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Commentaire d'arrêt Pierre Berge

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Par   •  12 Novembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 219 Mots (9 Pages)  •  1 989 Vues

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Travaux Dirigés : Droit administratif des biens

Il y a des principes qui demeurent en vigueur, malgré l'usure du temps. C'est le cas du principe d'inaliénabilité du domaine public, qui trouve son origine dans l'Edit de Moulins de 1566. En effet, il consacrait l'inaliénabilité comme une loi fondamentale du Royaume. Ce règle est confirmé dans l’arrêt du 28 juin 2018 rendu par le conseil d’Etat.

En l’espèce, des particuliers ont souhaité vendre aux enchères une statuette médiévale d’albâtre représentant un moine pleurant, provenant du tombeau de Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne. Ils ont chargé la société Pierre Bergé et associés de procéder à la vente. Ils étaient en possession du pleurant n°17 qui faisait partie d’un ensemble d’une quarantaine de statuettes depuis 1813 et a été par la suite transmis de manière successorale.

La société Pierre Bergé et associés a sollicité du ministre de la culture un certificat d’exportation en vue d’une éventuelle sortie définitive du territoire national pour cette statue.

Le 3 décembre 2014, le ministre de la culture a refusé de délivrer ce certificat et a exigé la restitution de la statuette, au motif que celle-ci appartenait au domaine public de l’État.

Cette décision a été contestée devant le tribunal administratif de Paris mais le 17 décembre 2014 la demande a été rejetée. La société a alors interjeté appel mais la requête de première instance a été confirmé par la cour administrative de Paris. La société Pierre Bergé et associés et les particuliers se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État.

La famille, détentrice de la statuette depuis 1813, invoquait en premier lieu l’argument de la prescription acquisitive prévue par le décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux. La statuette avait en effet été incorporée, comme tous les biens ecclésiastiques, au domaine national au moment de la Révolution française.

Les requérants arguaient aussi second lieu pour contester la restitution de la statuette à l’État, du droit au respect de la propriété des biens. Ce droit est institué et garanti par le premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’intérêt public de protection d’un bien du domaine public permet il la restitution de ce bine malgré que ce bien ait appartenu à une même famille pendant plus de 200 ans ?

Par la décision du Conseil d’État, les jugent vont décider que la statuette n’a jamais cessé d’appartenir à l’État depuis la Révolution française. L’exportation ne peut donc avoir lieu et la statuette doit être restituée par la famille. Le conseil d’état va rejeter les deux arguments sur la prescription acquisitive pou manque de décret législatif (I) et le droit au respect des biens garantis par l’article 1 du protocole additionnel de la convention européenne (II).

I - La possibilité d’aliéner un bien historique sous certaines conditions restreintes  

Le principe d’inaliénabilité qui semple être un principe sacré a cependant des exceptions dont une que l’arrêt évoque mais qui n’est malgré tout pas applicable en l’espèce.

  1. Une exception au principe classique d’inaliénabilité

Le principe d’inaliénabilité est un principe instauré depuis longtemps. Cette règle a été établie par l’édit du Moulin en 1566. Jugée comme la loi fondamentale du Royaume, elle avait pour but de protéger les biens de la couronne contre les ventes excessives du pouvoir royal. Le principe d’inaliénabilité entraîne l’impossibilité de cession des biens du domaine public (CA de Paris, 1846). Ainsi, la vente d'un bien non déclassé est considérée nulle. Elle a été réaffirmé par la promulgation du code général de la propriété des personnes publiques avec son article L3111-1 qui dispose que : «Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. »

Si cette règle semble intangible, elle connait cependant certaines atténuations issues de la législation. En l’espèce, c’est une de ces atténuations que la famille de la statue invoque. Elle argue que la statuette fait partie du domaine national possiblement aliénable du fait de la prescription acquisitive. Pour cela, la famille s’appuie sur le décret du 2  novembre 1789 qui dispose que « tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation […]». De plus l’article 8 du décret de l’Assemblée constituante des 22 novembre et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux, aux échanges et concessions et aux apanages dispose que « Les domaines nationaux et les droits qui en dépendent, sont et demeurent..; mais ils peuvent être vendus et aliénés à titre perpétuel et incommutable, en vertu d’un décret formel du corps législatif, sanctionné par le Roi, en observant les formalités prescrites pour la validité de ces sortes d’aliénations ». Ce décret instaure donc une exception au principe d’inaliénabilité du domaine public. Le pleurant n°17 faisant partie du domaine national des biens ecclésiastiques peut se voir appliquer ce décret et il pouvait etre envisager que l’oeuvre d’art soit aliénable.

Il convient de voir désormais si en l’espèce, la statue remplissait les conditions prévues par le décret.

B) L’absence d’un décret législatif pour utiliser la prescription acquisitive

La famille, détentrice de la statuette depuis 1813, invoquait en premier lieu le bénéfice de la prescription acquisitive prévue par le décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux afin de garder en sa possession le pleurant n°17 et ne pas le remettre à l’Etat.   Ce pleurant faisait parti d’une collection d’une quarantaine de statuette qui avaient en effet été incorporées, comme tous les biens ecclésiastiques, au domaine national au moment de la Révolution française. Il était donc soumis au décret mentionné précédemment. Ce décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 dispose que « La prescription aura lieu à l’avenir pour les domaines nationaux dont l’aliénation est permise par les décrets de l’assemblée nationale, et tous les détenteurs d’une portion quelconque des dits domaines, qui justifieront en avoir joui par eux-mêmes ou par leurs auteurs, à titres de propriétaires, publiquement et sans trouble, pendant quarante ans continuels à compter du jour de la publication du présent décret, seront à l’abri de toute recherche ». Pour faire jouer la prescription acquisitive d’un bien du domaine public, il faut donc absolument qu’un décret législatif sanctionné par le roi ai été promulgué. L’arrêt énonce que s’il « résulte de ces dispositions que si en mettant fin à la règle d’inaliénabilité du « domaine national », le décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 a rendu possible, pendant qu’il était en vigueur, l’acquisition par prescription des biens relevant de ce domaine, cette possibilité n’a été ouverte que pour les biens dont « un décret formel du corps législatif, sanctionné par le Roi » avait préalablement autorisé l’aliénation. »

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