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Arrêt GISTI et FAPIL

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Par   •  6 Novembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 111 Mots (9 Pages)  •  8 900 Vues

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        Le 11 avril 2012, le Conseil d’État réuni en assemblée du contentieux rend une décision portant sur l'effet direct des traités internationaux, autrement dit sur l'autorité du droit international en droit interne.

        En l'espèce, un décret du 8 septembre 2008 détermine, à travers l'insertion de l'article R300-dans le code de la construction et de l'habitation, les conditions de permanence du séjour en France qui ouvrent un droit au logement opposable aux personnes qui ne sont pas de nationalité française, ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

        Le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) et la Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement (FAPIL) demandent au Conseil d’État l'annulation du décret du 8 septembre 2008 pour excès de pouvoir et la condamnation de l’État au paiement de 3.000€ pour couvrir les frais exposés par les associations.

Les requérants reprochent à ce décret d'exclure des titres de séjour temporaires portant la mention ''étudiant'', ''salarié en mission'' ou encore ''compétences et talents'', attribués à des personnes pouvant avoir la qualité de travailleurs migrants, ce qui va à l'encontre des dispositions de la Convention internationale du travail n°97 du 1er juillet 1949 et du principe d'égalité.

        Mais dans quelle mesure une convention internationale produit-elle un effet direct en droit interne?

        Le Conseil d’État répond à cette question par la positive en émettant tout de même des critères à l'application de l'effet direct. Nous verrons tout au long de notre discussion que les critères d'application de l'effet direct sont effectifs en l'espèce, et qu'ils permettent au Conseil d’État de s'appuyer sur la Convention du 1er juillet 1949 pour censurer le décret du 8 septembre 2008 en raison de son inconventionnalité (I) mais aussi en raison de son atteinte au principe d'égalité (II).

I- Une censure d'abord liée à l'inconventionnalité du décret 

Le Conseil d’État déclare que la Convention du 1er juillet 1949 est invocable par les particuliers devant les juridictions françaises. Il y a donc un effet direct de cette convention en droit interne ; la notion d'effet direct, si elle était auparavant obscure (A), est définie clairement depuis la décision du 11 avril 2012 du Conseil d’État (B).  

        A- Une définition auparavant obscure de l'effet direct 

  • effet direct = aptitude à produire, sans mesure d'exécution interne, des droits et des obligations dont les particuliers ou les collectivités publiques (autres que l'Etat) peuvent se prévaloir en justice
  • arrêt Kirkwood (CE, 30 mai 1952) qui admettait que les justiciables sont recevables à invoquer dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir la méconnaissance d'une convention internationale par l'acte administratif attaqué  
  • arrêt GISTI de 1997: seules sont susceptibles d’être utilement invoqués à l’appui de conclusions tendant à l’annulation d’une décision administrative, ''qu’elle soit individuelle ou réglementaire''les stipulations de conventions internationales produisant un effet direct à l’égard des particuliers / pas d'abandon total de cette jurisprudence
  • jurisprudence qui était restée très obscure sur les critères de l'effet direct, ce qui a mené par conséquent à des décisions relativement restrictives qui attachaient une grande importance à la rédaction des stipulations des traités / certains arrêts écartaient l'effet direct des stipulations commençant par les formules ''les États veillent à...'' ou ''les États s'engagent à...''
  • rapporteur public qui met en garde contre la tentation de ''conférer un poids excessif à la clarté et à la précision des termes'' ou de ''s’arrêter au choix rédactionnel'' / généralité et imprécision de la stipulation qui ne doit pas être des critères pour ne pas appliquer l'effet direct

→ arrêt GISTI de 2012 qui vient éclaircir cette notion / définition claire et large de la notion (transition vers le B)

        B- Une définition claire et nette de l'effet direct depuis la décision du 11 avril 2012 

  • requérants qui invoquaient la méconnaissance de l'ensemble des conventions internationales signées par la France, qui garantissaient toutes directement ou indirectement le droit au logement

→ Conseil d'Etat qui applique le principe de l'économie de moyens et ne retient que le grief d'inconventionnalité au regard des stipulations de la convention n°97 de l'Organisation internationale du travail du 1er juillet 1949

  • article 6 qui prescrit que ''Tout membre pour lequel la présente convention est en vigueur s’engage à appliquer, sans discrimination de nationalité […] aux immigrants qui se trouvent légalement dans les limites de son territoire, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu’il applique à ses propres ressortissants en ce qui concerne les matières suivantes :  […] iii) le logement''
  • effet direct de cette stipulation déjà consacré par le Conseil d'Etat dans les décisions du 7 juin 2006 (Associations Aides, GISTI et autres) et du 23 décembre 2010 (Associations Aides, AFVS et autres)

→ choix du grief d'inconventionnalité par rapport à cette convention car l'effet direct a déjà été admis

  • arrêt qui définit plus clairement les critères de l'effet direct

→ la stipulation ne doit pas avoir ''pour objet exclusif de régir les relations entre Etats''

→ la stipulation ne doit requérir ''l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers'' / généralité et imprécision de la norme internationale qui n'est pas prise en compte (suit les recommandations du rapporteur public)

  • une stipulation est d’effet direct lorsqu’elle ''n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats'' et ''ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers''. La première condition est ainsi exprimée de façon négative : un traité est présumé d’effet direct, sauf s’il ne régit que les rapports entre Etats. La seconde condition est déconnectée de la seule rédaction, puisque, précise l’arrêt, ''l’absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les Etats parties comme sujets de l’obligation qu’elle définit''. L’arrêt fait d’ailleurs en l’espèce une application souple de cette définition, en reconnaissant l’effet direct du traité en cause.
  • mais CE qui ne suit pas les conclusions du rapporteur public en ce qu'il suggérait d'élargir l'invocabilité à toutes les normes conventionnelles, même dénuées d'effet direct / prolongement des conclusions du rapporteur public de l'arrêt GISTI de 1997 (Ronny Abraham)
  • critères qui ne s'appliquent pas lorsque la détermination de l'effet direct d'un traité revient exclusivement à la Cour de justice de l'Union européenne / effet direct des normes communautaires  

→ CE qui prend également soin, comme dans l’arrêt Kandyrine de Brito Paivade ne pas englober dans sa nouvelle grille d’analyse l’« ordre juridique intégré que constitue l’Union européenne» (CE, Ass., 23 décembre 2011) en réservant les ''cas où est en cause un traité pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct'' / particularités de cet ordre juridique qui ''ne lui permettent plus d’être entièrement assimilé au droit international général'' (concl. Dumortier)

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