Arrêt Bosphorus CEDH
Dissertation : Arrêt Bosphorus CEDH. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Beotien • 21 Septembre 2016 • Dissertation • 1 454 Mots (6 Pages) • 1 912 Vues
CEDH : Grande Chambre : affaire Bosphorus (30 juin 2005)
EN FAIT
Les autorités irlandaises ont saisi (le 8 juin 1993), sur leur territoire, un aéronef pris en location par la société turque Bosphorus auprès de la compagnie aérienne nationale yougoslave (yugoslav Airlines « JAT »), en application du règlement CEE 990/93 mettant en œuvre le régime des sanctions décidé par l’ONU contre la République fédérale de Yougoslavie.
Un recours fut introduit devant les juridictions irlandaises afin de contester cette saisie, notamment en ce qu’elle violerait le droit de propriété de la société Bosphorus.
Après un épuisement des voies de recours internes, une question préjudicielle fut adressée par la Cour suprême irlandaise à la CJCE visant notamment à déterminer si l’avion concerné entrait dans le champ d’application du règlement CEE. La réponse de la CJCE (arrêt du 30 juillet 1996) a été positive, après avoir également considéré qu’il n’y avait pas violation du droit de propriété :
Point 26 « Au regard d’un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale qui consiste à mettre un terme à l’état de guerre dans la région et aux violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la république de Bosnie-Herzégovine, la saisie de l’aéronef en question qui est la propriété d’une personne ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie ou opérant depuis cette république ne saurait passer pour inadéquate ou disproportionnée. »
En 1997, une requête est introduite par la société Bosphorus auprès des instances de contrôle de la CEDH alléguant une violation de l’article 1er du Protocole n°1 (droit de propriété).
La question revêtant un caractère important, la Chambre s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre. Celle-ci a rendu son arrêt le 30 juin 2005 (quid respect du délai raisonnable).
EN DROIT
I. Sur les exceptions préliminaires
Le gouvernement irlandais soutient que :
a) la société requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes car pas d’action en responsabilité contre TEAM (SPRL irlandaise chargée de la maintenance des aéronefs)
b) la requête aurait dû être introduite dans un délai de 6 mois à compter de la date de l’arrêt
c)la requête est abusive en ce sens que la société requérante a tenté d’induire en erreur les juridictions nationales et la Cour de Strasbourg sur un certain nombre de points importants.
>La Chambre les avait rejetées et la Grande Chambre a confirmé.
II. Les observations concernant l’article 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole n°1 à celle-ci
La société requérante soutient que la façon dont l’Irlande a appliqué le régime des sanctions pour saisir son aéronef s’analyse en l’exercice d’un pouvoir d’appréciation susceptible de contrôle aux fins de l’article 1 de la Convention et en une violation de l’article 1 du Protocole n°1.
Le gouvernement irlandais défend la thèse inverse, tout comme les parties intervenantes telles que la Commission européenne, le Gouvernement italien, et le gouvernement britannique, à l’exception (en partie) de l’Institut de formation en Droits de l’Homme du barreau de Paris.
III. Appréciation de la Cour
A. Article 1 de la Convention
L’article 1 de la Convention énonce : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ».
➔ Les Etats parties doivent répondre de toute violation des droits et libertés protégés par la Convention commise à l’endroit d’individus placés sous leur « juridiction ».
§137 […] « La société requérante, en tant que destinataire de la mesure litigieuse, relève de la « juridiction» de l’Etat irlandais, et son grief relatif à cette mesure est compatible ratione loci, personae et materiae avec les dispositions de la Convention ».
B. Article 1 du Protocole n°1 de la Convention
« Toute personne physique ou morale a droit au respect des ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international .
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.»
➔ Les parties ne contestent pas qu’il y a eu une « atteinte » (saisie de l’aéronef) aux « biens » de la société requérante (bénéfices de la location de l’appareil), et la Cour ne voit aucune raison d’en juger autrement.
1. La règle applicable
Toutefois, les parties sont en désaccord sur le point de savoir si ladite atteinte doit s’analyser en une privation de propriété ou en une mesure relevant du pouvoir que possèdent les Etats de réglementer l’usage des biens.
La cour rappelle que cette disposition garantissant le droit de propriété contient 3 normes distinctes : 1- Le principe du respect de la propriété
2- La privation de propriété sous certaines conditions.
3- Les Etats ont le droit, entres autres, de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général.
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