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La jurisprudence comme source de la loi CEDH

Dissertation : La jurisprudence comme source de la loi CEDH. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  29 Septembre 2013  •  Dissertation  •  2 217 Mots (9 Pages)  •  1 307 Vues

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Le 26 mai 2011, la Cour EDH admet qu'un revirement de jurisprudence, survenu après qu'une cour d'appel a accordé une indemnité aux requérants, puisse, de façon rétroactive, les priver de leur droit à réparation sans porter atteinte à leur « droit d'accès au tribunal ». - Elle juge que ni la sécurité juridique ni le droit au respect des biens ne sont heurtés par ce revirement, ce qui peut susciter de sérieuses réserves

Sommaire

Alors qu'elle lutte sans merci contre la rétroactivité des lois combattant la jurisprudence, la Cour EDH conforte, à l'inverse, la rétroactivité des revirements de jurisprudence modifiant l'interprétation de la loi. Pourquoi accepter de la jurisprudence, ce qui apparaît si dangereux pour la loi ? Entre la loi et la jurisprudence, y aurait-il deux poids, deux mesures ? La réponse était négative tant que le législateur n'avait pas à subir la concurrence du juge au royaume des sources du droit. La dévote jurisprudence s'inclinait alors devant la majestueuse loi. Dans l'esprit des codificateurs, l'article 2 du Code civil qui pose le principe de non-rétroactivité ne visait que la loi votée par le législateur. « Ne confondons pas les jugements avec les lois. Il est de la nature des jugements de régler le passé, parce qu'ils ne peuvent intervenir que sur des actions ouvertes, et sur des faits auxquels ils appliquent des lois existantes. Mais le passé ne saurait être du domaine des lois nouvelles, qui ne le régissaient pas » (Portalis, in Fenet, t. 6, 1836, p. 354). Depuis la jurisprudence est conçue comme une source de droit par la Cour EDH, elle-même. Cette dernière considère que l'utilisation du terme « loi » dans les articles de la Convention, « englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle » (CEDH, 26 avr. 1979, n° 6538/74, Sunday Times). À titre exceptionnel, la Cour strasbourgeoise semblait même accepter l'idée de refouler la rétroactivité des revirements de jurisprudence au nom de la sécurité juridique (CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, Marckx c/ Belgique). Forte de ces belles intentions, mais oublieuse de l'article 5 du Code civil qui prohibe les arrêts de règlement, la Cour de cassation s'engagea en faveur du revirement pour l'avenir (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n° 01-10.426 : JurisData n° 2004-024681, solution recommandée par le groupe de travail présidé par N. Molfessis in Les revirements de jurisprudence : Litec, 2005). La rétroactivité de la règle jurisprudentielle pouvait donc être freinée lorsqu'elle aboutissait « à priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention EDH, en lui interdisant l'accès au juge » (Cass. ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493 : JurisData n° 2006-036604 ; Bull. civ. ass. plén., 2006, n° 15). Le critère de la privation de « l'accès au juge » qui permet de limiter dans le temps un revirement jurisprudentiel est toutefois d'un maniement délicat. Il a été si rarement mis en oeuvre par le juge judiciaire que l'on peut se demander si les revirements pour l'avenir ne seraient pas déjà enterrés à peine leur naissance officialisée (Cass. 1re civ., 11 juin 2009, n° 07-14.932 : JurisData n° 2009-048473). L'arrêt Legrand contre France rendu le 26 mai 2011 confirme cette impression en lui donnant des airs de Requiem (CEDH, n° 23228/08 : JCP G 2011, act. 730, obs. C. Picheral). Comme pour s'en excuser, la Cour rappelle que ce n'est que dans un obiter dictum qu'elle avait accepté l'idée des revirements pour l'avenir. En l'espèce, l'application d'une nouvelle règle prétorienne à une instance en cours conduit à priver la victime d'une infection nosocomiale de l'indemnité allouée en appel. Selon la Cour EDH, ni la sécurité juridique, ni le droit au respect des biens n'ont été heurtés par la rétroactivité du revirement de jurisprudence. L'affirmation péremptoire ne parvient pas à convaincre tant sont nombreux les bémols qui l'accompagnent et qui résonnent comme autant de fausses notes à ce Requiem européen pour la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence.

La sécurité juridique constitue selon la Cour « l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit » garanti par l'article 6 de la Convention. Le premier bémol résulte de la situation critiquable dans laquelle la victime est laissée, sous couvert de sécurité juridique : alors que nul ne conteste la réalité de son préjudice, la voilà privée de toute indemnité par l'effet d'un revirement de jurisprudence modifiant des règles du jeu procédural en cours de procès. Plus précisément, une femme contracta une infection nosocomiale au cours d'une opération chirurgicale pratiquée en 1989. Le 20 décembre 2000, le tribunal correctionnel relaxa le médecin du chef de blessures involontaires et rejeta les demandes en réparation des préjudices sur le terrain délictuel. Après leur désistement d'appel devant la juridiction répressive en novembre 2001, la patiente et son mari assignèrent le médecin devant les tribunaux civils. Le médecin souleva une exception tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil que la cour d'appel, le 28 juin 2006, rejeta au motif que l'action avait été engagée devant le juge civil sur un fondement contractuel et non délictuel. Elle condamna le médecin à réparer les différents préjudices, conformément à la jurisprudence ayant mis à la charge des praticiens une obligation de sécurité-résultat en matière d'infection nosocomiale (Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n° 96-13.332 : JurisData n° 1999-001449). Mais quelques jours après la décision de la cour d'appel, l'Assemblée plénière, dans l'arrêt Cesareo du 7 juillet 2006, posait qu'il « incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci » (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 : JurisData n° 2006-034519 ; JCP G 2007, II, 10070, note G. Wiedercker). Faisant application de ce principe à l'espèce, la Cour de cassation, le 25 octobre 2007 (n°06-19.524 ; JurisData n° 2007-041119) cassa l'arrêt au motif que les requérants auraient dû invoquer la responsabilité contractuelle dès leur première demande au pénal. Sans doute pourrait-on avancer que les requérants avaient bénéficié de la rétroactivité d'un revirement de jurisprudence ayant fait peser sur le médecin une obligation de résultat, à partir de 1999 (sur la rétroactivité du revirement réalisé par les

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