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Commentaire arrêt Civ 1ère 13 Janvier 1998

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Par   •  20 Janvier 2016  •  Commentaire d'arrêt  •  2 149 Mots (9 Pages)  •  4 066 Vues

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TD Droit des contrats séance n°4

Commentaire d'arrêt :

L'arrêt que nous allons commenter est un arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, le 13 Janvier 1998. Cette décision est relative à l'annulation d'une vente pour erreur portant sur une qualité substantielle de la chose objet du contrat.

En l'espèce, le 21 Novembre 1989 lors d'une vente aux enchères effectué par le commissaire priseur Z et l'expert Y, une société s'est rendu acquéreur d'un pastel sur contre-épreuve présenté comme étant une œuvre du peintre X. Néanmoins, le comité de ce peintre fondé en 1990, soit quelque temps après la vente, a fait savoir à l'acheteur qu'il y avait un doute sur l'authenticité de l’œuvre. De plus, l'expert judiciaire nommé a conclu que l'authenticité de l’œuvre ne pouvait pas être établie formellement. L'acquéreur a donc assigné en justice le commissaire priseur ainsi que l'expert pour demander la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue.

Nous n'avons pas d'informations sur le jugement de 1ère instance. Dans son arrêt du 17 Octobre 1995, la Cour d'appel de Paris déboute l'acquéreur de sa demande, aux motifs que les conclusions de l'expert ne permettaient pas d'affirmer que l’œuvre n'était pas authentique, et que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve non plus d'une erreur portant sur l'authenticité de la chose. L'acquéreur forme alors un pourvoi en cassation.

Le doute sur l'authenticité de l’œuvre apparaissant postérieurement à la vente peut-il être un motif de l'annulation du contrat sur le fondement de l'erreur ?

Dans sa décision, la Cour de cassation considère que la Cour d'appel de Paris, « sans rechercher si la certitude de l'authenticité de l’œuvre ne constituait pas une qualité substantielle et si la société n'avait pas contracté dans la conviction erronée de cette authenticité », a violé l'article 1110 du code civil. Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel.

Il convient d'étudier le fait que la nullité n'est envisagée que pour un seul type d'erreur (I), puis de voir que cette décision apporte des précisions sur les conditions de l'action en nullité (II).

I- La certitude de l'authenticité de l’œuvre reconnue comme qualité substantielle :

En vertu de l'article 1109 du code civil, un contrat peut être annulé en cas de vices de consentements portant soit sur le dol, soit sur la violence, soit sur l'erreur. Dans le cadre de notre espèce, la faute portait sur l'erreur, mais il est nécessaire de rappeler qu'un seul type d'erreur est admis pour l'action en nullité (A). Néanmoins, dans le domaine de l'art, s'est souvent posée la question de savoir si l'authenticité incertaine d'une œuvre pouvait constituer une erreur sur les qualités substantielles (B).

A) La nullité admise qu'en cas d'erreur substantielle :

Pour que l'erreur soit cause de nullité, en vertu de l'article 1110 du code civil, il faut que cette erreur porte sur une qualité substantielle, c'est-à-dire qu'elle doit porter sur une substance de la chose objet du contrat.  

A l'origine lors de la rédaction du code civil, la substance était entendue comme un élément matériel relatif à la chose, et cela revêtait donc un caractère objectif. Néanmoins, aujourd'hui, cette erreur s'entend plutôt au sens subjectif, puisque l'on considère que cette qualité sera celle en vue de laquelle les contractants ont décidé de contracter, et sans laquelle ils ne l'auraient pas fait. Dans notre arrêt, la substance de la chose du contrat contestée était l'authenticité de l’œuvre, et il est de jurisprudence constante, comme dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 23 Février 1970, que « l'erreur sur l'authenticité du tableau est une erreur sur la substance ».

Enfin, selon un décret du 3 Mars 1981, il ne fait plus aucun doute que l'authenticité de l’œuvre est une qualité substantielle. Ainsi, cette question de l'admission de la nullité pour erreur sur l'authenticité de l’œuvre n'aurait pas du faire débat, mais en réalité, notre question est plus précise. En effet, en l'espèce, il s'agit de savoir si une incertitude sur l'authenticité de l’œuvre d'art peut être considérée comme une erreur sur la substance, entraînant de ce fait la nullité du contrat.

B) L'admission de l'erreur même en cas de doute postérieure à la vente :

Il arrive, comme c'est le cas en l'espèce s'agissant de l'authenticité incertaine, qu'on ait un doute sur la réalité d'une qualité considérée comme essentielle. Dans ce cadre, le doute affectant l'authenticité ne doit pas être vu comme un élément du contrat caractérisant ce contrat comme aléatoire, ce qui entraînerait l'impossibilité pour la victime de l'erreur de demander l'annulation de la vente.

De plus, en principe la réalité est certaine, mais en l'espèce elle était douteuse, on ne connaissait pas de manière certaine l'auteur de l’œuvre, c'est pourquoi on demande annulation de la vente pour erreur sur la certitude de l'authenticité.

Sur ce point, la jurisprudence est partagée. En effet, par exemple, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 2 Octobre 1970, il est indiqué que « les simples doutes qui étaient apparus sur l'auteur du tableau litigieux ne suffisaient pas à établir la non-authenticité de cette œuvre », et ce principe sera réaffirmé dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 2 Juin 1981. Cependant, dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 31 Mars 1987, la Cour de cassation estime que sont « substantielles non seulement l'authenticité de l'objet, mais encore la possibilité de l'établir avec certitude ». On peut alors remarquer que l'appréciation souveraine confiée aux juges du fond, en ce qui concerne le fait de savoir quelle qualité sera considérée ou non comme substantielle, diffère selon les juges.

En somme, dans le cadre de notre affaire, on se trouve donc face à un problème d'interprétation des qualités substantielles. En effet, les juges font leur propre analyse, et c'est pourquoi ils peuvent à bon droit décider que si l'authenticité peut être une qualité substantielle, alors son caractère certain peut aussi être considéré ainsi. Il faut tout de même noter que vingt ans plus tôt dans la célèbre affaire « Poussin », les juges de cassation, dans un arrêt d'Assemblée plénière du 13 Décembre 1983, avaient admis l'annulation de la vente d'une œuvre d'art pour erreur sur l'authenticité de l’œuvre, alors que le doute était survenu après la conclusion du contrat.

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