Commentaire d'arrêt : CE, 4 mars 2015, n°360508
Dissertation : Commentaire d'arrêt : CE, 4 mars 2015, n°360508. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Xylon • 6 Février 2016 • Dissertation • 2 986 Mots (12 Pages) • 1 174 Vues
Dans un arrêt en date du 4 mars 2015, le Conseil d’Etat précise les conséquences fiscales de la levée d’option par une société civile immobilière (SCI) d’un crédit-bail immobilier, et répond particulièrement à la question de savoir si la levée d’option d’un contrat de crédit-bail immobilier est génératrice d’une plus-value professionnelle pour le crédit-preneur.
En l’espèce, une SCI non soumise à l’impôt sur les sociétés constituée par deux associés à hauteur de 50% chacun, a conclu un contrat de crédit-bail avec une société de crédit-bail pour l’acquisition d’un bien immeuble, immeuble qu’elle a par suite donné en sous-location. A la suite de la levée d’option du crédit-bail de la part de la SCI, celle-ci devient propriétaire de l’immeuble. L’Administration considère alors que une telle levée d’option avant entraîné un changement de nature de l’activité exercée, et réintègre en conséquence dans le résultat de la SCI la plus-value résultant de ce changement d’activité ainsi que des amortissements. Les associés demandent alors au Tribunal administratif de Paris de les décharger d’une telle cotisation supplémentaire, qui rejette leur demande. La Cour administrative d’appel de Paris rejette l’appel, et les associés se pourvoient en cassation contre cet arrêt. L’intérêt majeur de l’arrêt est en effet de se demander si, en effet, la levée d’option du contrat de crédit-bail générait pour la société une plus-value professionnelle à réintégrer dans son résultat. Le Conseil rejette le pourvoi, en confirmant l’arrêt de la Cour administrative d’appel, la levée d’option du contrat de crédit-bail ayant en effet été générateur d’une plus-value professionnelle pour la société.
Cet arrêt rendu par le Conseil d’Etat peut être regardé comme une jurisprudence attendue (I), dont le raisonnement reste néanmoins particulier (II).
I- Une jurisprudence attendue
L’arrêt du Conseil d’Etat s’inscrit dans le cadre d’une construction doctrinale déjà ancienne sur l’évolution du crédit-bail (A), et vient confirmer cette doctrine administrative (B).
A) Une construction doctrinale déjà ancienne sur l’évolution du crédit-bail « libre »
Si la possibilité du prêt était déjà offerte aux sociétés pour l’acquisition de biens, celui-ci pouvait demeurer difficile à obtenir pour certaines sociétés commerciales ne disposant pas d’assez bonnes garanties. C’est donc dans ce contexte que se développent le contrat de crédit-bail, permettant de contourner les inconvénients de l’emprunt et protégeant à la fois le crédit-bailleur et le crédit-preneur. Apparaissent ainsi des sociétés spécialisées dans le crédit-bail, les SICOMI, qui s’accompagnent néanmoins de règles fiscales imposant de réintégrer une partie des redevances perçues au cours du contrat ; face à ces règles, apparaissent les contrats de crédit-bail par des sociétés autres, contrats de crédit-bail « libres » puisque les règles ne s’appliquaient pas pour de telles sociétés. Beaucoup de SCI ont ainsi souscrit à ces types de contrat de crédit-bail, puisqu’intéressant pour ce type de société non soumise à l’impôt sur les sociétés, permettant à ses associés de générer un déficit non-commercial imputable sur leur revenu global.
A travers la banalisation du crédit-bail immobilier, c’est ce montage que l’Administration fiscal déconstruit alors au fil des années, et c’est dans cette évolution que doit être placé l’arrêt étudié.
La première réponse ministérielle, Trémège, du 2 mai 1988 est néanmoins très claire : le changement de régime d’imposition faisant suite à la levée d’option est sans conséquence. Cependant, l’Administration fiscale revient sur cette réponse deux ans plus tard, au sein de l’article 22 de la Loi de Finances de 1990 en précisant que « la levée d’option, stipulée dans le crédit-bail immobilier, exercée par une SCI non soumise à l’IR, en modifiant la situation fiscale de la société dont les bénéfices cessent de relever de la catégorie des BNC pour entrer dans la catégorie des revenus fonciers, doit aboutir à la constatation d’une plus-value professionnelle à court terme ». A sa suite, la Loi de Finances de 1991 précise les règles fiscales pour le crédit-bail conclu par une personne ou société civile sans activité professionnelle, qui utilise l’immeuble pour une sous-location à caractère civil. Elle assimile ainsi, dans ces situations, les contrats de crédit-bail à des immobilisations, dès lors que les redevances ont été déduites du bénéfice imposable, et précise que les biens acquis de ces contrats de crédit-bail doivent être considérés comme éléments d’actifs affectés à l’exercice de l’activité non commerciale pour l’application de l’article 93 du Code général des Impôts sur les dépenses déductibles. Par suite, l’Administration, dans une réponse ministérielle, Moyne-Bressand du 20 mai 1991, va considérer, dans le cas d’une levée d’option d’achat de l’immeuble sous-loué, que le transfert du bien dans le patrimoine du contribuable résultant de la cessation de l’activité de sous-location est de nature à dégager une plus-value imposable. Finalement, l’article 31 de la Loi d’initiative et entreprise individuelle du 11 février 1994 va légaliser cette doctrine tout en instaurant une possibilité de report d’imposition de cette plus-value professionnelle pour de telles levées d’option portant sur un immeuble précédemment donné en sous-location.
Au travers de cet édifice doctrinal, pourtant ambigu à l’origine, apparaît ainsi très clairement la position de l’Administration : en effet, la levée de l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble précédemment donné en sous-location peut être génératrice d’une plus-value. C’est cette position que le Conseil d’Etat, par sa jurisprudence, va confirmer dans l’arrêt du 4 mars 2015.
B) La confirmation jurisprudentielle de la doctrine administrative
Il faut, dans un premier temps et à titre de parenthèse, préciser que l’arrêt est important d’un point de vue procédural : le Conseil d’Etat y précise en effet que l’Administration n’est pas tenue de faire droit à une demande de saisine de la Commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d’affaire, présentée par les personnes de la société. Néanmoins, ce n’est pas là que réside le principal apport de l’arrêt auquel nous nous limitons aussi, qui
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