commentaire d'arrêt • 2 406 Mots (10 Pages) • 1 355 Vues
Commentaire d’arrêt du 22 mars 2018 (3ème chambre civile CASS).
Il s’agit d’un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 22 mars 2018.
En l’espèce, Mme Y avait pris à bail des locaux commerciaux et donné le fonds de commerce qui y était exploité, en location gérance à un tiers. Le propriétaire des locaux, à savoir la Société vengeance, a délivré un congé comportant un refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction en invoquant l’absence d’exploitation préalable par le preneur à bail pendant deux années au moins, avant la conclusion du contrat de location- gérance.
Après un jugement de première instance, l'appel a été interjeté devant la Cour d’appel de Pau. Pour la cour d’appel, d’une part, la faute commise par le locataire n’est pas caractéristique d’un motif grave et légitime justifiant la privation d’une indemnité d’éviction à la suite du refus du renouvellement. D’autre part, la bailleresse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’elle a subi du fait de la faute commise. Un pourvoi est formé par la société Vengeance contre l’arrêt de la cour de Pau. D’après l’auteur du pourvoi, le refus du renouvellement du bail sans indemnité d’éviction est pleinement justifié. Au regard de tout ce qui précède, se pose une question notable : il s’agissait de savoir si la bailleresse pouvait invoquer la nullité du contrat de location-gérance ? La cour devait donc déterminer s’il s’agissait d’une nullité absolue ou d’une nullité relative.
Le point fondamental abordé par cet arrêt réside dans la réaffirmation stricte de l’obligation d’exploitation préalable du fonds de commerce pendant deux ans en sanctionnant son manquement par la nullité absolue, une nullité pouvant être invoquée par n’importe quel intéressé. Dans cette affaire la bailleresse est tiers au contrat de location-gérance, elle devait invoquer la nullité absolue. Les juges de la Cour d’appel parle de rapport contractuel entre le loueur et le locataire gérant. Selon la Cour d’appel la nullité peut être invoquée mais ici la bailleresse ne pourrait pas l’invoquer, étant tiers au contrat. La Cour d’appel estime qu’une solution contraire serait bien trop stricte pour le locataire-gérant. Les deux congés sont contestés par le preneur.
La cour d’appel considère que le preneur, en ne respectant pas le délai de deux années prévu à l’article L 144-3 du Code de commerce, a commis une faute, dans ses rapports contractuels avec le locataire-gérant, susceptible d’entraîner la nullité du contrat de location gérance mais que cette faute ne constitue pas un motif grave et légitime au sens de l’article
L145-17 du Code de commerce, le bailleur ne rapportant pas la preuve de son préjudice sur le fondement de l’article 1382 ancien du Code civil.
Son arrêt est cassé par la Cour de cassation qui juge que la sanction d’un contrat de location gérance conclu en violation des conditions de l’article L 144-3 du Code de commerce est la nullité absolue, laquelle entraîne la déchéance du droit à renouvellement prévu à l’article L144-10 du Code de commerce.
Ainsi, la bailleresse était-elle en droit d’invoquer la nullité du contrat de location gérance afin de faire obstacle au renouvellement du bail commercial et à l’indemnité d’éviction ? En d’autres termes, la nullité prévue à l’article L144-10 du code de commerce était-elle relative ou absolue ?
Au visa des articles L.144-3 et L.144-10 du code de commerce, la troisième chambre civile casse l’arrêt de la Cour d’appel de Pau du 10 janvier 2017 au motif que « le contrat de location-gérance conclu en violation des conditions exigées du loueur, qui n’ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties, est atteint d’une nullité absolue et que la déchéance du droit à renouvellement du bail, prévue par l’article L.144-10, est encourue dès lors que le preneur consent un contrat de location-gérance atteint par la nullité prévue à l’alinéa 1er du même texte ».
L’enjeu de la loi du 19 juillet 2019 est qu’elle supprime l’obligation d’exploitation personnelle du propriétaire du fonds avant sa mise en location gérance donc on s’intéresse à l’incidence de la loi du 19 juillet 2019 sur la solution de l’arrêt du 22 mars 2018 de la troisième chambre civile.
Nous allons ainsi dans une première partie parler de l’appréciation stricte du défaut d’exploitation du fonds de commerce dans le délai légal (I), et dans une seconde partie, nous allons parler de la double sanction du défaut d’exploitation du fonds de commerce dans le délai légal (II).
I- L’appréciation stricte du défaut d’exploitation du fonds de commerce dans le délai légal
Nous allons ici évoquer la nécessaire exploitation personnelle du fonds pendant au moins deux ans (A) puis de l’option pour la qualification de nullité absolue (B).
A) La nécessaire exploitation personnelle du fonds pendant au moins deux ans
La condition relative à l’exploitation personnelle du fonds de commerce pendant une durée de deux ans était nécéssaire sous l’empire de la loi ancienne (1) mais a été finalement abrogée par la loi du 19 juillet 2019 (2).
1) Une condition nécessaire sous l’empire de la loi ancienne
Par la loi du 20 mars 1956, des conditions d’antériorité d’exploitation du fonds par son propriétaire avant de pouvoir procéder à ce mode d’exploitation par un tiers sont imposées. Initialement, le loueur devait avoir exercé personnellement une activité commerciale pendant 7 ans avant de conclure le contrat. C’était la première condition, la deuxième concernait la mise en location-gérance. Cette mise en location-gérance supposait une période antérieure d’exploitation personnelle de deux ans. Le but du législateur était d’éviter qu’un investisseur ne procède à l’acquisition de fonds de commerce, qu’il mettrait immédiatement en location gérance et que ne se réalise ainsi un effet purement spéculatif. Il s’agissait donc d’une condition nécéssaire et préventif sous l’empire de la loi ancienne. Cependant, cette condition a fini par être abrogée par la nouvelle loi de 2019.
2) Une condition abrogée sous l’empire de la loi nouvelle
La loi du 19 juillet 2019 a abrogée l’article L144-3 du code de commerce qui indiquait que la location-gérance devait avoir exploité pendant deux années au moins le fonds de commerce. Par
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